C'est ainsi que les voisins en parlent depuis 7 ans, lorsqu'ils désignent la maison autonome du village, sans hostilité mais avec une pointe de curiosité. Il faut dire qu'avec son éolienne et ses capteurs solaires, cette maison en ossature bois interpelle. Pourtant, la surprise laisse rapidement place à l'admiration lorsque l'on prend conscience du degré d'autonomie que l'installation a permis d'atteindre. | Entièrernent autonome en eau et en électricité, pratiquement en chauffage et, pour une grande part en nourriture, on peut dire que Jacques a réussi un pari audacieux, d'autant plus que sa maison, située dans la Vienne, ne lui impose aucune restriction, tout juste un peu d'organisation. |
La maison n'est pas reliée au réseau EDF. Dès le démarrage du chantier, un panneau mobile de capteurs photovoltaïques (PV) a permis de satisfaire les besoins des travaux. | Les fondations, l'ossature bois, la charpente, la couverture et une partie de l'installation de chauffàge ont été réalisées par des professionnels. Tout le reste a été fait «maison», en deux mois, à quelque chose comme 150 heures par semaine! Un travail dur mais la satisfaction d'avoir presque construit sa maison de ses mains. |
Le panneau PV tourne sur un axe pour trouver la meilleure orientation possible en fonction du soleil. Jusqu'ici, il fallait l'orienter manuellement (environ 3 mouvements par jour minimum), mais il sera prochainement automatisé. En été, grâce à une orientation optimisée, la production d'électricité sera doublée. Ce panneau, relayé par une autre série de capteurs posés sur la toiture du garage, alimente 3 jeux de batteries au plomb et à l'acide, montés en série et cumulant chacun 24 volts. Les batteries achetées d'occasion sont alignées dans le garage et prennent peu de place. C'est l'un des rares systèmes existant pour stocker l'énergie, elles coûtent assez cher, mais elles sont efficaces. | Avec ses deux panneaux de photopiles de 800 W chacun, le solaire apporte
3/4 de la production d'électricité. Parfaitement complémentaire,
l'éolienne (d'une puissance de 1.000 W) apporte le reste de la production,
essentiellement l'hiver, précisément lorsque le soleil se
fait plus rare.
L'éolienne vient alimenter aussi les batteries. Son principe de fonctionnement est la force du vent. Elle se compose d'un bobinage et d'un aimant rotor. En tournant, l'aimant transforme de l'énergie mécanique en courant électrique. Il faut au minimum un vent de 4 m/s pour que l'éolienne commence à charger. Dans cette région, il est courant d'avoir des vents de 10 m/s (36 km/h) l'hiver et il arrive fréquemment que l'installation produise trop d'électricité, électricité malheureusement perdue. |
L'ensemble du système permet ainsi de stocker l'électricité nécessaire à la maison pour 5 jours. Un groupe de secours permet d'être tranquille mais jusqu'ici il n'a jamais servi. «Lors de la tempête de 1999, nous étions les seuls à avoir de l'électricité. Les voisins venaient regarder la télévision chez nous, jamais ils n'ont autant compris les avantages de l'autonomie!», raconte le propriétaire. L'installation a été imaginée bien avant le chantier. Mécanicien de métier, Jacques n'avait aucune connaissance théorique ou pratique d'une installation photovoltaïque avant de se lancer, mais c'est un bricoleur hors pair qui a tout appris seul dans les livres. A l'écouter, cela paraît tout simple. La maison est équipée de tout l'équipement électroménager et tout l'outillage d'un atelier et d'un jardin que l'on trouve dans une maison classique: four électrique, congélateur, four à pain électrique, machine à laver... un atelier de mécanique, des outils électriques, des outils de jardin électriques, tondeuse, débroussailleuse, motobineuse, une pompe à eau... | Seule contrainte peut-être, on évitera de repasser ou
de faire tourner une machine à laver un jour sans soleil et sans
vent. «C'est une contrainte tout à fait vivable, explique
la maîtresse des lieux, juste une question d'organisation. Cela devient
vite un réflexe, éteindre la lumière dans une pièce
où l'on n'est pas, par exemple.»
Toutes les lampes de la maison sont à basse consommation, dans le jardin, ce sont des lampes solaires. Lorsqu'il n'y a pas de soleil, les capteurs délivrent quand même environ 6 ampères à 24 volts. Aujourd'hui, même si théoriquement, les capteurs devraient avoir un rendement de 100 %, le rendement effectif plafonne à environ 10 - 14%. |
Plancher chauffant basse température
La maison est équipée d'un plancher chauffant basse température et d'un appoint au bois par insert. Ce dernier consomme environ une corde de bois par an, soit 3 m3 de bois. Les capteurs thermiques chauffent une cuve à eau, qui elle-même chauffe une deuxième cuve placée au-dessus. L'ensemble est situé dans un local technique au sous-sol et bénéficie aussi de la chaleur diffusée par l'insert, qui est allumé en complément dès que l'eau des cuves descend en dessous de 20°. L'eau chaude sanitaire est aussi chauffée par l'échangeur des capteurs, avant de passer dans un chauffe-eau à gaz, alimenté par une citerne enterrée. | Cette énergie est utilisée en appoint 6 mois par an et
alimente aussi une gazinière l'hiver. Seul regret pour cette installation,
le fait d'avoir posé une partie des capteurs à plat sur le
toit.
