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Tchernobyl: "Radiations énigmatiques"
Source ADIT, Radiations énigmatiques, LEMONDE.FR | 06.05.03
Dix-sept ans après l'explosion du réacteur
numéro 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, la nature
n'a pas fini de devoir s'adapter. Du chaos a surgi un nouvel environnement
dont les pires évolutions évoquent parfois l'imaginaire délirant
d'un mauvais auteur de science-fiction. Des chercheurs ukrainiens viennent
ainsi de révéler que certaines espèces de vers de
terre présentes dans les zones les plus irradiées, et adeptes
jusqu'à présent de la reproduction asexuée, s'étaient
découvert un appétit soudain pour les plaisirs charnels.
Une manière de mieux combattre la rudesse de leur nouveau milieu,
les gènes les plus résistants aux radiations étant
ainsi transmis à l'espèce. Merveilleux exemple des capacités
d'adaptation de la nature, diront les plus optimistes.
Mais les mutations sont parfois bien plus proches
d'un bestiaire monstrueux. Deux anciens responsables de la Commission russe
de la pêche, les professeurs Goncharova et Slouvkin, ont par exemple
étudié une pisciculture industrielle de carpes, située
à environ deux cents kilomètres de Tchernobyl, dans une région
considérée par les autorités comme très faiblement
contaminée. Après 1990, ils ont constaté la raréfaction
du nombre d'alevins viables et l'apparition d'anomalies et de malformations
parmi les survivants. Citons les plus significatives : un déplacement
latéral de la bouche, l'absence de nageoire dorsale ou encore une
absence d'écailles. Un numéro de la revue Nature d'avril
1996 indiquait aussi que le génome de certains rongeurs avait connu
des mutations que la nature mettrait mille ans à accomplir. De même,
10 % des hirondelles issues de ces contrées irradiées sont
partiellement albinos. Une malédiction dans le règne animal
: les prédateurs vous repèrent a! lors beaucoup plus facilement.
Globalement, l'effet génétique des
radiations reste encore assez méconnu. Du blé planté
en 2000 dans la zone irradiée autour de Tchernobyl présentait
ainsi, en une seule année, des signes de mutation accélérée.
Une situation à laquelle ne s'attendaient pas du tout les chercheurs.
La prudence est plus encore de mise lorsqu'il s'agit d'évoquer les
effets à long terme de la catastrophe sur l'être humain. Les
mutations subies par les mammifères laissent à penser que
l'homme pourrait lui aussi être affecté.
Un rapport de 2001 de l'Unscear (Commission scientifique
des Nations unies sur les effets des radiations atomiques) estime cependant
qu'"il n'a jamais été démontré que l'exposition
à des radiations ait des effets héréditaires sur les
populations humaines. L'absence d'effets observables chez les enfants des
survivants aux bombes atomiques indique qu'une irradiation modérée
même sur une large partie de la population doit avoir un faible impact".
Seule certitude : une augmentation importante des
cancers de la thyroïde a été observée à
partir de 1990 chez les enfants âgés de moins de 15 ans ou
in utero au moment de l'accident. Il existe actuellement 7 millions de
personnes résidant dans des régions de Biélorussie,
Ukraine et Russie contaminées par le césium 137.
En France, la carte des zones les plus contaminées
vient seulement d'être connue du grand public.
Nicolas Guérin