RESEAU SOL(ID)AIRE DES ENERGIES !
ARCHITECTURE
«Nous reproduisons des concepts dépassés»
juin 2009
http://www.20minutes.fr/article/329549/France-Nous-reproduisons-des-concepts-depasses.php
Source: site SOS-planète, base vivante: http://terresacree.org
     Vous êtes commissaire générale de l'expo «Habiter écologique», à Paris*. Quelle définition donneriez-vous de l'architecture écologique?
     Il n'existe pas de recette toute faite, mais c'est une démarche qui prend en compte les quatre piliers du développement durable : le territoire, les matériaux, la consommation d'énergie et l'usage de l'habitat. S'intéresser au territoire, c'est analyser la topographie, la géographie, l'orientation, et le climat. C'est aussi rechercher les sources d'énergie exploitables à proximité, ainsi que la présence de carrières qui permettraient d'économiser le transport des matériaux. Pour la construction du bâtiment, on utilisera évidemment des matériaux recyclables : le bois, la terre, l'aluminium... Même si des armatures en béton ou en métal peuvent aussi s'avérer nécessaires. L'architecture écologique, c'est une question d'équilibre.

Il ne s'agit donc pas simplement d'installer des panneaux solaires ou une toiture végétalisée?
     C'est bien, mais cela doit être l'étape ultime, qui vient se rajouter après avoir respecté ces quatre critères. Entourer un immeuble en béton d'un bardage en bois et lui mettre un panneau solaire, c'est du «green washing», c'est se donner bonne conscience. De la même façon, on peut toujours construire une maison qui consomme 15 kW/h, si elle se trouve à 50 km du lieu de travail du propriétaire, et que celui-ci s'y rend en 4 x 4, ce n'est pas très écologique...

Les architectures allemande, autrichienne, ou nordique, seraient plus écolos que celle à la française. La France est-elle en retard?
     Elle l'est, mais depuis deux ans elle est en train de rattraper ce retard, on voit des programmes très intéressants se construire en Alsace, en Paca, en Bretagne... Notamment de l'habitat social, ce qui reste une performance car il y a des coûts à ne pas dépasser.

Pourquoi ce retard de la France?
     Le choix du nucléaire dans les années 1970 nous a fait perdre du temps, car face à une électricité bon marché, nous avons laissé de côté la recherche d'économies d'énergie. Nos «élites» sont aussi responsables : elles ne vont plus sur le terrain, et elles ont perdu le bon sens face aux enjeux d'aménagement urbain. Elles ne jurent que par les intellectuels, alors qu'il faut avoir une approche holistique - c'est-à-dire complète et pluridisciplinaire - de l'habitat, en profitant de l'expertise du constructeur de matériau, de l'artisan... J'ai plus de respect pour un bon charpentier que pour un mauvais architecte. Enfin, le lobby du béton en France est bien plus fort que celui du bois, par exemple...

A l'heure de la création du Grand Paris, on reparle beaucoup de la construction de tours. Sont-elles écologiques?
     Je ne le pense pas. Pas à Paris en tout cas. L'enjeu en Ile-de-France est certes de densifier, de refaire la ville sur la ville, mais la tour n'est pas si dense qu'on le pense. Je crois davantage à du petit collectif individualisé. Pour cela, il faut occuper toutes les friches disponibles, toutes les «dents creuses», et aussi les bâtiments isolés sous-utilisés. Il faut rehausser de deux ou trois étages les petits immeubles. Le gros enjeu, c'est la rénovation, puisque le bâti ancien représente 98% du parc immobilier en France.

La forme de l'habitat doit-elle aussi évoluer?
     Nous reproduisons encore des concepts dépassés, il faut être plus inventif et forcer l'usager à se poser des questions. Des familles dans un habitat collectif ne peuvent-elles pas se contenter de 100 m2, au lieu de 130, et partager l'espace ainsi économisé - qui servirait par exemple de chambre d'amis, de salle de musique, de buanderie... - entre elles?
* «Habiter écologique», Cité de l'architecture à Paris (16e), jusqu'au 1er novembre 2009.

Recueilli par Mickaël Bosredon