RÉSEAU SOL(ID)AIRE DES ÉNERGIES !
Les énergies renouvelables,
une réalité
Les
enjeux économiques des énergies renouvelables
L. Keller
Au cours de mon exposé,je commencerai par
rappeler l'incidence du développement des énergies renouvelables
sur l'économie et sur l'emploi, sujet qui est sans aucun doute familier
à un certain nombre d'entre vous mais que de récentes études
ont permis de préciser et que l'action d'un certain nombre de grandes
entreprises permet d'illustrer, puis j'aborderai sous un éclairage
nouveau le sujet des rôles respectifs de l'économie et de
la politique ainsi que l'effet 4ue peuvent avoir certaines mesures tels
les prélèvements sur les énergies non renouvelables
sur ces rôles. Vous constaterez que les conclusions que l'on peut
tirer de mon argumentation sont surprenantes et nul doute qu'elles conduiront
à un certain nombre de réflexions, de remises en question,
de réfutations!
L'utilisation accrue des énergies renouvelables
entraînera automatiquement le développement d'activités
économiques nouvelles dans les divers secteurs économiques,
primaire, secondaire, tertiaire, et permettra de développer des
branches existantes et de créer des branches nouvelles.
Cette utilisation accrue des énergies renouvelables aura également
un effet négatif sur certaines branches de l'économie, il
ne faut pas s'en cacher. Ainsi, plusieurs milliers, voire dizaines de milliers
d'emplois liés aux énergies traditionnelles, mazout, gaz,
charbon en particulier, disparaîtront et les pays producteurs de
ces énergies pourront également être touchés.
Il s'agit de ne pas oublier ces effets négatifs et il en sera tenu
compte dans tous les bilans présentés dans la suite de cet
exposé.
Passons rapidement en revue ce qui se passera et
se passe déjà dans les divers secteurs de l'économie.
En ce qui concerne le secteur primaire, mentionnons
le développement de la très ancienne énergie tirée
du bois (rappelons que l'industrie du bois emploie près de 100,000
personnes en Suisse>, de l'énergie tirée de la biomasse,
et particulièrement du biodiesel, un des carburants de l'avenir,
et dont la seule unité de production suisse est située à
Etoy, dans le canton de Vaud. Le développement d'activités
dans ce secteur permettra de soutenir la paysannerie dans sa difficile
mutation et ainsi de maintenir, voire de créer des emplois dans
ce secteur.
En ce qui concerne le secteur secondaire on voit
maintenant déjà éclore de multiples PME et industries
développant des produits en relation avec les énergies renouvelables,
et la Suisse romande est relativement bien placée dans ce domaine.
Il est clair aussi que l'utilisation accrue des énergies renouvelables
donnera du travail aux divers métiers du bâtiment; d'ailleurs
les grandes associations professionnelles suisses comme l'ASMFA et ClimaSuisse
ne s'y sont pas trompées, elles qui soutiennent toutes les initiatives
politiques actuellement en cours en vue de favoriser le développement
de ces énergies.
Quant au secteur tertiaire, il sera moins touché. Citons néanmoins
pour mémoire un surcroît de travail pour les architectes et
les ingénieurs, ainsi que le besoin accru de nouveaux outils financiers
qui demandent à être développés, en particulier
dans le domaine du ucontractingfl et du "BOT" (build, operate, transfer).
Dans ce secteur, prime donc à l'intelligence!
Un phénomène très intéressant
est le fait que le développement des énergies renouvelables
n'est plus le fait d'idéalistes, de gauchistes, de pionniers, ni
même le fait de petites entreprises occupant de petites niches du
marché, mais que de grandes entreprises multinationales n'hésitent
plus à investir dans ce domaine, que ce soit en tant que producteurs
ou en tant qu'utilisateurs.
Citons en particulier:
- Shell, qui produit du bois sous forme de combustible,
de l'électricité fabriquée àpartir de biomasse
ainsi que des cellules photovoltaïques
- BP, qui produit des cellules photovoltaïques
- Nestlé, qui produit et utilise du bois
sous forme de combustible et qui utilise l'énergie solaire
- l'UBS, qui utilise l'énergie solaire
Il est intéressant de noter que de telles
entreprises aient déjà fait le pas, et il n'est pas inutile
de rappeler à ce propose que Shell prévoit qu'à l'horizon
2050 près des deux tiers de l'énergie consommée dans
le monde sera renouvelable.
Un sacré marché donc, marché
pour lequel ces entreprises ont commencé à se battre!
La question que chacun se pose évidemment
est de savoir quel est le nombre de postes de travail qui pourrait être
généré par un développement accéléré
des énergies renouvelables et quel en est le prix.
Comme précédemment indiqué,
ce nombre de postes de travail doit être le nombre de postes de travail
net, c'est-à-dire qu'il faut également tenir compte des postes
de travail perdus dans certaines branches, et non seulement des postes
de travail nouvellement créés.
Une étude du Prof. U.von Weizsacker doit répondre de
manière circonstanciée à ces questions. Cette étude
sera présentée au public et à la presse dans le courant
du mois d'avril et jusque là ses résultats resteront confidentiels.
