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UTILISATION RATIONNELLE DE L’ENERGIE ET ENERGIES
RENOUVELABLES, DES ALLIES INCONTESTABLES : APPLICATION A UNE PRODUCTION
DECENTRALISEE D’ELECTRICITE PHOTOVOLTAIQUE
Par Gilles Notton† et Marc Nuselli
Université de Corse - Centre de Recherches "Energie
et Systèmes
U.R.A. CNRS 2053, Route des Sanguinaires, F-20000 AJACCIO,
France
Rational energy use and renewable energies, inconstestable
allies : Applications to a decentralized electrical photovoltaic production
Abstract : The choice of electrical devices
which will be connected to a renewable energy stand-alone system has an
important part in energetic system sizing and profitability. "Conventional"
and "highly efficient" electrical appliances have been studied from both
energetic and economic points of view. Considering a household located
in a remote area and supplied by a stand alone photovoltaic system, we
have shown through two load profiles that it is possible to reduce on the
one hand the PV system sizing by a factor of three and on the other hand
the system cost by about four, only by choosing the best appliances without
it changes the level of convenience.
Résumé :
Le choix de l’équipement électro-domestique alimenté
par un système énergétique à source renouvelable
d’énergie joue un rôle prédominant sur le dimensionnement
du système et sur sa rentabilité économique. Des appareils
électroménagers dits « conventionnels » ou «
à haut rendement énergétique » ont été
étudiés aussi bien d’un point de vue énergétique
qu’économique. En considérant une habitation située
en zone isolée (loin du réseau électrique) et alimentée
par un système photovoltaïque autonome, nous avons montré
en utilisant deux profils de consommation qu’il est possible de réduire
d’une part d’un facteur trois la taille du système et d’autre part
d’un facteur quatre le coût de celui-ci, en intervenant uniquement
sur le choix des appareils électriques sans changer le niveau de
confort recherché.
INTRODUCTION
De récentes estimations ont montré
qu’actuellement près de 2,2 milliards d'individus ne sont toujours
pas raccordés aux grands réseaux d'électricité
(1) (ce qui représente environ 44% de la population mondiale), pour
la plupart situé dans les pays du Tiers Monde. Ne serait ce qu’en
Europe, plus de 900000 personnes vivent encore sans électricité,
95% d'entre eux résidant dans la partie sud du continent du fait
des plus faibles revenus, de la présence de régions rudes
et d’une faible densité de population (2). Les énergies renouvelables
bien adaptées à une production décentralisée
d'électricité peuvent contribuer à résoudre
ce problème et ouvrir de vastes marchés notamment pour les
entreprises du secteur photovoltaïque et éolien.
La donnée initiale dans la mise en œuvre
d'un système de production à source renouvelable d’énergie
comme pour tout autre système énergétique est la demande,
qui va être déterminée par rapport à la et/ou
les charges à alimenter. Cette demande doit être estimée
aussi précisément que possible tant d’un point de vue des
puissances appelées que de sa répartition temporelle, même
si son caractère souvent aléatoire rend cette tâche
bien difficile.
Les charges à alimenter pourront être
de type continu et/ou alternatif, et être qualifiées :
-
soit de « conventionnelles » ; il s’agit d’équipements
électriques facilement disponibles sur le marché mais dont
le rendement de conversion est faible et qui sont optimisés non
pas d'un point de vue énergétique, mais du point de vue du
rapport prix sur le marché/services rendus.
-
Ou d’« adaptées ou à haut rendement énergétique
», elles sont plus rares sur le marché et d'un prix très
supérieur aux charges dites conventionnelles.
En fait, comme quelques études (3) l'ont montré
: "Nous n'avons pas besoin d'énergie en soi, mais de services énergétiques"
comme éclairage, réfrigération, chauffage... Il convient
donc de répondre à cette demande de service énergétique
au moindre coût et d'un point de vue d’une économie d'énergie
maximale. Ainsi, depuis la crise pétrolière de 1973, la quantité
d'énergie nécessaire pour produire 1 Franc du PNB en France
a chuté de 20% par le simple fait d'une meilleure utilisation de
l'énergie. L'efficacité des équipements électriques
pourrait dans l’avenir augmenter de 30 à 75% (4).
