France, la voiture hybride démarre:
LE MONDE | 02.12.05 La hausse du cours du baril de pétrole, sur fond de réchauffement climatique, relance le débat sur la voiture économe. Or après la faillite de la voiture électrique, la pile à combustible n'est pas pour demain, d'autant qu'elle impose un nouveau circuit de distribution d'hydrogène. Alors, pour combiner économies de pétrole et réduction de la pollution avec maintien du confort d'utilisation et coût d'acquisition raisonnable, seule la voiture hybride semble en mesure d'apporter une solution. Elle propose en effet d'optimiser le fonctionnement d'une automobile à essence en récupérant, sous forme électrique, toute l'énergie perdue ou gaspillée. Pour cela, elle fait appel à un moteur électrique qui seconde le moteur thermique à essence, et à des batteries. Ce moteur reste le système de propulsion principal. La conduite n'est pas affectée par la double motorisation, les batteries étant rechargées soit par le moteur thermique, soit par la récupération de l'énergie de décélération ou de freinage. Nul besoin d'interminables branchements sur une prise électrique. La voiture hybride n'est qu'un perfectionnement de l'automobile classique. En récupérant l'énergie perdue par la voiture purement thermique, elle économise du carburant et pollue donc moins. Alors pourquoi ne se généralise-t-elle pas? Pourquoi ses ventes restent-elles anecdotiques, en particulier en France? La raison tient en un mot: son coût. La polémique sur l'hybride fait rage chez les deux constructeurs français. Carlos Ghosn, PDG de Renault depuis le 29 avril, a imposé un silence total sur les projets du groupe jusqu'aux annonces officielles programmées début 2006. Chez PSA Peugeot Citroën, on annonce une présentation, en janvier, d'une "chaîne de traction hybride diesel". Préfigure-t-elle un modèle hybride PSA? Rien n'est moins sûr. Le constructeur se retranche derrière sa position de numéro un mondial des moteurs diesel pour contester l'intérêt de la solution hybride. Pour lui, mieux vaut vendre des millions de voitures classiques à consommation et pollution réduites qu'une poignée de modèles hybrides. En octobre, Jean-Martin Folz, PDG de PSA, a déclaré au Salon de Tokyo que les voitures hybrides à essence ne sont une bonne solution que là où le diesel n'est pas populaire... |
UNE VOITURE HYBRIDE DIESEL?
Le constructeur considère que le surcoût imposé par l'hybride conduit à un modèle économique non viable. Il va même jusqu'à juger la prime offerte par le gouvernement afin de favoriser la vente des modèles hybrides (réduction d'impôts de 2.000 € à partir de début 2006) comme une mesure qui entrave la libre concurrence puisque ses modèles diesel les moins polluants n'en bénéficient pas. Le constructeur souligne la part croissante de ses voitures qui émettent moins de 120 grammes de CO2 au kilomètre, soit à peine plus que les moins polluantes qui descendent à 108 grammes. Pourtant, face à une vogue de l'hybride, patente lors des derniers Salons automobiles de Francfort et de Tokyo, PSA ne peut paraître à la traîne. D'où la prochaine présentation de son savoir-faire technique dans ce domaine. Face à l'argumentaire véhément de PSA, les tenants de l'hybride, Toyota en tête, soulignent la croissance de leurs ventes et l'amélioration des performances de leurs modèles. Pionnier incontestable avec la Prius, Toyota affiche 500.000 modèles de seconde génération vendus depuis leur lancement début 2004. La première génération de Prius, lancée fin 1997 au Japon, n'avait enregistré que 153.000 ventes dans le monde en cinq ans. Le groupe vient d'annoncer une stratégie ambitieuse, avec un nouveau système de motorisation, moins encombrant et moins coûteux, commercialisé à partir de 2008, selon le quotidien japonais Asahi, qui indique que le constructeur prévoit de doubler alors sa production annuelle pour passer à 600 000 unités et effacer toute différence de prix avec les modèles classiques à essence. Au cours de la décennie, les ventes annuelles devraient atteindre la barre du million d'exemplaires par an. En France, après seulement 173 Prius de première génération, 3.000 unités de deuxième version se seraient vendues en 2005. Deux philosophies s'opposent. Toyota, comme Honda avec sa Civic Hybrid (qui remplacera la Civic IMA en 2006), mise sur l'amélioration technique et économique d'une association moteur thermique et moteur électricité a priori complexe, encombrante et coûteuse. Constructeurs japonais produisant pour le marché mondial, ils ont opté pour la motorisation essence, le diesel n'étant utilisé ni au Japon ni aux Etats-Unis. D'où des résultats limités en matière de pollution. Face à eux, PSA se drape dans les progrès réalisés sur ses moteurs diesel. On se prend à rêver d'une voiture hybride diesel. La récupération d'énergie grâce au moteur électrique améliorerait encore les résultats de PSA pour faire de ses voitures les moins polluantes du monde... Un slogan qui vaut peut-être un sacrifice temporaire sur l'autel du modèle économique. Michel Alberganti
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