Ces hommes navigant sur leur étranges esquifs.

Au début du siècle les cages à poules volèrent, les plus lourds que l'air triomphaient. A la fin du vingtième siècle d'autres hommes glissent sur l'eau à 10 ou 20 km/h , en silence , sans déranger quiconque, sans bourse délier ou presque, ils viennent de démontrer leur capacité d'endurance aux millions de spectateurs du grand rassemblement des vieux gréements.

C'est une nouvelle race de marins, de purs amateurs pour la plupart. Des collégiens, stimulés par un professeur d'école normale, Norbert Wilms, à la Max Bekmann Ober Schule de Berlin, qui depuis 12 ans participe à la Solar Cup de Berlin et autres compétitions européennes. Il a fait courir 5 équipages dans des canoës rustiques, quoi qu'à l'occasion, ils peuvent tomber d'une remorque un soir à l'étape de Duclair, mais prendre le départ à l'heure le lendemain et se placer très honorablement à l'étape de Rouen.

D'autres sont plus typés encore , comme la "Yawl Française" de Bruno Franchi le lévrier des lacs et rivières depuis quelques années. Elégant il progresse à plus de 15 nœuds en vitesse de pointe, il se joue des courtes étapes. Mais lors du Défi il gardait un œil suspicieux sur le ciel normand, qui il faut bien l'avoué, n'était pas trop engageant le 13 juillet lors des épreuves de qualification au Bassin du Commerce du Havre et le 14 juillet, durant le transit sur le canal de Tancarville où il eu l'occasion de caracoler en tête. Mais "Che fato ! "le lendemain il n'osera pas prendre le départ de la grande étape, ses batteries n'étant pas assez chargées, tout en ponctuant ses propos d'imprécations, les yeux tournés vers la grisaille du ciel.

Car c'est là le Défi qui guète l'autre lévrier français, le CREA 2.000 dont l'équipage de La Rochelle de retour de Lucerne le 16 juillet enrageait de n'avoir pas pu prendre le départ de la course du Défi Solaire de Haute Normandie, qui tout bien considéré n'était pas plus agité au départ entre la sortie des écluses de Tancarville à Quilleboeuf que les Pertuis d'Antioche et Breton, son périmètre familier de navigation.

L'autre italien, le "philosophe", Jan Mario Bertolino, allait son train tel certains vieux routiers du Tour de France, il était plus intéressé par les blanches abbayes et les vertes prairies normandes semées de fleurs que d'avoir l'œil rivé sur l'ampèremètre et encore moins sur le speedometre. Il arrivera néanmoins à bon port au Bassin Saint Gervais ne tarissant pas d'éloges sur "La piu bella volta".

Si tous les bateaux solaires que nous qualifions soit de rustiques soit de racés ont fait bonne figure au palmarès , le bateau suisse de Frank Bernhart, qui peut transporter 8 passagers, se caractérisait par sa sobriété de lignes une jolie carène, le sérieux de sa construction, confirmant sa vocation de bateau de promenade pour un exploitation régulière par des professionnels du tourisme fluvial ou limnique.

Quant à l'équipage britannique du bateau Colinda, toujours à l'aise et maître de la situation, n'ayant rien à prouver puisqu'il arborait fièrement sur sa coque "The firt Solar boat to cross the english channel", ce qu'il fit en 7hr entre Douvres et Calais l'été 96, démontrant que le photovoltaïque peut être maîtrisé même en mer. Il devait faire face à quelques problèmes de gouvernail et jugeant le ciel des 13 et 14 juillet dignes des îles britanniques sans parler des grains au petit matin du 15, il se contentait de prendre le départ avec les neuf autres participants de la petite étape de Duclair à 13 hr 15 devant la toute nouvelle maison du tourisme. A peine mis à l'eau, il découvrait un ciel dégagé et qu'il chargeait à 45 Amp/h. Soit 40 pour avancer à plus de 9 km/h sur l'eau et 5 pour….recharger les batteries qui en avaient bien besoin !