Pour illustrer ces propos, citons deux exemples
récents :
-
la consommation d’une maison équipée de manière conventionnelle
ou standard est en moyenne de 3000 kWh par an, soit 8,2 kWh par jour. Cette
consommation peut être réduite à 700 kWh annuellement
(5) soit 1,9 kWh par jour sans pour autant diminuer le degré de
confort de l’usager ;
-
en 1992, le Fraunhofer-Institute of Solar Energy Systems (FhG-ISE) a construit
une maison autonome en énergie dans la région de Freiburg
en Allemagne (6). Conçue pour une famille de trois personnes, elle
est équipée de tout le confort moderne (éclairage,
lave-linge, lave-vaisselle, audiovisuel, etc.). La consommation annuelle
mesurée de cette maison est de 930 kWh alors que la moyenne allemande
de consommation est de 3270 kWh soit 3,5 fois plus élevée.
-
EQUIPEMENT ELECTRIQUE – CONSOMMATION ENERGETIQUE
Les produits de consommation courante (charges conventionnelles)
ont malheureusement très souvent fait fi de leur consommation énergétique
et de leur rendement, cependant depuis quelques années, des efforts
non négligeables ont vu le jour et la consommation énergétique
est même devenue, dans certains cas, un critère de choix.
Nous allons passer en revue dans ce paragraphe différents
appareillages domestiques conventionnels (utilisés dans une habitation
classique reliée au réseau de distribution) ou à usage
plus spécifique dans le cadre d’habitations en sites isolés
(moins « énergivores » ou « énergiphobes
»).
-
ECLAIRAGE
D’importants progrès ont été
réalisés dans le domaine de l’éclairage. L’arrivée
sur le marché des lampes fluo-compacts et leur conséquente
diminution de coûts ces dernières années permet de
réduire la consommation électrique à but d’éclairage,
même si celle-ci ne représente pas la part la plus importante
de la consommation totale d’une habitation. Leur prix d’achat est supérieur
à celui des lampes traditionnelles à incandescence mais la
différence de prix est largement amortie par la durée de
vie supérieure et la réduction de 80% de la facture énergétique.
L'emploi d'ampoules à meilleur rendement, de réflecteurs
et une implantation plus rationnelle des points d'éclairage pourrait
réduire la consommation électrique de ce secteur de plus
de 75% comme l’illustre la Figure 1 extraite de l’article de R.Bevington
et A.Rosenfeld (7). Un aperçu des divers moyens d’éclairages
et de leurs principales caractéristiques physiques est présenté
dans le Tableau 1.
Dans le cadre d’une électrification décentralisée
photovoltaïque, l’utilisation de lampes fluorescentes basse tension
est la solution la mieux adaptée.
-
PRODUCTION DE FROID – CONSERVATION DES DENREES
PERISSABLES
La conservation des denrées périssables
est probablement l’un des problèmes essentiels auxquels est confronté
un ménage en particulier si celui-ci réside en zone rurale
isolée. Nous allons analyser ici à la fois les consommations
énergétiques et les coûts des machines de production
de froid.
Nous avons dressé un inventaire de quelques
réfrigérateurs alimentés en courant alternatif (AC)
disponibles sur le marché français et nous avons reporté
sur la Figure 2, la consommation spécifique (consommation énergétique
ramenée à l’unité de volume) de ces appareils de production
de froid en fonction de leur volume net, le niveau de réfrigération
(ou qualité de froid) est caractérisé par le nombre
d’étoiles. On constate immédiatement que pour deux réfrigérateurs
similaires (même niveau de froid et même volume), la consommation
électrique peut varier dans une proportion de 1 à 3.
Comme les systèmes photovoltaïques de
production décentralisée d’électricité fournissent
un courant continu (DC), un inventaire identique au précédent
(Figure 3) a été effectué sur les réfrigérateurs
à alimentation continue beaucoup moins disponibles sur le marché
; à ces données ont été ajoutées celles
relatives à une précédente étude réalisée
par W.B.Gillett et al (9). Ces réfrigérateurs fonctionnent
en général en 12 ou 24 VDC et certains modèles peuvent
être également alimentés en 110 ou 240 VDC ou ils utilisent
du gaz liquide propane (exemple: réfrigérateurs camping gaz).
Ces réfrigérateurs fonctionnent selon un cycle à absorption
ou un cycle à compression. De manière général,
un réfrigérateur à cycle à absorption a une
puissance de 70 à 100 W alors qu’un cycle à compression nécessite
une puissance de 25 à 50 W. Cependant, ces derniers demandent au
démarrage un courant d’environ 3 fois le courant nominal de fonctionnement.
