I/ EPF* Suisse: Entre bougies et piles à
combustible
* Ecoles Polytechniques Fédérales
Les EPF ont exploré l'utopie
d'une «société à 2000 watts» consommant
trois fois moins qu'aujourd'hui. Faisable à condition de mettre
le paquet en termes de recherche et d'investissements.
Le projet ambitieux des Ecoles
polytechniques fédérales (ici celle de Lausanne) explore
la faisabilité d'une réduction drastique de la consommation
et les techniques pour y parvenir.
Laurent Aubert
Publié le 22 septembre 2005
Comment se préparer à la pénurie
annoncée des énergies fossiles? C'est le défi que
tente de relever le programme de recherche «La société
à 2000 watts», auquel participe l'EPFL. Cette étude
explore les voies permettant de réduire la consommation d'un facteur
quatre d'ici à 2050 et la dépendance envers les
énergies non renouvelables.
Les sociétés développées
vont devoir modérer leur boulimie en énergie. Les Ecoles
polytechniques fédérales n'ont pas attendu la flambée
du brut pour se préoccuper du problème. En 1998, le conseil
des EPF a lancé la vision d'une «société
à 2000 watts» en 2050. Ce projet explore la faisabilité
d'une réduction drastique de la consommation et les techniques pour
y parvenir. Les conclusions de la Commission fédérale pour
la recherche énergétique sont plutôt encourageantes:
le défi peut être relevé sans retourner à l'âge
de la bougie. Mais les principaux obstacles sont d'ordre politique: d'importants
investissements devraient être consentis dans la recherche et le
développement alors même que les budgets ne cessent d'être
réduits.
En 2001, la consommation annuelle de la Suisse atteignait
quelque 5000 watts par personne. Ce chiffre comprend la demande
domestique, celles de l'industrie et des transports ainsi que les pertes
et l'énergie nécessaire à la fabrication des biens
importés (énergie grise). Compte tenu de la croissance, la
consommation devrait atteindre plus de 7000 watts par personne en 2050
si rien n'est tenté d'ici là. L'objectif des 2000 watts,
fixé en fonction d'un usage modéré et durable des
énergies non renouvelables, est donc très ambitieux.
Les chercheurs ont choisi une approche globale,
explorant les techniques les plus efficaces pour exploiter les énergies
primaires (pétrole, gaz naturel, uranium, eau, biomasse, vent, géothermie,
soleil) et pour fournir les services nécessaires à la société
(force, chaleur, froid). La mise en œuvre de matériaux peu gourmands
en énergie et le recyclage ont aussi été pris en compte.
Les promesses de l'habitat
Dans l'habitat, les perspectives sont prometteuses,
comme le démontrent déjà les bâtiments Minergie.
La combinaison d'une isolation poussée et d'une ventilation contrôlée
avec une utilisation passive de l'énergie solaire permet de diviser
par dix les besoins en chauffage. Gros bémol, le renouvellement
du parc immobilier étant très lent, les rénovations
devront être fortement encouragées. Le chauffage et la production
d'eau chaude passeront par des solutions beaucoup plus efficaces que les
chaudières actuelles.
En effet, les chercheurs préconisent d'utiliser
les carburants comme le pétrole, le gaz naturel, le biogaz ou le
bioéthanol dans des installations à haut rendement comme
des piles à combustible ou des turbines à gaz. Les premières
permettent indifféremment de produire de l'électricité
à partir d'un carburant ou du carburant à partir d'électricité.
Couplées à un générateur et à un récupérateur
de chaleur, les secondes permettent de produire du courant et de la chaleur
utilisable dans un réseau de chauffage à distance. Pour les
habitations isolées, des pompes à chaleur permettent de tirer
des calories gratuites du sol.
Dans les transports, les voitures individuelles
constituent un gros gisement d'économies. Aujourd'hui, les véhicules
hybrides - comprenant un moteur à combustion, des batteries et un
moteur électrique - permettent de diminuer la consommation par deux.