Dans nos régions, il faut une pente d'environ 60° pour un bon rendement, ceux du toit ne produisent rien l'hiver.» Abandonnés en milieu de chantier par un chauffagiste peu professionnel, c'est finalement encore les propriétaires qui ont réalisé l'installation en 15 jours après avoir effectué un stage d'un week-end chez le fabricant Clipsol. |
Lorsqu'ils ont imaginé la véranda de 22 m2, le couple n'avait pas pour autant une démarche de solaire passif. Pourtant, la surprise a été de taille, car, bien orientée et bien ventilée, la véranda participe pour beaucoup au chauffage de la maison. | C'est par ailleurs un paradis pour les plantes l'hiver et un endroit particulièrement convivial. Les fenêtres de toit sont automatisées avec un thermostat qui ouvre automatiquement les fenêtres en fonction de la température et un détecteur de pluie qui les ferme. L'été, des stores empêchent la véranda de surchauffer. |
L'eau, la vie
Toujours dans cette optique d'autonomie, avant l'achat du terrain, le couple s'est assuré que son approvisionnement en eau serait possible. Un sourcier de la région a permis de savoir où creuser et à quelle profondeur, données qui se devaient d'être précises en raison de nombreuses roches du sous-sol. C'est donc à 23 m que l'eau de source est pompée, eau qui s'avère bonne et potable (21 mg/l de nitrate, le maximum autorisé étant de 50 mg/l). | La pompe représente cependant une grande consommation en électricité. Une cuve de récupération d'eau de pluie est envisagée au moins pour l'alimentation en eau du jardin. L'eau puisée dans la source est à 13°, une fraîcheur qui a inspiré Jacques pour la réalisation d'un radiateur rafraîchissant, une sorte de climatisation naturelle, en prévision d'une prochaine canicule... |
La maison
La maison a été dessinée par l'architecte Yannis Vellis, pour qui cette expérience était une première. Il s'est basé sur les esquisses de Jaques qui prenaient en compte dès la conception de la maison l'installation photovotaïque et solaire. Ce principe d'autonomie était une condition sine qua non pour l'achat du terrain. Le permis de construire a été délivré assez rapidement avec toutefois des contraintes imposées comme la toiture plate du garage et le crépis de façade côté rue. | A l'époque, en 1997, les matériaux de construction écologiques n'étaient pas facilement disponibles, il a donc fallu choisir entre parpaing, brique et bois. Le parpaing et le bois étaient au même prix, le ois l'a emporté pour ses qualités environnementales. L'isolation a été entièrement réalisée en laine de verre, elle est de 120 mm pour les murs et 320mm pour les plafonds. Aujourd'hui, le couple irait sans doute plus loin dans sa démarche écologique. |
Paradoxalement, la maison n'a donné suite à aucune subvention ni aucun crédit d'impôts. Pour revendre l'électricité à EDF, il aurait fallu payer un abonnement et les aides de l'ADEME concernent des installations faites par des professionnels agréés Qualisol. Par contre, l'ADEME s'est révélée être une excellente source d'adresses. Sachant que toute l'installation a été réalisée «maison», le surcoût lié à l'équipement de la maison (forage pour l'eau, installation solaire, photopiles...) est de l'ordre de 33500 €; ceci ne comprend pas le plancher basse température qui aurait de toute façon été posé. | Sachant que les charges annuelles de la maison sont de l'ordre de 150 €/an (100 kg de gaz et une corde de bois), on peut considérer qu'en une douzaine d'années, l'investissement initial aura été amorti (une maison traditionnelle coûtant autour de 3.300 à 3.800 € par an). Dans tous les cas, la démarche ne repose pas sur des motivations financières mais plutôt sur une philosophie. «L'avenir est dans la multiplicité des sources d'énergie, en jouant sur leur complémentarité. Bien conçue au départ, l'installation est simple à utiliser et n'exige aucun entretien particulier.» |
Un potager bio
Le jardin est magnifiquement arrangé et offre
un spectacle féerique, surtout au printemps. Au fond, un vaste espace
est aménagé pour le potager. Tant par logique d'autonomie
que par volonté de manger sain, un maximum de nourriture est issue
du jardin. Bientôt un poulailler permettra de gagner encore en autonomie.
La santé et l'habitat
Par cohérence et pour répondre à
des interrogations de santé, le couple a fait appel, il y a quelques
temps, à un géobiologue bio énergéticien. A
part deux, trois détails dans l'aménagement, celui-ci a donné
un avis favorable sur l'existant, les confortant dans l'idée du
bonheur simple d'habiter la maison de leur rêve.
Conseils et adresses ADEME 0 810 060 050 (coût d'un appel local),
www.ademe.fr
ou Espace Info Energie le plus proche de chez vous.
Etude géobiologique et bio énergétique Pierre
Veau (86)
Texte et photos: Gwenala Doaré, article publié dans le
n° 1 du magazine Habitat Naturel, (mars - avril 2005),
magazine disponible en kiosque, www.habitatnaturel.fr
ou tél. : 01 45 37 01 44.