Les réfrigérateurs dits « solaires » sont des
réfrigérateurs spécialement conçus pour une
alimentation photovoltaïque, ils bénéficient d’une plus
haute isolation thermique et d’une meilleure efficacité énergétique
; par contre, les autres réfrigérateurs ou congélateurs
disponibles sont généralement des modèles conventionnels
produits en masse et qui ont été convertis pour fonctionner
en courant continu (camping, plaisance, réfrigérateur pour
automobiles) sans aucune autre modification. Au regard de la Figure 3,
on constate que les consommations spécifiques sont très changeantes
car elles peuvent varier de plus d’un facteur 10 pour une gamme de réfrigérateur-congélateurs
de volume inférieur à 50 litres. Pour des appareils de volume
plus important, la consommation spécifique varie dans un rapport
de 1 à 3 environ comme nous l’avions déjà constaté
pour les réfrigérateurs à alimentation alternative.
Malheureusement, les réfrigérateurs
DC ont un coût d’achat bien supérieur à celui d’un
réfrigérateur conventionnel AC car ils ne bénéficient
pas d’une production de masse suffisante. Ainsi, un réfrigérateur
à alimentation continue peut être deux à cinq fois
plus onéreux qu’un réfrigérateur conventionnel de
même volume et offrant la même qualité de froid comme
nous le montre la Figure 4. Performances énergétiques élevées
et faible coût ne vont pas de paire. Il reste encore des progrès
à faire pour bénéficier d’un appareil de très
bon rapport qualité/prix.
Une enquête danoise (5) a montré qu’un
réfrigérateur standard qui utilisait 350 kWh électrique
par an en 1988 pouvait aujourd’hui n’en consommer que 90 kWh dans sa version
la plus optimisée et sa consommation annuelle pourrait même
dans le futur atteindre à peine 50 kWh. La même tendance a
été constatée par Fickett et al (4) : si la consommation
spécifique journalière moyenne d’un réfrigérateur
de 250 litres était de 6,5 Wh/litre en 1960, elle n’était
plus que de 3,8 Wh/jour/litre en 1990 ce qui correspond à une diminution
de 40% de la consommation énergétique. Nous pouvons donc
encore espérer une réduction substantielle de la consommation
des réfrigérateurs dans les années à venir.
Plus une habitation sera isolée, plus ses
besoins en conservation de produits alimentaires seront accrus, aussi nous
a-t-il paru nécessaire d’étendre l’étude précédente
aux congélateurs. La consommation électrique d’un congélateur
peut être jusqu’à trois fois plus grande que celle d’un réfrigérateur.
Nous avons distingué dans cette étude
les congélateurs horizontaux à ouverture sur le dessus et
les congélateurs verticaux à ouverture frontale. Si les premiers
sont moins « énergivores » du fait de pertes thermiques
moindres à l’ouverture de la porte par rapport à une ouverture
frontale, les seconds facilitent le choix d’un aliment à l’intérieur
du congélateur. En général, pour des applications
où la fréquence d’ouverture est faible, comme par exemple
pour la conservation de vaccins dans un dispensaire, les congélateurs
horizontaux sont fortement conseillés. On note évidemment
sur la Figure 5 que la consommation électrique est moindre pour
un congélateur horizontal que vertical ; de plus, les congélateurs
à haute isolation thermique (malheureusement environ 30% plus cher
que son jumeau non isolé) consomment de 30 à 50% moins que
la même version non isolée.
Nous avons calculé puis tracé les
courbes de tendance relatives au coût par litre des congélateurs
AC en fonction de leur capacité sur la Figure 6. Nous constatons
comme cela a déjà été le cas pour les réfrigérateurs
que le coût d’un congélateur alimenté en courant continu
est trois fois supérieur à celui d’un congélateur
conventionnel AC du fait de la faiblesse du marché pour ce type
de congélateur.
Dans l’avenir, nous pouvons nous attendre à
quelques améliorations si la chute des consommations se poursuit
; en effet, en 1982 un congélateur de 330 litres avait une consommation
journalière spécifique de 6,6 Wh par litre contre environ
4 Wh par litre en 1990 (5) ; ces résultats sont confirmés
également par une enquête danoise (5) : un congélateur
qui consommait annuellement 500 kWh en 1988 n’en consomme aujourd’hui plus
que 180 kWh dans sa version la plus optimisée énergétiquement
et l’on pourrait atteindre 100 kWh bientôt.
-
AUTRES APPAREILS UTILES
Eclairage et production de froid représentent
sans aucun doute les deux besoins essentiels d’une habitation ; l’information
et les loisirs sont de nos jours indissociables d’une vie en société.
Même dans les régions les plus éloignées du
globe, une télévision (ou au moins une radio) fait souvent
partie des appareils traditionnels d’une habitation.
