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Maisons: la fin du grand gaspillage
(ADIT, LE MONDE | 20.01.07)

    Nos traditionnelles maisons vont devoir faire leur révolution. En 2005, les constructions françaises ont émis 135 millions de tonnes de gaz carbonique, 13% de plus qu'en 1990! Une augmentation malvenue, alors que la Commission européenne recommande une réduction d'un tiers des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020 dans les pays développés pour limiter le réchauffement planétaire.
    Des prototypes décoiffants de "maisons du futur", vertes et économes, fleurissent au Japon, en Suisse, en Allemagne, en Californie... mais il s'agit là de constructions flambant neuves. Le défi des pays développés va au-delà. Que faire avec tout ce qui est déjà construit? La France compte 30 millions de logements, dont le tiers a plus de 50 ans. Et elle s'est engagée, dans le cadre de la loi de programmation et d'orientation de la politique énergétique, à diviser par quatre sa consommation d'énergie. Architectes, chercheurs et industriels cogitent pour transformer sans détruire nos lieux de vie.

ISOLER TOUJOURS PLUS
    Le chauffage engloutit 75% de la consommation d'énergie d'une maison. La finalité est de s'en passer, comme le démontre la "Passiv-Haus" allemande. Sous nos latitudes tempérées, une maison très bien isolée ne nécessite du chauffage que dans la salle de bains.
    A l'avenir, l'isolation des bâtiments se fera par une enveloppe extérieure, bien plus efficace, supplantant l'approche typiquement française de doublage intérieur; voir la mise en évidence des pertes thermiques d'une maison mal isolée:

     A Fontenay-sous-Bois, sur des façades classées de la fin du XIXe siècle, viennent d'être collés des panneaux de Néopor, matériau développé par BASF, qui contient des particules de graphite piégeant le rayonnement thermique. La faible épaisseur de ce matériau permet d'épouser les reliefs et respecte l'architecture originale.
    Autre piste, les murs émetteurs de chaleur ou de fraîcheur. Mélangées aux peintures ou crépis, des microcapsules contenant un matériau dit à changement de phase (cire ou paraffine) vont jouer, en se liquéfiant ou en se solidifiant, un effet glaçon ou chauffant, de plus ou moins 4°C ou 5°C. Cela permet de se dispenser de climatisation en été et de réduire le chauffage en hiver. Baptisé Micronal, ce procédé BASF a été expérimenté sur 3.000 maisons outre-Rhin. Des équipes de chercheurs en Allemagne, en France, au Royaume-Uni, travaillent également sur des nanorevêtements de façade et des isolants nanostructurés.
    Demain, les fenêtres pourront être équipées de triples vitrages enfermant des gaz (argon, krypton). Elles deviendront même "intelligentes". Au Royaume-Uni, des chercheurs de l'University College de Londres élaborent des revêtements d'oxyde de vanadium pour que les vitres laissent passer les rayons du soleil ou, au contraire, les réfléchissent. Saint-Gobain a mis au point un vitrage "peu émissif" recouvert d'une fine pellicule d'argent qui arrête le rayonnement solaire en été et retient la chaleur à l'intérieur en hiver. 3M a développé un nanorevêtement aux propriétés similaires pour se passer de climatisation. Seul inconvénient, l'isolation à outrance confinera l'air au risque d'altérer sa qualité sanitaire. Il faudra donc aérer au plus juste.
EXPLOITER TOUTES SORTES D'ÉNERGIES
    La première étape sera de repenser la ventilation du bâtiment. Ainsi, l'air ambiant, déjà chauffé, pourra être recyclé grâce à un réseau de ventilation "à double flux" incorporant si nécessaire de l'air extérieur. Celui-ci pourra être aspiré à travers un puits canadien, une conduite qui passe à environ 1 mètre sous terre, là où la température est constamment entre 12°C et 15°C. Cette solution, déjà appliquée dans certaines constructions, réchauffe la maison en hiver et la rafraîchit l'été.
    L'utilisation du soleil ou de la lumière va également monter en puissance. En Espagne, à Castellon de la Plana, est testée une façade dans laquelle certaines briques ont été remplacées par des modules photovoltaïques. Les cellules transformant la lumière en électricité vont se glisser partout, dans des vitrages, dans des tuiles... De véritables "peaux solaires" très minces pourront envelopper des parties de bâtiments.
    Autre piste, de nouvelles façons de produire de la chaleur, comme les chaudières à piles à combustible, procédé électrochimique qui fonctionne à l'hydrogène. Un test est mené à Paris par l'Office public de HLM dans le 15e arrondissement depuis octobre 2006. Résultat espéré : une baisse de la facture de 10% et une réduction des rejets de CO2 de 30%. Une quinzaine d'expérimentations sont en cours en Europe.

FAIRE LA RÉVOLUTION DES LUMIÈRES
    Nos vieilles ampoules s'apparentent plus à des appareils de chauffage, puisque seulement 5% de l'énergie qu'elles consomment se transforme en lumière. Aux Etats-Unis, l'Oak Ridge National Laboratory teste, sur une dizaine de constructions, un système d'éclairage de lumière naturelle grâce à un réseau de fibre optique: une parabole installée sur le toit concentre les rayons sur un miroir secondaire qui les renvoie sur l'entrée de fibres optiques qui distribuent la lumière dans le bâtiment. Selon les concepteurs, seulement deux de ces fibres suffisent à fournir une luminosité équivalente à une ampoule de 50 watt.
    Avant même la validation d'un tel procédé, nos maisons vont accueillir, d'ici trois à cinq ans, la révolution LED (pour light emitting diode), ces minuscules diodes dont la puissance est aujourd'hui limitée à 3 W mais la durée de vie est de 20 fois à 30 fois supérieure à celle d'une ampoule classique. Changeant de couleur à volonté, elles pourront s'insérer dans du béton, du plastique, du verre "avec des fonctions de décoration, de signalisation, dans les vitrines, le mobilier voire les chambres d'enfants, puisqu'elles ne présentent aucun danger", prévoit Bernard Duval, délégué général de l'Agence française pour l'éclairage.
    Dans un avenir moins proche, d'autres diodes, dites électroluminescentes organiques, les OLED, fourniront une lumière plus diffuse pour éclairer des surfaces entières, parois, plafonds, cloisons, etc. "Une fenêtre, transparente le jour, pourra se transformer en lampe la nuit, un procédé qui stimule l'imagination des designers", explique Marc Maurer, de Saint-Gobain. Le japonais Konica-Minolta pourrait être le premier à commercialiser une petite plaque luminescente OLED, dès la fin 2007.
    Les gouvernements financent cette course à l'innovation. Au Japon, le "Light for the 21st Century" veut faire émerger les éclairages du futur, tout comme la "Next-Generation Lighting Initiative" aux Etats-Unis, un projet public-privé, qui réunit notamment les multinationales General Electric, Kodak, Osram, Philips. Le gouvernement y consacrera 50 millions de dollars entre 2007 et 2013.

Isabelle Rey-Lefebvre

Maîtrise de l'énergie