On sait depuis longtemps que l'eau est composée
de deux constituants: l'hydrogène et l'oxygène, et qu'un
courant électrique permet de les séparer. Cette opération,
dénommée «électrolyse» a été
étudiée à fond par Faraday [Londres, 1832]. Alors
que les deux gaz ainsi produits ont tendance à se recombiner violemment,
Grove [Londres, 1839] a montré que, dans certaines conditions
on
pouvait faire réagir ces deux corps l'un sur l'autre sans explosion.
La combustion de l'hydrogène pouvait alors produire de la chaleur
(ce qui est banal pour un combustible), mais aussi permettre de récupérer
une partie de l'électricité dépensée précédemment
pour l'électrolyse de l'eau. C'est l'idée de base de la pile
à combustible dont la simplicité apparente cache en réalite
des difficultés techniques considérables. Ce qui explique
qu'il aura fallu environ un siècle et demi pour que cette invention
devienne utilisable en pratique. Encore est-elle restée longtemps
extrêmement coûteuse, ce qui en limitait l'emploi aux applications
spatiales, dans lesquelles les considérations financières
passent au second plan.
Or, si l'on en juge par les investissements très
lourds actuellement consentis par plusieurs grands groupes industriels,
on peut prévoir un développement important de cette technologie
dans les dix prochaines années. La pile à combustible, devenue
moins chère, ne servira plus seulement aux cosmonautes, mais aussi
à Madame et Monsieur Toulemonde, dont elle pourra faire marcher
les voitures, les lampes, les télés, les radiateurs...
D'où vient l'hydrogène?
On peut distinguer les deux types de fonctionnement
suivants:
- ou bien on injecte directement dans la pile de l'hydrogène
fabriqué ailleurs,
- ou bien, on y injecte un autre combustible dont la pile, alors munie
d'un organe supplémentaire appelé «reformeur»,
saura extraire l'hydrogène au fur et à mesure de ses besoins
en énergie.
Cette seconde solution paraît, à première
vue, plus compliquée pour l'utilisateur. Mais ce n'est pas forcément
vrai car le combustible à trouver et à stocker peut se présenter
sous la forme familière d'un liquide, pour lequel existent déjà
des cuves, des pompes, des camions-citernes et des stations-service.
L’hydrogène, au contraire, est actuellement
vendu dans des bouteilles en acier, de sorte que pour contenir un kilo
de ce gaz très leger, il faut 250 kg de ferraille. De plus, en cas
de fuite, l'hydrogène peut réagir de façon explosive
avec l'air (mais certains hydrocarbures aussi).
Par contre, l'hydrogène a l'indéniable
avantage de la propreté d'utilisation: c'est le seul combustible
dont l'oxydation ne produit aucun polluant puisque l'oxyde d'hydrogène,
c'est l'eau.
Toutefois un vehicule fonctionnant à l'hydrogène
ne sera pas aussi écologique que le pensent la plupart des journalistes
qui écrivent sur ce sujet, tant que l'on utilisera la fission nucléaire
pour fabriquer cet hydrogène. Les photopiles offrent une alternative
particulièrement intéressante car elles produisent du courant
continu directement utilisable pour l'électrolyse. |
Applications expérimentales
Depuis 1993, des piles à combustible actionnent
des autobus expérimentaux à Vancouver, Chicago et Oslo. Les
bouteilles d'hydrogène, stockées sur leur toit, leur assurent
une autonomie de 560 km. Les villes qui installent un tramway feraient
bien de s'en inspirer, ce qui leur éviterait de poser des rails
et des caténaires.
La voiture individuelle a plus de mal à transporter
la matériel nécessaire. Dans le prototype de Renault (120
km/h, 500 km d'autonomie), on utilise une pile de 30 kW alimentée
par de l'hydrogène liqtiide à -253oC. L’nstallation
ne laisse que peu de place à deux personnes sans bagages. Peugeot-Citroën
a préféré l’hydrogène comprimé à
700 bars et contenu dans des bouteilles en matériaux composites,
mis au point par le Commissariat a l'Energie Atomique, 15 fois moins lourdes
que les classiques bouteilles en acier.
Volkswagen, Daimler Benz, Ford et Mobil sont aussi
dans la course et annoncent la commercialisation de leurs voitures pour
2004.
Une possible décentralisation
Du côte des utilisations domestiques, les piles
à combustible pourront assurer la production simultanée d’électricité
et de chaleur (cogénération) avec un rendement global de
l'ordre dc 90% alors que les centrales thermiques rejettent, dans l'environnement,
les deux tiers dc la chaleur qu'elles produisent et qu'il se perd encore
un peu d'electricité dans les lignes qui la transportent chez l'usager.
Par ailleurs, cet excellent rendement ne dépend
pas de la grosseur de la pile à combustible qui pourra donc s’adapter
aux utilisations de toutes tailles (on prépare même des micro-piles
pour les téléphones portables).
Aux Etats-Unis, Plus Power LCC et General Electric
prévoient de mettre sur le marché, en 2002, une pile à
combustible de 7 kW pour produire l'électricité et la chaleur
nécessaires à une maison individuelle. Cet objet subversif
pourrait remettre en question la production centralisée de l'électricité
et donc l'utilité des lignes à haute tension. Il pourrait
fortement intéresser, en premier lieu, les habitants des chalets
de montagne qui, chaque hiver, restent plusieurs jours sans électricité
parce que la neige a coupe les fils et tordu les pylônes.
Puis la pile à combustible pourrait gagner
les différentes régions dont elle saurait utiliser les ressources
specifiques: ici, le vent, là le soleil, ailleurs les cours d'eau
ou les déchets végétaux ou animaux.
La pile à combustible n'est pas une énergie
nouvelle, mais une nouvelle façon de gérer l'énergie,
moins gaspilleuse et mieux adaptée aux besoins et aux ressources
locales que le mastodonte nucléaire. Toutefois celui-ci risque d'avoir
la vie dure dans notre pays où les essais de la pile à combustible
appliquée à l'habitat sont conduits par... EDF qui, paraît-il,
s'intéresse vivement a elle. Comme le chat à la souris?
Roger Bernard
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