Les téléviseurs à écran
noir et blanc de 25 ou 30 cm sont largement disponibles pour l’alimentation
en 12 V DC ou 24 V DC. Les téléviseurs couleurs quant à
eux ont besoin le plus souvent d’un adaptateur pour pouvoir être
alimentés en courant continu. Les petits téléviseurs
noirs et blancs ont une puissance nominale de 12 à 20 W contre 35-50
W pour de petits téléviseurs couleurs. Bien entendu ces puissances
de fonctionnement peuvent être bien plus importantes pour des tailles
d’écran plus élevées. Une prospection des téléviseurs
couleurs en vente en France montre que la puissance électrique peut
varier de 39 à 60 W pour un écran de 36 cm et de 57 à
70 W pour un écran de 55 cm de diagonale. L’utilisation de téléviseur
à télécommande se traduit souvent par un maintien
de l‘appareil en veille pendant de longues heures ; or cette mise en veille
a des conséquences énergétiques non négligeables
: en effet, si une petite télévision de 25 cm consomme de
25 à 46 W en période de marche, sa consommation en «
stand-by » est comprise entre 0,1 et 1,5 W ce qui peut au niveau
de la consommation énergétique journalière donnait
lieu à une augmentation de près de 50% dans certains cas
(10). Il convient de noter également que les consommations des téléviseurs
dépendent également du degré de luminosité
et de contraste de l’écran, aussi le choix du lieu d’installation
est important pour réduire au maximum le besoin de contraste (éviter
un positionnement du téléviseur face à une vitre par
exemple). La venue des écrans à cristaux liquides devrait
induire une diminution des puissances électriques utilisées
(inférieures à 10 W).
Il existe d’autres appareils électroménagers
qui peuvent être alimentés dans le cadre d’une installation
photovoltaïque, mais qui ne sont plus à proprement parlé
des appareils « indispensables ». La plupart de ces appareils
sont disponibles chez les distributeurs d’équipements pour caravaning
ou la plaisance : lave-linge, ventilation, radio, …
La consommation d’un lave-linge varie énormément
selon le cycle de lavage choisi (en particulier selon la température
de lavage) comme le montre le Tableau 2 (5). On constate sans aucune difficulté
que la majeure partie de l’énergie (90 à 95%) provient du
chauffage de l’eau; il est à noter que l’énergie nécessaire
à ce chauffage pourrait être directement amenée sous
forme d’énergie thermique par un capteur solaire plan par exemple.
Dans ces conditions, l’énergie électrique nécessaire
à une lessive représenterait entre 40 et 100 Wh, consommation
tout à fait envisageable pour être suppléée
par un système photovoltaïque. L’utilisation d’un lave-linge
se traduit par une consommation énergétique annuelle de 400
kWh en moyenne mais elle peut être réduite à 240 kWh
par l’utilisation de machines performantes (5). De même, si la moyenne
allemande de la consommation énergétique d’un lave linge
est de 380 kWh/an, elle n’est que de 110 kWh dans la maison autonome de
Freiburg (6) dont nous avons parlé en introduction de ce papier.
On peut également envisager le raccordement
d’un ventilateur dont les puissances mises en jeu ne sont pas considérables
et qui a l’avantage de fonctionner en période chaude, c’est-à-dire
en général en période de fort ensoleillement.
De même que la télévision, on
peut adjoindre un poste de radio (même radiocassette) dont la puissance
électrique de fonctionnement est en général très
faible.
-
CONCLUSION
Cette brève revue des
quelques appareils électroménagers d’usage courant montre
qu’un intérêt tout particulier doit être porté
sur la consommation électrique de l’équipement électro-domestique
et que d’autre part leur utilisation doit être optimisée (choix
judicieux de la température de l’eau pour un lave-linge, positionnement
optimal du téléviseur pour réduire le niveau de contraste,
minimisation de la fréquence d’ouverture des machines de production
de froid, etc.). Ces quelques considérations permettent de réduire
parfois d’un facteur quatre la charge à alimenter par le système
énergétique choisi.
Après cet examen général des
charges courantes d’une habitation moyenne, il convient de nous intéresser
maintenant au système qui alimentera ces charges, puis d’étudier
comment le choix de ces charges interfère ou intervient sur le dimensionnement
du système et sur la gestion de l’énergie produite.