Nous touchons là à l'esprit du Défi Solaire, la gestion de l'énergie captée par les panneaux et ce qu'il veux démontrer, l'autonomie qu'il peut donner aux bateaux qui en sont équipés. Contrairement au bateau à voile, immobilisé s'il n'y a pas de vent, le tiers du temps en Manche, le bateau électrosolaire va bénéficier TOUJOURS de la lumière même d'une intensité réduite sous un ciel couvert au 1/3 d'un soleil radieux ! C'est cette conviction qui a permis à Concept Hélios Propulsion l'organisateur d'annoncer bravement le Défi Solaire de Haute Normandie et aussi grâce à la ténacité de son Président René Mulot de le lancer lors du Salon Nautique de Décembre 1998.

Il prêchait la bonne parole depuis 2 ans aux 25 membres de l'Association et aux divers acteurs industriels et institutionnels pour construire son propre bateau électrosolaire, mais les fonds se faisaient attendre. CHP se limitait donc à l'organisations du D.S.H.N. La trésorerie n'était réunis que quelques semaines avant le canon du départ du 13 juillet devant la S.R.H. au Havre à 9 hr du matin comme prévue au grand soulagement des organisateurs.

Par contre c'est fin janvier qu'il a fallu que les membres de C.H.P. décident de participer au Défi en louant le bateau qui porterait leur couleurs ainsi que celles de son sponsor principal la Matmut Assurances. Le choix fut simple il ne restait plus qu'a louer le futur bateau conçu par Matthias Wegmann qui devait sortir du chantier Eco Invention en juin de Fouchécourt dans la Haute Saône où il loue ses bateaux électrosolaire depuis 10 ans aux touristes allemands et suisses principalement.

Donc C.H.P. engageait son nouveau bateau en cours de construction dans le Défi Solaire de Haute Normandie, le premier inscrit en janvier, quatorze devaient suivre à la clôture des inscriptions au 31 mars. Premier inscrit avant même d'être construit, la suite des épreuves allait confirmer sa première place au palmarès de la grande étape de 95 km entre l'écluse de Tancarville et Rouen qu'il parcourut en 6hr27min à 10,3km/h sur l'eau ( 14,7 km/h de vitesse sur le fond, aidé par le mascaret et à une moindre proportion par une brise d'ouest). Ses atouts 6m² de panneaux solaires donnant quelques 600 Watts ce qui lui permet de tourner à 7 km/h l'énergie supplémentaire des batteries 6900 watts quand elles ont pleines lui permettant d'atteindre une vitesse de plus de 11km/h si nécessaire.

L'autre concurrent Tatiana qui relevait le Défi ne pu que suivre en second car lui aussi n'avait comme le bateau anglais Collinda et le lévrier italien Nessuno pas pu recharger à fond ses batteries pendant les deux jours précédents.

Ceci rend la performance du bateau CHP/Matmut d'autant plus remarquable qu'il avait encore 1/3 de la capacité des ses batteries à l'arrivée au Bassin Saint Gervais. C'est là que l'on pouvait apprécier l'expérience de son concepteur Matthias Wegmann et le sens marin de son pilote Olivier Boegner.

Un tel défi ne se réalise pas sans de multiples aides nous remercions chaleureusement la Région Haute Normandie, le Conseil Général de la Seine Maritime, les villes de Rouen , Harfleur, Duclair, l'ADEME, la DIREN et bien d'autres concours de la SRH (Le Havre), du CVSM (Duclair), lRYC 76 (Hénouville) l'APAVE Normande, l'INSA le CORIA et l'IUT de Rouen, Villetard et Eponville Rouen, et pour l'Exposition aux villes étapes Science-Action Haute Normandie et l'AREHN Rouen.

Une mention toute particulière à l'organisateur de l'Armada du Siècle Mr Patrick Herr qui a bien voulu accepter d'inclure le D.S.H.N. au programme du grand rassemblement des cap-horniers appréciant l'avenir d'un tel challenge technologique et présenter la "Coupe de l'Innovation" le 16 juillet à 18 hr au stand CHP ainsi qu'à Monsieur le Maire de Rouen Yvon Robert qui remis la coupe au pilote du bateau CHP/Matmut, le vainqueur du "1er Défi Solaire de Haute Normandie".