C’est à Pékin, le
29 mars dernier, que Bertrand Collomb, le président du groupe Lafarge,
leader mondial en ciment et granulats, a dévoilé son projet
de bâtiment autosuffisant. Une réflexion destinée à
concevoir des bâtiments "ne consommant aucune énergie d’origine
externe, neutre en carbone, pouvant être construits et gérés
au meilleur coût" précise le communiqué des partenaires
du projet. L’étude se veut en effet un travail ouvert, une coordination
industrielle, structurée en groupes de travail, rassemblant des
"acteurs mondiaux de premier plan", tous liés au secteur
de la construction. Parmi les premiers partenaires de l’initiative, on
trouve le Conseil mondial des entreprises pour le développement
durable (WBCSD), constitué d’environ 190 sociétés
issus de plus de 35 pays et 20 secteurs d’activité, et United Technologies
Corp (UTC), 220.000 employés dans le monde et premier fournisseur
de biens d’équipements commerciaux (climatiseurs, ascenseurs, systèmes
d’alimentation, etc). En 2006, les groupes UTC et Lafarge ont été
classés dans le Global 100 des entreprises les plus engagées
en matière de développement durable.
Une feuille de route d'industriels en faveur de la construction durable
"L’idée est née l’année
dernière, en octobre 2005, lors d’une réunion du WBSCD présidé,
à ce moment-là, par Bertrand Collomb," explique Constant
Van Aerschot, directeur Prospective Construction chez Lafarge. "Aujourd’hui,
l’initiative est lancée. Beaucoup de bureaux d’architectes, de thermiciens,
de sociétés qui ne font pas partie du WBCSD, nous demandent
comment participer. Nous sommes encore dans le recueil de candidature.
L’estimation des ressources humaines nécessaires à la coordination
suivra. Pour Lafarge, elle sera sans doute organisée au niveau du
groupe."
Si la liste des membres est en cours de définition,
les grandes lignes du projet sont fixées. D’une durée de
trois ans, l’étude est divisée en trois phases. Des étapes
qui donneront lieu, chacune, à un rapport intermédiaire.
Le premier, sur les échecs et succès actuels en matière
de construction écologique, le second sur l’ensemble des opportunités
actuelles et futures. Le troisième présentera enfin "une
stratégie industrielle unifiée permettant de concrétiser
d’ici à 2050 les opportunités identifiées, notamment
en Chine, au Brésil, aux Etats-Unis et dans l’Union Européenne."
Horizon 2050
Pour diminuer la facture énergétique
du bâtiment, "on va considérer le cycle de vie complet
de la construction et dresser un bilan global, de l’extraction du matériau,
au fonctionnement du bâtiment – un usage, dans le temps, qui représente
80% de l’impact – et jusqu’à sa démolition ou sa rénovation,"
précise Constant Van Aerschot. "Sur l’ensemble du cycle, sur
100 ans par exemple, vous pouvez obtenir un bilan carbone neutre en envisageant
les bâtiments comme des générateurs d’énergie."
Les sources d’énergie renouvelable seront grâce à des
panneaux solaires, de l’éolien ou de la géothermie. |
"Des exemples concrets existent en Suède,
au Danemark, en Angleterre. Mais ces best practices restent des exceptions.
Le point clé, c’est le coût," poursuit Constant Van Aerschot.
"Comment transformer l’industrie du bâtiment pour que cela soit
moins cher? Si vous voulez pouvoir construire des bâtiments à
bilan carbone neutre et économiquement viables, il faut commencer
à les construire en 2010 et 2015 pour qu’en 2050, tous les bâtiments
le soient. Autant les supermarchés, qui consomment énormément,
que les maisons individuelles."
Engagé à réduire de 20%
ses émissions de CO2 par tonne de ciment produit d’ici
2010, Lafarge multiplie les projets luttant contre les émissions
de gaz à effet de serre. Après l’annonce du concept Hypergreen
(cf. encadré), puis l’ouverture d’une chaire d’enseignement sur
la construction durable avec l'Ecole Polytechnique et celle des Ponts &
Chaussées, cette initiative internationale, collégiale et
très en amont, poursuit la volonté du groupe de transformer
les modes de construction, de gestion et de démontage des immeubles.
"Car tous les bâtiments ne seront pas remplacés du jour
au lendemain. Il faut commencer aujourd’hui," souligne Constant Van
Aerschot.
Tour Hypergreen
Développé par l’architecte Jacques
Ferrier à la demande de Lafarge et présenté mi-mars
2006 au Marché International des Professionnels de l’Immobilier
(MIPIM), le concept de tour Hypergreen est un modèle, une source
d’inspiration, pensée à partir de ce que l’on peut faire
aujourd’hui. La forme, la façade, la répartition des éléments
de la tour, une cinquantaine d’étages pour 246 mètres de
haut, exploitent l’orientation de la tour, permettant par exemple aux espaces
verts de profiter d’un ensoleillement maximum. Cette optimisation climatique
s’accompagne de 10 éoliennes placées au sommet et d’une résille
de 3.000 m2 de panneaux photovoltaïques, capables de produire
50 MWh d’électricité solaire par mois. Ajourée, la
résille joue le rôle d’une double peau limitant les besoins
intérieurs en chauffage et climatisation, déjà tempérée
par l’emploi de puits canadiens (où circule un air entre 14 et 16°)
et de façades végétales. Des collecteurs d’eaux pluviales,
alimentant les jardins et les sanitaires, parachèvent le projet.
L’éventail de ces énergies renouvelables doit permettre à
la tour Hypergreen d’auto-subvenir à 70% de ses besoins. |
|