-
CHOIX DU SYSTEME D’ALIMENTATION ELECTRIQUE
Le choix d’une alimentation continue ou alternative
relève de plusieurs considérations :
-
Du nombre d'habitations à alimenter sur un même site. En effet,
s'il s'agit d'un hameau de plusieurs maisons, deux possibilités
s’offrent à nous : soit l’utilisation d’un système photovoltaïque
centralisé, soit l’utilisation de plusieurs systèmes photovoltaïques
individuels. Dans le premier cas de figure, devant l'importance des puissances
(et donc des courants) mises en jeu, l'utilisation d'une alimentation alternative
devient nécessaire du fait, d'une part de l'impossibilité
technique d'une alimentation en courant continu à très basse
tension (12, 24 ou 48 V, tensions pour lesquelles du matériel adapté
peut être trouvé) à cause de l’importance des pertes
en ligne et d'autre part pour des raisons de sécurité de
l’utilisateur.
-
Si du matériel électrique fonctionnant en courant alternatif
existe déjà dans l'habitation (cas fréquent pour des
habitations isolées qui étaient auparavant alimentées
par un groupe électrogène), il est difficile de faire abstraction
de ce matériel et de demander à l'utilisateur de renouveler
tout son équipement. De plus, certains matériels électriques
n'existent pas en alimentation en courant continu.
Ainsi différents modes d’alimentation peuvent être envisagés
:
-
Alimentation individuelle en courant continu (avec des charges à
haut rendement le plus souvent) ;
-
Alimentation individuelle en courant alternatif (avec charges à
haut rendement ou non) ;
-
Alimentation individuelle en courant mixte (continu + alternatif) ;
-
Alimentation centralisée (charge conventionnelle ou à haut
rendement) en courant alternatif.
-
SYSTEMES INDIVIDUELS OU SYSTEME CENTRALISE ?
Dans le cas d’une alimentation individuelle, le propriétaire
de la maison a la possibilité de gérer sa propre consommation
énergétique selon l’énergie disponible dans son propre
système PV. Il est également plus engagé avec son
installation et en prendra soin de manière plus attentive. Ce type
de système alimente le plus souvent du matériel basse consommation
induisant par là même un coût réduit de l'installation.
Néanmoins, le caractère modulaire de ces systèmes,
qui est un des tous premiers avantages de ces systèmes, permettra
si besoin il y a, d'augmenter facilement la capacité de production.
Quant au système centralisé, il fonctionnera
certainement avec une plus grande efficacité car il permet une meilleure
utilisation de l’énergie disponible. De la même manière
que lors d’un raccordement au réseau, une certaine égalisation
aura lieu du fait des différentes habitudes et besoins des consommateurs.
Mais il demande aussi une plus importante discipline et solidarité
entre les utilisateurs. Chaque utilisateur devra se soumettre à
des règles de consommation (le non respect des règles par
l’un des utilisateurs pourra entraîner une pénurie pour toute
la communauté) puisque l’apport énergétique n’est
pas illimité, et la non observation de ces limites pourra être
la cause de tensions sociales dans la communauté.
En ce qui concerne le coût de tels systèmes,
il est difficile de conclure : si d’un coté, l’effet d’échelle
joue en faveur d’un système unique centralisé, d’un autre
coté, un système individuel contraindra son possesseur à
n’utiliser que de l’électroménager performant, donc réduisant
ainsi sa consommation et par la même la taille de son système
PV et son coût.
Pour résoudre ce problème, il est
nécessaire de prendre en compte d’autres aspects que l’aspect purement
énergétique en considérant les problèmes sociaux
en particulier. Cependant, il semble que pour de petites communautés
et des besoins modestes, les systèmes individuels soient plus attractifs.
-
ALIMENTATION CONTINUE OU ALTERNATIVE ?
Doit-on installer dans le cas d’une alimentation individuelle
(dans le cas d’une installation centralisée le problème ne
se pose pas pour les raisons exposées précédemment)
un système DC, AC ou mixte ?
Si seuls des lampes, une radio, une télévision
et quelques autres appareils électroménagers DC sont utilisés,
un système photovoltaïque DC est sans aucun doute la solution
la plus intéressante. Ce système est simple, fiable, relativement
bon marché et fonctionne avec un bon rendement puisque les pertes
du convertisseur DC/AC sont évitées. Cependant, l’utilisateur
peut avoir besoin d’autres équipements tels que machine à
café, machine à laver, outils électriques, ... ces
équipements sont difficilement disponibles en alimentation DC et
consomment en général beaucoup d’énergie.
