La pompe à électrons actionnée par la lumière.
Dans notre cas comme dans la photosynthèse
naturelle, l'absorption d'énergie solaire met en route une pompe
à électrons mue par l'énergie lumineuse absorbée,
dont le principe est illustré dans la figure 1.
Le sensibilisateur (S) est greffé à la surface d’un oxyde semi-conducteur sous la forme d'une couche monomoléculaire. Il absorbe les rayons solaires incidents qui le promeuvent en un état électroniquement excité S*, d'où il est à même d'injecter un électron dans la bande de conduction du dioxyde de titane. Les électrons ainsi injectés traversent la couche, ils sont ensuite recueillis par un collecteur de courant qui permet de les diriger vers un circuit externe où leur passage produit de l'énergie électrique. Le retour de l'électron dans la bande de conduction sur le colorant oxydé S+ (recombinaison) est beaucoup plus lent que la réduction de S+ par le médiateur (D) en solution (interception). De ce fait la séparation de charge est efficace. Le médiateur oxydé (D+) est réduit à la contre-électrode. La tension maximale débitée correspond à la différence entre le potentiel d'oxydoréduction du médiateur et le niveau de Fermi du semi-conducteur. La charge positive est transférée du colorant (S+) à un médiateur (iodure) présent dans la solution qui baigne la cellule (interception). Ce médiateur, alors oxydé en tri-iodure, diffusé à travers la solution. Ainsi, le cycle des réactions redox est bouclé, transformant l'énergie solaire absorbée en un courant électrique, sans changement de la composition de quelque partie du système que ce soit.
Le rendement et la stabilité des nouvelles cellules
solaires.
A ce stade nous obtenons un rendement global en
plein soleil entre 10 et 11 %, rendement confirmé par des mesures
au laboratoire de contrôle et de calibrage des cellules solaire (NREL)
aux USA. A la lumière diffuse l’efficacité augmente à
15 % environ. Une cellule solaire doit être capable de produire de
l'électricité pendant vingt ans au moins sans baisse de rendement
significative. Notre système a été soumis à
une illumination à haute intensité (2000 W/m2) pendant 8000
heures, ce qui correspond à 14 ans environ d’exposition sous conditions
naturelles. Aucune diminution notable des performances n'a été
observée, ce qui témoigne de l'exceptionnelle stabilité
du colorant et du système dans son ensemble.
La commercialisation de la pile solaire nanocristalline progresse.
L’invention de la cellule nanocristalline présente
un saut technologique considérable par rapport aux technologies
existantes, ce qui permet d'envisager de nouveaux domaines d'applications.
Par exemple, il est possible par le choix de l’épaisseur de la couche
nanocristalline et la taille des particules de TiO2 de réaliser
des verres photovoltaïques transparents. On peut même envisager
la fabrication des verres photovoltaïques ayant l’apparence d’une
vitre normale où le sensibilisateur n’absorbe que dans le domaine
ultraviolet ou infrarouge du spectre le rendant invisible à l’œil.
Il est impossible de réaliser de tels vitrages photovoltaïques
avec des piles existantes basées sur le silicium. Ci-dessous nous
montrons l’image d’une version transparente de la cellule actionnant un
moteur.
Parmi les avantages de la nouvelle cellule citons
encore son caractère bifacial qui permet de collecter la lumière
venant de tous les angles d’incidence. Ceci permet d’atteindre de très
haut rendements de conversion à la lumière diffuse (ciel
nuageux, albédo provenant de l’eau, du sable ou de la neige) ouvrant
le chemin à des applications importantes comme élément
de façade des bâtiments. Un autre marché potentiel
pour la nouvelle cellule concerne l’approvisionnement des appareils électroniques
en énergie. Elle peut se servir efficacement de la lumière
ambiante pour alimenter par exemple la climatisation des bâtiments.
Mentionnons finalement l’indépendance de son rendement de la température
qui lui donne un avantage indéniable par rapport au silicium, Ce
dernier perd 0.5 % de rendement par degré Celsius. Or la température
des cellules solaires monte inévitablement à 50 à
60° en plein soleil ce qui réduit le rendement des piles à
silicium de 20 à 30 % alors que l’efficacité de nos cellules
ne change guère dans ce domaine de température.
Ces résultats très prometteurs ont
suscité un grand intérêt au niveau industriel
La société INAP de Gelsenkirchen en Allemagne se charge du
développement de modules de 100 Wp et plus. L’entreprise australienne
Sustainable Technologies of Australia (www.sta.com.au ) a construit la
première usine de fabrication de tuiles photovoltaïques ayant
une capacité de production de 500kW/an et un premier bâtiment
a été équipé par ces vitres électrogènes.
La société japonaise
Aisin Seiki a présenté des grands modules
photovoltaïques lors d’un congrès à Osaka l’an dernier.
Des cellules flexibles sont développées par les sociétés
Konarka,USA (www.konarkatech.com) et Hitachi Maxell (Japon).
En raison de la grande variété de
ses applications potentielles, de sa compatibilité avec l'environnement,
de sa simplicité de fabrication et de son faible coût, la
cellule solaire nanocristalline à colorant devrait permettre d'accroître
substantiellement l'exploitation des énergies renouvelables et contribuer
ainsi à l'avènement d'un développement durable pour
l'humanité.
Pour en savoir plus :
M.Graetzel , “Photoelectrochmical cells” Nature 414, 338-344
(2001),
M. Graetzel, « Perspectives for Dye-sensitized Nanocrystalline
Solar cells », Millenium Special Issue, Progress in Photovoltaics
Research and Applications, 2000, 8, 171-185.
B. O’Regan and M. Graetzel, « A low cost, high- efficiency solar
cell based on dye sensitized colloidal TiO2 films », Nature ,1991,
336, 737-739