D'autres progrès sont à attendre des nouveaux matériaux,
de l'aérodynamique et de la récupération de l'énergie
cinétique au freinage. L'excellent rendement global du train dégage
un potentiel plus limité. Quant à l'avion, seule une utilisation
beaucoup plus raisonnable, imposée par l'Etat ou les prix du kérosène,
permettra d'atteindre les objectifs de la société à
2000 watts.
Intégration
Dans l'industrie, de nombreux procédés
devront être revus, en particulier pour passer à des températures
moins élevées. Comme pour le chauffage domestique, ces dernières
s'accordent beaucoup mieux avec les performances des couplages chaleur-force
ou des pompes à chaleur. L'intégration sera le maître
mot avec des installations de co- ou de trigénération, fournissant
à la fois électricité, chaleur et froid.
De manière générale, l'exploitation
des énergies non renouvelables comme le pétrole et le gaz
devra être réduite, et probablement stoppée pour des
raisons politiques dans le cas de l'uranium. Un basculement vers le renouvelable
- hydraulique, vent, solaire, biomasse ou géothermie - sera inévitable.
L'électricité hydraulique, qui pourrait couvrir le tiers
des besoins d'une société à 2000 watts, est presque
entièrement exploitée en Suisse. En revanche, la biomasse
(bois, végétaux, déchets organiques, etc.) a de beaux
jours devant elle sous forme de biogaz ou de bioéthanol utilisés
dans des turbines ou des piles à combustible. De telles installations
fourniront un appoint aux énergies saisonnières comme l'hydraulique
et le solaire ou aléatoires comme le vent. Des systèmes d'accumulation
- air comprimé, accumulateurs ou couplage avec une pile à
combustible - seront nécessaires pour tirer le meilleur parti des
éoliennes ou des cellules photovoltaïques.
II/ La société
à 2000 watts
http://www.etopia.be/article.php3?id_article=478
Tanja Lütolf, Novatlantis & Ecole Polytechnique de Zürich.
décembre 2006
Traduction : Andrée Debauche.
Introduction : Le projet Novatlantis
Novatlantis est un programme
des Ecoles polytechniques fédérales de Suisse, qui a pour
objectif de transposer la recherche sur le développement durable
en projets concrets, de manière à illustrer des modes de
vie plus durables.
La situation de départ est bien connue:
si nous ne changeons rien à nos habitudes, les concentrations en
CO2 et dès lors aussi la température continueront
à s'élever. Même si les scénarios disponibles
aujourd'hui diffèrent légèrement dans les détails,
on peut compter sur une moyenne de 3°C en termes d'augmentation de
la température. Si l'on atteignait une stabilisation des émissions
de CO2 à 450 ppm, la température augmenterait
tout de même de 1.5°C. Pour atteindre ce niveau de stabilisation,
les émissions de CO2 devront diminuer de 50% d'ici 2100
- un objectif ambitieux, qui requiert des mesures immédiates si
l'on veut le rencontrer. |
Les conséquences des changements climatiques peuvent déjà
être observées à de nombreux endroits. En Suisse par
exemple, les glaciers voient leur superficie se réduire depuis 1850,
époque à laquelle une accélération a pu être
observée par rapport aux siècles précédents,
et où les concentrations de CO2 ont commencé à
augmenter.
C'est dans ce contexte que, vers le milieu
des années 1990, est né le concept de "société
à 2000 watts".
Il se base sur les besoins
moyens en énergie par personne et par an, à savoir 17.500
kWh. Ce montant correspond à une puissance continue
de 2000 watts. Pourtant, les différences observées entre
les pays sont exorbitantes. Tandis que la norme en Europe occidentale atteint
aujourd'hui le triple, soit 6000 watts, les habitants d'Asie, d'Afrique
ou d'Amérique du Sud sont largement en deçà. En même
temps, les réserves en énergies fossiles ne cessent de diminuer,
alors que la demande est en constante augmentation. Cett répartition
inégale des ressources entraîne des tensions récurrentes,
tant sur le plan économique que politique. Le concept de la „société
à 2000 watts“ permet un équilibre entre les pays industrialisés
et les pays en voie de développement et garantit ainsi à
tous un bon niveau de vie.
