Ni
l'idée ni le principe ne sont nouveaux
Pourtant, il semble
que nous découvrons tout juste le puits canadien en France. Mais
que l'on nomme cet aménagement puits provençal comme autrefois
ou désormais puits canadien, il s'agit bien de la même technique,
bénéficiant toutefois pour ce dernier des progrès
de la connaissance.
Le principe est simple.
Il s'agit d'aspirer l'air à l'extérieur de la maison et de
le faire circuler à une profondeur comprise entre un mètre
cinquante et deux mètres sous la surface du sol, afin qu'il se réchauffe
en hiver et se rafraîchisse en été avant d'être
distribué dans toutes les pièces à vivre du logement.
Bien sûr, il est tout à fait possible de ne raccorder le puits
canadien qu'avec une seule pièce de la maison. Dans tous les cas,
pour une consommation dérisoire d'un ou plusieurs ventilateurs,
la température intérieure d'une ou plusieurs pièces
peut varier de cinq à huit degrés les jours de canicule
et offre la possibilité de sous-dimensionner notablement l'installation
de chauffage en prévision de l'hiver. De plus,
cet aménagement assure le renouvellement de l'air de
la maison avec un apport qui n'est pas prélevé par l'intermédiaire
des bouches d'aération des fenêtres, d'où une économie
de chauffage en hiver puisque l'air pénétrant par le puits
canadien est déjà préchauffé. Rien que des
avantages.
Indispensable amplitude thermique
L'échange thermique
se réalisant dans la terre est donc la mise en pratique d'un système
géothermique dit de surface. Partant du principe qu'à deux
mètres de profondeur, la température du sol est à
peu près constante, c'est-à-dire quatre degrés
en hiver et dix-sept en été, le puits canadien ne sera
efficace que si la température extérieure descend en dessous
de cette valeur minimale en hiver et grimpe au-dessus de celle maximale
en été. Dans le cas contraire, c'est-à-dire souvent
en inter saison, il est plus judicieux de stopper le fonctionnement du
puits canadien pour privilégier l'aspiration directe de l'air extérieur.
Il serait ridicule de rafraîchir ou de réchauffer la maison
alors que la température extérieure est proche de celle de
confort.
Certaines VMC, assurant
la répartition de l'air du puits canadien dans la maison, possèdent
un procédé "bypass", avec sonde automatique ou déclenchement
manuel, permettant de gérer cette manoeuvre indispensable. Bien
sûr, ces valeurs de température peuvent varier en fonction
du climat de la région, de la nature du sol et de l'exposition
du terrain. "Pour que l'installation d'un puits canadien donne son maximum,
assure David Jannuel d'Inova-Terre, plusieurs paramètres
sont à prendre en compte. Il faut que le sol soit composé
d'une terre la plus fine possible. De la terre végétale ou
de la tourbe, c'est parfait. Et il faut que l'amplitude thermique entre
les saisons soit importante. Toutefois ce système reste très
efficace dans tous les cas."
Choix crucial du tuyau
Le puits canadien est
composé d'une tour avec chapeau et filtre, seul élément
visible à l'extérieur, et d'un tuyau. Ce dernier est la pièce
la plus importante du dispositif.
La matière de
la tour, qu'elle soit en inox ou en tôle galvanisée, n'a aucune
influence. David jannuel est même en train de réfléchir
à l'emploi du bois et de la terre cuite, juste pour un rendu plus
esthétique. Il faut, bien sûr, que le matériau choisi
ne dégage aucune odeur désagréable ou substance toxique,
même à faible dose. Ce chapeau et le filtre doivent interdire
l'entrée de tout autre élément que l'air. Tous les
six mois, il faut prendre soin de nettoyer le filtre.
L'entrée de l'air,
au sommet de la tour fixée au sol sur un socle en béton,
doit se situer à environ un mètre cinquante de hauteur; le
terrain d'implantation de la tour étant, bien entendu, dégagé
de végétation à proximité immédiate.
Et attention, il ne sera pas possible de réaliser des cultures printanières
à l'aplomb du tuyau du puits canadien car la terre s'y réchauffe
moins vite.
Quant au tuyau, c'est
un autre souci. Certains préconisent l'usage du PVC solide, de la
gaine annelée électrique, du polyéthylène ou
de la terre cuite. Comment choisir entre tous? Procédons par élimination.