L’utilisation de convertisseurs DC/AC a trois inconvénients
majeurs : d’une part, le coût élevé de l’onduleur (dépendant
de la qualité du signal de sortie) (18), d’autre part, la diminution
du rendement global de l’installation (du fait de la variation du rendement
de l’onduleur en fonction de la puissance appelée et de sa consommation
à vide) et enfin du risque important de défaillances (le
plus important sur un système PV à cause de la fragilité
intrinsèque des onduleurs).
Certains onduleurs (le plus souvent de taille moyenne
ou grande) fonctionnent sans discontinuité même si aucune
charge n’appelle d’électricité ; ils ont donc une consommation
à vide non négligeable. Pour les plus petits onduleurs, cette
autoconsommation n’est présente qu’en période de fourniture
d’électricité.
Si le rendement d’un onduleur peut atteindre 95%
à pleine charge, son rendement diminue fortement dès que
la puissance à alimenter devient inférieure à la puissance
nominale de l’onduleur (choisie pour pouvoir satisfaire toutes les charges
c’est-à-dire égale à la somme des puissances des charges
raccordées) et peut atteindre 20% si la charge raccordée
représente 10% de la puissance maximum du convertisseur. Dans le
cas d’un onduleur unique pour toute l’alimentation, il fonctionnera souvent
avec un rendement faible même très faible. Une solution consiste
donc à disposer d’autant d’onduleurs qu’il y a de charges AC et
de les choisir chacun de la puissance nominale de l’appareil qu’il doit
alimenter, cela a pour avantage de faire fonctionner chaque convertisseur
à un rendement plus élevé, d’augmenter la fiabilité
du système global mais pour inconvénient d’augmenter de manière
importante le coût de l’installation.
La meilleure solution de l’avis de bon nombre d’auteurs
(5,9,11-12), le système mixte, consiste à diviser le système
photovoltaïque en deux sous systèmes, un sous système
produisant une alimentation DC pour l’éclairage, la radio et la
télévision par exemple et un sous système AC pour
les autres équipements nécessitant une alimentation alternative;
dans un tel système, l’onduleur sera mis en marche uniquement lorsque
qu’une charge AC le nécessitera. L’installation sera un peu plus
compliquée mais les avantages sont évidents. Les résultats
d’une enquête menée sur 40 maisons photovoltaïques en
France confirment ces conclusions (13) :
-
Les générateurs photovoltaïques fournissant une alimentation
continue en 24 V donnent des résultats très satisfaisants
et leur fiabilité est excellente ;
-
malheureusement, les appareils fonctionnant en 24 V continu sont difficiles
à trouver sur le marché et leur coût est très
élevé ;
-
les systèmes offrant une alimentation alternative et n’utilisant
qu’un seul onduleur sont peu fiables à cause des problèmes
liés aux onduleurs ; de plus, le rendement global du système
est faible (50% de pertes dues à la présence de l’onduleur)
;
-
les appareils à courant alternatif sont peu adaptés à
une alimentation photovoltaïque en raison de leur forte consommation
;
-
les contraintes de limitation de puissance auxquels sont soumis les utilisateurs
de systèmes alternatifs causent quelques incompréhensions,
pourquoi ne pas utiliser tous les appareils électriques dont ils
disposent alors que le 220 V est disponible?
Ainsi, le système mixte couplé à
plusieurs convertisseurs DC/AC allie les avantages de chaque système.
Cette solution peut encore être améliorée par l’ajout
d’une source d’énergie secondaire, le plus souvent un groupe électrogène,
qui pourra d’une part augmenter la fiabilité du système,
alimenter des charges plus energivores et diminuer de manière importante
le coût de l’électricité produite par une diminution
importante de la taille du générateur solaire.
-
ETUDE DE CAS : ALIMENTATION D’UNE HABITATION ISOLEE
SELON DEUX SCENARIOS : «ECONOME » ET « STANDARD »
Nous allons envisager ici d’alimenter une maison
isolée ou de manière plus exacte d’apporter un certain service
énergétique à un foyer et ce de deux façons
: d’une part en utilisant des appareils à haut rendement énergétique
et d’autre part en utilisant des appareils « standards ». Car
en fait, ce n’est pas d’énergie en soi que réclame une population
mais un service énergétique, à nous de le lui apporter
au moindre coût et avec une efficacité énergétique
optimale.
-
ELABORATION DES PROFILS DE CONSOMMATIONS TYPES
Une étude italienne (14) a montré
que l’équipement d’une maison habituelle en zone rurale comprenait
: un réfrigérateur (pour 90% des ménages, 30% avec
congélateur intégré), un congélateur séparé
(7%), un téléviseur (87%), un lave-linge (60%), un lave-vaisselle
(1,8%), un chauffe-eau électrique (60%) et enfin une cuisinière
(gaz + électricité) (26%).