Néanmoins des études préliminaires
qui ont été rendues publiques indiquent que pour un prélèvement
sur les énergies non renouvelables de 800 millions de francs par
an, montant réinvesti dans les énergies renouvelables, il
sera crée entre 60'000 et 84'000 postes de travail, net. Certaines
indiscrétions m'ont laissé entendre que, dans un scénario
dit "optimiste", l'étude du Prof. von Weizsàcker prévoyait
même un chiffre qui serait approximativement le double de ce qui
est mentionné plus haut. Même en prenant le chiffre le plus
prudent, on constate immédiatement qu'un poste de travail ainsi
créé coûte moins cher à la communauté
que l'entretien d'un chômeur.
Pourquoi donc hésiter?
Mentionnons tout de meme un problème: il
n'y a évidemment pas actuellement en Suisse 84'000, ni même
60'000 chômeurs assez qualifiés pour pouvoir travailler dans
le domaine des énergies renouvelables. Il est donc indispensable,
dans un premier temps, d'investir dans la formation afin d'augmenter le
niveau de compétence. Investir dans la formation, mais également
dans la recherche: c'est seulement à cette condition que l'industrie
restera compétitive et que nous pourrons éliminer certains
inconvénients freinant le développement des énergies
renouvelables, je pense en particulier à la toxicité pour
le gibier du colza, matière première à la base du
biodiesel.
Après avoir passé en revue les incidences
du recours accru aux énergies renouvelables sur les divers secteurs
de l'économie, penchons-nous sur la relation, parfois conflictuelle,
entre économie et politique. Quel rôle peuvent jouer les énergies
renouvelables dans le conflit latent opposant l'économie de marché
à la politique?
Divers représentant de l'économie considèrent
toute intervention de la politique ou de l'état comme une limitation
inadmissible de leur liberté, limitation ayant des effets néfastes
sur l'ensemble de la société. Or j'affirme qu'un intervention
régulatrice dans l'économie telle qu'elle se présente
aujourdthui permettra au contraire à cette dernière de jouir
de plus de liberté, de se développer plus longtemps!
En effet, le développement économique
apporte ses bienfaits à l'humanité, mais parallèlement
engendre des effets secondaires néfastes. La résultante entre
ces bienfaits et ces effets secondaires peut etre appelés "qualité
de vie". Au fur et àmesure du développement économique,
cette qualité de vie augmente, passe par un maximum, puis diminue
avec l'augmentation en importance de effets secondaires nuisibles.
Ce phénomène est illustré dans
la figure ci-dessous, dans laquelle la courbe i représente le développement
économique, la courbe 2 les effets secondaires néfastes (sans
intervention régulatrice de la "politique") et la courbe 3 (jaune)
la qualité de vie résultant de ces deux éléments.
On constate, comme déjà mentionné,
que la qualité de vie passe par un maximum, ou un optimum. Atteindre
cet optimum n'est possible qu'avec un maximum d'économie de marché.
Par contre, pour rester près de cet optimum, l'économie de
marché que nous connaissons actuellement ne suffit plus: il faut
une intervention régulatrice de la "politique", dans l'attente de
la mise au point de nouveaux modèles économiques.
On peut dès lors définir l'économie
de marché comme étant le moteur indispensable au développement,
et la politique comme étant le frein permettant d'éviter
un déclin.
Dans le cas de l'énergie, l'effet secondaire
nuisible le mieux connu est évidemment le problème du CO2,
mais il en existe d'autres, comme p. ex. les maladies pulmonaires liés
à la pollution atmosphérique.
Voyons à présent l'effet d'une intervention
politique, exigeant par exemple un prélèvement sur les énergies
non renouvelables, prélèvement affecté au développement
des énergies renouvelables. L'effet immédiat d'une telle
mesure est de diminuer les effets secondaires négatifs: la courbe
2 sera déplacée vers la droite pour devenir la courbe 4.
Cela affecte évidemment la qualité de vie, et l'on obtient,
par combinaison du développement économique (courbe 1) et
des effets secondaires nuisibles réduits (courbe 4) une qualité
de vie suivant la courbe 5.
On constate plusieurs effets intéressants:
- l'optimum de la qualité de vie est plus
élevé que dans le cas précédent
- cet optimum est plus plat, et promet de ce fait
une plus grande stabilité et moins de risques de crises
- et enfin cet optimum s'est déplacé
sur la droite et correspond à un développement économique
plus important que précédemment.
Dans ce cas de figure, pour maintenir la qualité
de vie à son niveau optimal, la "politique" ne devra intervenir
que plus tard et pourra le faire de manière moins brusque.
Il est dès lors évident qu'une réduction
des effets secondaires nuisibles, par le biais par exemple d'un prélèvement
sur les énergies non renouvelables et affecté au développement
des énergies renouvelables permettra un développement économique
plus important, donnera plus de liberté à l'économie
de marché et induira une stabilité plus grande du système.
On peut même aller jusqu'à affirmer
que le maintien de l'économie de marché passe forcément
par le développement des énergies renouvelables.
En conclusion, force est de constater que contrairement
à bien des idées reçues, le recours aux énergies
renouvelables est bénéfique à notre économie
et à notre société, même si dans un premier
temps il doit se faire avec le soutien des pouvoirs publics. Il est bénéfique
car il permet un développement économique accru, il induit
plus de liberté et une plus grande stabilité et il coûte
bien moins, tant en argent que socialement, que le maintien du chômage
actuel.