Le PVC est à proscrire, même s'il est le moins cher,
car c'est une matière pouvant dégager des vapeurs nocives.
La gaine annelée électrique n'est pas prévue pour
cet usage et sa tenue dans le temps pose quelques interrogations. De plus
il est également proscrit d'utiliser un tuyau dont l'intérieur
ne serait pas lisse; l'eau de condensation (condensas) pourrait alors
stagner et des bactéries se développer. La terre cuite serait
la matière idéale pour garantir un bon échange thermique
entre l'air et la terre, mais il est difficile, voire impossible, de garantir
des raccords entre les tuyaux parfaitement étanches sous la terre
et le gaz radon (voir encadré)
pourrait envahir la maison; sans oublier les possibles infiltrations d'eau.
Reste donc le polyéthylène.
Une seule longueur.
"Il faut absolument
que le tuyau soit d'une seule longueur,
soutient Olivier Martin d'Inova-Terre, pour éviter tous
problèmes d'infiltrations, de détérioration ou de
développements bactériologiques dus à la présence
de raccords." Cette précaution est vraiment la clef de la
réussite d'une bonne installation. Lisse à l'intérieur
pour diminuer la perte de charge et annelé à l'extérieur
pour assurer un bon échange thermique, le tuyau ne doit en aucun
cas être placé sous la maison ou le long des fondations car
alors ce serait la maison qui réchaufferait le puits canadien et
non l'inverse. On considère qu'en moyenne une longueur d'une
trentaine de mètres est nécessaire, mais sur des parcelles
de terrain de surface modeste, rien n'empêche de disposer en parallèle
plusieurs longueurs de tuyau écartées au minimum d'un mètre.
Toujours dans le souci constant du bon échange thermique, le diamètre
du tuyau ne doit pas dépasser vingt centimètres.
L'avantage du polyéthylène
haute densité est sa résistance à la pression du sol,
tout en conservant une souplesse indispensable pour palier à tous
risques de mouvements de terrain. Enfin, au moment du rebouchage de la
tranchée, il faut prendre soin de ne pas laisser de poche d'air
entre le tuyau et la terre car elle ferait office d'isolant et de piège
à radon. |
Accessible géothermie
La maison en construction,
avec ses briques monomur, se dresse dans le ciel du Dauphiné d'Auvergne.
Tout autour, une fine et profonde tranchée trace le sillon du puits
canadien. Comme le terrain est en pente, sur le devant de la maison, la
tranchée est de faible profondeur; un remblais est prévu.
Une couche de sable bien tassé offre un lit confortable au tuyau.
Olivier et David déploient ce long serpent bleu et l'installent
avec soin dans la tranchée, vérifiant la pente au niveau
et à la règle. André Malengreau, le propriétaire,
les aide: "j'ai choisi un puits canadien car c'est un système
de géothermie à un prix raisonnable pour un terrain en pente
comme le mien. La qualité de l'air, une bonne ventilation et gagner
quelques degrés en plus ou en moins, je trouve que l'idée
est bonne. Avec cette installation, je divise la puissance de ma chaudière
par deux."
Une fois positionné
en pente douce, minimum 2%, pour récupérer les condensas,
le tuyau est entouré de sable puis la tranchée rebouchée.
Dans le mur en béton banché du sous-sol, un manchon a été
scellé. Olivier enfile un joint torique sur le tuyau et étale
un peu de graisse végétale dessus pour faciliter sa mise
en place dans le manchon. "La liaison avec le mur doit être parfaite
pour éviter toute infiltration d'eau et de terre" insiste-t-il.
À l'intérieur,
sur le mur du sous-sol, la pose d'un double-té de raccordement avec
collecteur de condensas, siphon et trappe de nettoyage, permet de diriger
l'air tout en récupérant l'eau que l'échange thermique
ne manque pas de produire en très faible quantité. Voilà
le puits canadien installé.
Ventilation ou non?
"Une étude
thermique prenant en compte les matériaux constituant la maison,
son volume, le nombre et la surface des ouvertures et l'exposition générale,
devrait toujours être réalisée en amont pour définir
les besoins en chauffage et les dimensions du puits canadien, souligne
encore David Jannuel. Malheureusement, ce n'est pas souvent accepté,
alors nous sur-dimensionnons l'installation pour garantir son bon fonctionnement
et répondre à un éventuel agrandissement futur de
la maison. Qui peut le plus, peut le moins".