Figure 1: la moyenne mondiale: 2000 watts par personne
En 1960, la Suisse correspondait au niveau
de la „société à 2000 watts“; il importe qu'elle le
retrouve au plus vite, sans que ce changement implique une limitation du
niveau de vie des Suisses. Un premier objectif doit être de réduire
de 50% le recours aux énergies fossiles d'ici 2050. A plus long
terme, cette réduction doit atteindre 500 watts par personne, ce
qui correspond à une tonne de CO2, un objectif permettant
de rencontrer les prescriptions du Groupe d'experts intergouvernemental
sur les changements climatiques.
Figure 2 : la Suisse sur la voie de la société 2000
watts.
Voir :
http://www.etopia.be/IMG/pdf/societe_2000_watts.pdf
(11 pages)
III/ La société
à 2000W à Genève?
Société2000wAtts.com
Pour relever le défi du dérèglement
climatique et de la raréfaction des énergies fossiles, Genève
a décidé d'adopter le principe de la "société
à 2000 Watts sans nucléaire". Cette nouvelle conception
générale de l'énergie préconise de réduire
massivement notre consommation énergétique, sans pour autant
diminuer notre confort.
Principaux objectifs pour Genève et plan directeur
L'ambition du Conseil d'Etat est d'atteindre
le plus rapidement possible la société à 2000 Watts
sans nucléaire. Les objectifs à court terme, à atteindre
d'ici 2010, sont de réduire la consommation d'énergie fossile
de 200 watts par habitant (-6,25% par rapport à 2005), et d'augmenter
l'approvisionnement en énergies renouvelables de 100 watts par habitant
(+11% par rapport à 2005). Au-delà de cette première
étape, des perspectives à plus long terme sont proposées
à l'horizon 2035 et 2050.
Le plan directeur, dont l'élaboration
est en cours, doit mettre en œuvre la conception générale
de l'énergie. Il prévoit notamment les actions suivantes:
· planification énergétique
territoriale, visant à prendre systématiquement en compte
l'énergie dans les projets d'aménagement par des concepts
énergétiques de quartier (quartier des Vergers à Meyrin,
secteur Praille-Acacias, projet d'agglomération, etc.);
· soutien aux actions développées
par les SIG en matière de maîtrise de la demande d'électricité;
· réorganisation de
l'offre en transports publics, en densifiant la ville autour de ces derniers
(CEVA);
· soutien à la démarche
de la Ville de Genève "100% renouvelable en 2050" pour les
besoins en chauffage de ses bâtiments;
· encouragement et incitation
aux constructions et rénovations de haut standard énergétique;
information et formation, en particulier dans les programmes des écoles
professionnelles pour intégrer la problématique énergétique
dans la formation de base.
Association Genève à 2000 watts
La mise en place des concepts de la société
à 2000 watts a été initiée il y a quelques
années déjà dans deux grandes villes: Bâle
et Zürich. Partant de ce constat, il y a environ deux ans un
groupe d'acteurs académiques genevois s'est dit que la 3ème
ville phare dans la mise en place d'une société à
2000 Watts devait être Genève. Un groupe de travail
volontaire s'est donc constitué et a d'abord analysé les
expériences de Bâle et Zürich afin d'en déduire
le meilleur mode opératoire pour Genève. Depuis le début,
la collaboration avec Novatlantis, a été très
intense et constructive. En juin 2007, l'association "Genève à
2000 Watts" s'est constituée.
Son principal objectif est de mettre en place un point de coordination,
d'échange d'expériences et d'initiation de projets qui s'inscrivent
dans les objectifs de la société à 2000 watts.
La force de cette association tient en la
présence conjointe d'acteurs privés, académiques,
institutionnels et associatifs. Les membres fondateurs sont: Hes-so//Genève,
Université de Genève, FEDRE, WWF, TPG, SIG, Novatlantis.
Plusieurs associations professionnelles ont également contribué
à la mise en place de "Genève à 2000 Watts". Ouverte
à tous (acteurs privés, publics, communes), l'association
rentre maintenant dans sa phase opérationnelle. |