Dans l'absolu, oui bien sûr, c'est possible. Les énergies renouvelables (ER) à elles seules pourraient permettre d'alimenter dix fois la planète et fournir des quantités bien supérieures à nos besoins. Techniquement, nous disposons des outils nécessaires. Et les avancées technologiques sont prometteuses. L'éolien a par exemple multiplié sa productivité par dix en 10 ans.
    Mais dans un premier temps, essayons déjà d'atteindre les seuils fixés par l'Union européenne pour 2010, à savoir 12% d'énergie primaire produite à partir de sources renouvelable et 22% pour l'électricité. En France, nous en sommes encore loin! L'hydraulique fournit environ 14% de notre électricité. Les autres ER sont sous-exploitées. L'éolien pourrait passer de 1% à 10% ou même à 15%, comme c'est déjà le cas au Danemark. Le solaire à 5%. Ce qui ferait déjà 30%!

"Les énergies renouvelables pourraient alimenter dix fois la planète"
    Dans un scénario idéal – je rêve avec vous - nous pourrions ensuite dépasser ce seuil, mais seulement si nous changeons nos mode de vie. Car la quantité absolue d'énergie renouvelable produite dans le monde à beau croître, sa part relative ne peut augmenter si la consommation d'énergie progresse plus vite! Il faudrait que les gens acceptent de renoncer à leur 4X4, qu'ils éteignent le chauffage en partant de chez eux. Mais on touche ici à notre conception du confort, du bonheur. Il faut donc se demander dans quelle société on souhaite vivre, une société de la sobriété ou du toujours plus?
    Ces dernières années en France, on assiste à une certaine prise de conscience. Mais le pays reste assez conventionnel et a du mal à penser le changement, par rapport à des pays comme le Danemark, l'Espagne ou le Japon. Si rien ne change, l'Europe risque de passer de l'incitatif au coercitif, avec des quotas par exemple. C'est peut-être l'Union européenne qui fera bouger les choses. Mais je n'ai pas de boule de cristal!

    Le développement des énergies renouvelables est aujourd'hui nécessaire et inéluctable. Mais sur le court terme, je ne suis pas très optimiste. Car les investissements se concentrent encore sur les énergies traditionnelles. Les Etats-Unis et la Chine continuent à miser sur le charbon. Les réserves de pétrole sont plus importantes qu'on ne le dit. Et si les cours augmentent, la prospection peut s'affiner. Côté nucléaire, nous sommes actuellement dans une phase de renouvellement des centrales. Leur durée de vie étant de 60 ans environ, jusqu'en 2080, il n'y aura pas beaucoup de place ni d'argent pour les énergies alternatives, en France en tout cas. Les décisions actuelles de l'industrie lourde sont structurantes pour les décennies qui viennent.

"On peut se demander s'il est souhaitable d'aller jusqu'à 100% de renouvelable"
    Ensuite, on peut se demander s'il est souhaitable d'aller jusqu'à 100% de renouvelable. Peut-être pas. Car les ER sont intermittentes, irrégulières. Il n'y a pas du vent et du soleil partout et tout le temps. Pour satisfaire la demande, pour éviter les coupures, on n'aura toujours besoin d'énergies d'appoint. D'ailleurs les parcs éoliens sont généralement associés à des réseaux au gaz, ce qui permet de réagir très vite en cas de pénurie.
    Enfin, on peut penser qu'il n'existe jamais d'énergies propres à 100% ou sans effets pervers. La construction de panneaux solaires suppose l'utilisation et la purification de silicium, qui rejette du CO₂ dans l'atmosphère. Le plus grand barrage hydraulique au monde, celui des Trois Gorges en Chine, a été dénoncé par de nombreuses associations écologiques. Le développement des biocarburants pourrait créer un conflit avec le marché des plantes alimentaires....
    A ce jour, il n'existe donc pratiquement aucun scénario qui table sur du 100% de renouvelable. Et dans tous les cas, on ne peut pas imaginer augmenter la part du renouvelable de façon substantielle sans diminuer notre consommation. Le contrôle de la demande est le pendant du développement des énergies renouvelables.