L'air arrive dans la maison; il faut le répartir
correctement. Faire entrer l'air du puits canadien uniquement dans une
pièce, même s'il s'agit de celle à vivre, c'est se
donner bien de la peine pour peu de résultat. Autrefois, à
l'époque du puits provençal, l'important était de
rafraîchir la pièce de vie de toute la famille, les chambres
n'étaient occupées que la nuit et il n'existait ni bureau
ni salle de jeux. Aujourd'hui, la famille s'approprie l'espace global de
la maison tout au long de la journée. Pour Pascal, qui a réalisé
un puits canadien dans les règles de l'art mais qui n'a pas installé
de ventilation, le regret est grand avec le recul: "Si j'avais imaginé
le confort apporté par cette technique, pour un investissement supplémentaire
raisonnable, j'aurais installé la VMC pour diffuser l'air dans toute
la maison. Aujourd'hui, les travaux sont achevés et c'est un peu
tard pour passer les tuyaux à l'intérieur de la maison."
Il convient donc de renouveler l'air dans
toutes les pièces. Pour ce faire, l'installation d'une VMC double
flux paraît incontournable. Une bonne ventilation de la maison, un
rendement maximum du puits canadien pour une très faible consommation
d'énergie électrique, voilà donc le programme proposé.
Un exemple
La maison du couple Malengreau, en Dauphiné
d'Auvergne mesure 100 m2. La hauteur sous plafond est de 2,50
m, donc le volume s'élève à 250 m3. Avec
un tuyau dont le débit est de 300 m3/heure (diamètre
intérieur 17,3 cm), et considérant la réglementation
en vigueur imposant de renouveler la totalité du volume d'air toutes
les deux heures, le temps que l'échange thermique soit assuré,
c'est-à-dire 2 secondes, une longueur de 35 mètres de tuyau
aurait suffi. Quarante mètres ont été enfouis; prévoir
un peu plus permet d'envisager un agrandissement futur de la maison
ou de ménager une plus grande vitesse de ventilation car ici le
puits canadien est relié à une VMC double flux.
Bien sûr il est beaucoup plus simple
d'installer un puits canadien lors d'une construction ou d'une rénovation
complète de la maison qu'au moment d'une simple amélioration,
car les travaux sont tout de même conséquents. Il faut compter
entre 2.000 et 2.500 € TTC, pose comprise, pour des systèmes
de ce type. "Malheureusement il n'existe pas de crédit d'impôts
pour l'installation d'un puits canadien, regrette David lannuel. Et
au-delà de l'aspect financier, pour le grand public, cette mesure
est aussi une garantie sur les techniques concernées. Alors nous
devons encore grandement sensibiliser."
La Ventilation Mécanique Contrôlée
La VMC assure une ventilation régulière
et confortable quelles que soient les conditions climatiques extérieures.
Elle est destinée à limiter l'apparition d'humidité
dans les maisons et à assurer une bonne hygiène de l'air
par extraction de l'air vicié, renouvelé par de l'air frais.
La VMC désigne tous les dispositifs comportant au moins un équipement
motorisé d'évacuation ou d'insufflation forcée d'air
frais. Le principe est simple: la ventilation se fait par des entrées
d'air neuf situées dans les pièces sèches (séjour
et chambre) et une extraction de l'air vicié au niveau des pièces
de service où l'humidité peut être présente
(cuisine, salle de bains, wc). La prise d'air neuf dans les pièces
sèches se réalise généralement au niveau des
menuiseries à l'aide de bouches auto réglables. L'air circule
ensuite vers les pièces humides en passant sous les portes intérieures
de la maison. L'extraction se fait alors par tirage naturel ou mécanique
à l'aide de bouches d'extraction raccordées à un moteur
qui évacue l'air vicié à l'extérieur. Il s'agit
là d'une VMC simple flux. Un échangeur peut permettre de
récupérer la chaleur acquise par l'air extrait afin de réchauffer
l'air extérieur avant de l'insuffler dans les pièces de la
maison grâce à une autre ventilation. Il s'agit d'une VMC
double flux. En cas de liaison de la VMC à un puits canadien, il
convient d'obstruer les bouches auto réglables des menuiséries
dans les pièces sèches.
Texte et photos: Bruno Auboiron
|