Dans notre étude, nous avons considéré
une habitation non raccordée au réseau de distribution d’électricité
et bien évidemment, nous n’avons pas envisagé l’alimentation
d’une cuisinière électrique ou d’un lave vaisselle ; en ce
qui concerne le lave-linge, le choix est plus délicat, ou bien l’on
considère que la lessive est faite à la main ou bien on peut
envisager une machine à laver dont l’eau est chauffée par
un capteur solaire plan ou qui est alimentée par un groupe électrogène.
Nous avons choisi de ne pas prendre en compte la machine à laver
dans notre consommation électrique.
Le choix de la taille d’un réfrigérateur
ou d’un congélateur dépend étroitement de l’utilisation
familiale. Le foyer considéré se compose de quatre personnes
suffisamment isolées pour ne faire les achats de nourriture qu’une
fois par semaine ; ainsi, en réduisant les besoins tout en restant
réaliste, et à partir du Tableau 3 (15), nous avons choisi
d’utiliser un réfrigérateur et un congélateur de 300
litres de volume chacun. Les consommations énergétiques des
systèmes de production de froid ont été données
précédemment pour une température extérieure
de 25°C. Ces consommations ont été corrigées afin
de tenir compte de la variation de température en fonction des saisons,
ainsi, ont-elles été considérées comme valables
pour le printemps et l’automne mais respectivement augmentées et
réduites de 15% pour l’été et l’hiver (15) (voir Tableau
4). Il est impossible de déterminer le profil de consommation de
ces machines car leur mise en marche et leur arrêt sont commandés
par une régulation basée sur des seuils de température.
Dans l’établissement des profils de consommation, il est souvent
modélisé comme étant constant sur la journée
ou comme fonctionnant une heure toutes les trois heures ; nous avons opté
pour le premier modèle.
Pour ce qui est de l’éclairage, nous avons
montré que dans le cas d’une électrification autonome, les
lampes fluorescentes étaient plus adaptées que les traditionnelles
lampes à incandescence. Nous avons donc envisagé l’utilisation
des premières lampes dans le profil dit « économe »
et des secondes dans le profil dit « standard ». Nous avons
ainsi calculé une consommation annuelle respectivement de 99 et
528 kWh pour chacun des deux profils.
A cet indispensable équipement a été
ajouté un petit téléviseur de 36 cm d’une puissance
de 50 W fonctionnant en moyenne 4 heures en été et 5 heures
durant les autres saisons.
Ces diverses considérations ont donc amené
à construire deux profils saisonniers de consommation conduisant
tous deux au même niveau de confort c’est-à-dire offrant le
même service : le profil « économe » utilisant
du matériel adapté à haut rendement énergétique
et le profil « standard » utilisant un équipement dont
la consommation énergétique se situe dans la moyenne de celles
des appareils conventionnels disponibles sur le marché. Les consommations
annuelles pour chacun des deux profils sont respectivement 623 kWh pour
le profil économe et 1517 kWh pour le profil standard (Figures 7
et 8).
-
DIMENSIONNEMENT DU SYSTEME ENERGETIQUE
Le comportement du système photovoltaïque
est simulé numériquement sur la base des équations
de conservation de l’énergie et de continuité du stockage
par batteries à partir des données d’ensoleillement disponibles
et des deux profils de consommation précédemment définis
(16). Nous pouvons ainsi dimensionner notre système photovoltaïque
afin que celui-ci réponde à tout instant à la charge
qui lui est raccordée conduisant ainsi à une autonomie totale
ou autrement dit à une probabilité de pertes de charge nulle.
Cependant, il est intrinsèquement impossible (17) de valider un
modèle analytique pour des valeurs de probabilité de pertes
de charges inférieures à 0,01, valeur qui représente
une limite tout à fait acceptable pour des applications telles que
éclairage, électrification de maisons, etc. Par contre, pour
des applications nécessitant une plus haute fiabilité comme
par exemple l’alimentation de relais hertziens, il est nécessaire
de dimensionner les systèmes pour une probabilité de pertes
de charge de 0,001 et même 0,0001. En ce qui concerne cette étude,
le système photovoltaïque a été dimensionné
pour une autonomie totale et pour une probabilité de pertes de charge
de 0,01 (soit trois jours par an de charge non satisfaite) ce qui est une
limite raisonnable pour les projets d’électrification rurale. Une
fois que la courbe de dimensionnement a été déterminée
c’est-à-dire que l’ensemble des configurations possibles du système
a été calculé, une optimisation économique
est effectuée afin de choisir parmi cet ensemble, la configuration
qui conduira au plus bas coût du kWh produit (18). Les courbes de
dimensionnement et la configuration optimale sont représentées
sur la Figure 9.
Au niveau de la configuration optimale, on constate
que le passage d’une probabilité de perte de charge de 0% à
1% se traduit par une diminution de la surface de 8 à 30% et d’une
diminution significative de la taille des batteries de 50 à 60%.
Bien évidemment cela se répercute au niveau du coût
du kWh produit par le système puisqu’il est réduit de 30
à 40%.
Or, l’objectif de cette étude est de montrer
l’influence du choix de l’équipement électrique (c’est-à-dire
du profil énergétique) sur les caractéristiques du
système de production d’électricité. On observe une
diminution de plus d’un facteur trois des caractéristiques du système
PV par le simple fait d’un choix judicieux du matériel électrique
permettant de passer du profil standard au profil économe. Cela
se traduit également par une réduction de 1/3 du coût
du kWh, ce qui peut paraître à fortiori peu significatif ;
mais, le problème ne se pose pas tout à fait en ces termes
car le coût du kWh n’est pas le paramètre à prendre
en compte. En effet, le système photovoltaïque produira au
cours de sa vie (estimée à 20 ans) 12343 kWh à 12
F dans le cadre du profil économe contre 30040 kWh à 18 F
pour le profil standard ; ainsi, en terme de coût sur la durée
de vie, cela correspond à 312 kF pour le profil standard contre
86 kF pour le profil économe soit une réduction de 72%. On
peut ainsi comparer des coûts pour un même service rendu et
constater qu’un choix optimal de l’équipement peut induire une réduction
de près d’un facteur 4 du coût du système de production
sans diminuer pour autant le degré de confort.
Comme il a été dit dans la première
partie de ce papier, le coût d’un équipement adapté
est beaucoup plus élevé que celui d’un équipement
standard. Ainsi, il nous a paru intéressant d’ajouter au coût
total du système photovoltaïque celui de l’équipement
qui lui est raccordé à la fois sur l’investissement initial
et sur la durée de vie du système en prenant en compte les
changements des appareils électriques qui bien souvent ont une durée
de vie inférieure à 20 ans (Figure 10). On note que même
en prenant en compte l’achat du matériel électro-domestique
qui est toujours à la charge de l’utilisateur alors que l’achat
du système bénéficie parfois d’aides importantes,
la conclusion reste la même puisque les différences ne sont
réduites que de quelques faibles pour-cent.
Ces résultats démontrent l'importance
du choix de l'équipement. L'électricité photovoltaïque
(et plus généralement la production décentralisée
d’électricité) et l'utilisation rationnelle de l'énergie
sont donc des alliés indéniables. Malheureusement, d'autres
facteurs interviennent et font que le choix ne se porte pas toujours sur
la solution la plus intéressante. L'un d'entre eux est le fait que
la majeure partie des installations sont financées par divers organismes
(ADEME, Syndicats intercommunaux d'électrification, EDF,...) et
de ce fait conduit indirectement l'utilisateur à ne voir que la
partie qu'il financera, c'est à dire l'équipement domestique
au dépend de celui du système de production.
CONCLUSION
Un système photovoltaïque DC individuel
semble être la meilleure solution pour l’électrification rurale
même si l’équipement électro-domestique performant
en courant continu est encore rare et plus onéreux qu’un équipement
traditionnel. En utilisant deux scénarios, économe et standard,
nous avons montré que pour un même niveau de confort ou un
même service énergétique rendu, le coût d’un
tel système photovoltaïque sur sa durée de vie peut
être réduit d’un facteur de 3 à 4.
Le rôle du photovoltaïque dans les régions
en voie de développement n'est pas seulement d'apporter "une puissance
énergétique", mais un outil de développement social
et économique des zones rurales. Le nombre de kilowattheures produits
peut paraître insignifiant devant la capacité de production
énergétique du pays, mais ces quelques dizaines ou centaines
de kilowattheures peuvent ranimer tout l'espoir d'un village ou d'une communauté.
Les services qu'ils peuvent apporter (eau potable, conservation des vaccins,
communications,...) ont un impact important sur le développement
et la qualité de la vie. Ainsi, le paramètre d’optimisation
ne doit pas être le coût de production, mais plutôt celui
du service rendu.
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