RÉSEAU SOL(ID)AIRE DES ÉNERGIES !
Les énergies renouvelables, une réalité

Introduction du séminaire
Philippe Biéler


    Il me revient le plaisir d'introduire ce séminaire et de vous y accueillir, vous toutes et tous qui venez, en tant que professionnels, constructeurs, représentants des pouvoirs publics, journalistes ou tout simplement curieux, vous enrichir de connaissances sur les énergies renouvelables.
    J'ai bien dit le plaisir, car je suis convaincu de l'avenir des énergies renouvelables et, surtout, ce sujet me tient à coeur. Je vous remercie donc de vous intéresser, de venir chercher des pistes et des solutions pour garantir le confort des utilisateurs de ces énergies et la qualité de l'environnement, l'un n'allant pas sans l'autre.
    L'Etat que je représente ici compte donc sur vous pour participer à la concrétisation de sa politique dans ce domaine, qui suit deux axes importants et complémentaires.

    Le premier axe, de la responsabilité du Département de la sécurité et de l'environnement et de mon collègue Jean-Claude Mermoud, concerne tout le domaine de l'énergie, son «extraction», sa transformation, son utilisation. Et ce département a l'intention de développer cette mission à l'avenir, notamment de manière à contribuer aux engagements internationaux pris par la Suisse en matière d'émission de gaz à effet de serre.
    Le défi est considérable, puisque nous sommes dans un pays - et un canton - qui importe plus de 80% de l'énergie qu'il consomme, principalement sous forme de produits d'origine fossile.
    Or à long terme, nous devront parvenir à nous passer presque entièrement de ces sources d'énergie, parce qu'elles sont fortement polluantes, au point de menacer les conditions de vie sur notre planète, et parce que leur épuisement est programmé dans un horizon relativement proche, 50 ans pour les pessimistes, 100 ans pour les optimistes.
    N'oublions pas également que le pétrole est une matière première indispensable pour fabriquer des produits très utiles, notamment dans le domaine de la santé, et qu'il représente, au même titre que l'hydroélectricité, une source trop précieuse pour être simplement dégradée en chaleur.
    Le défi est considérable, disais-je, mais il est tout à fait raisonnable. Que l'on songe simplement à l'immense potentiel de substitution que représentent, en tout premier lieu et avant les énergies renouvelables, les économies à réaliser par rapport à notre consommation actuelle, proche du gaspillage dans nombre des domaines. Il est par exemple estimé en Allemagne que les appareils laissés en position de veille (stand by) consomment actuellement l'équivalent d'au moins une centrale nucléaire sur les vingt en exploitation.
    Autre exemple impressionnant qui touche la consommation énergétique des bâtiments:
    Un bâtiment résidentiel moyen sur le Plateau suisse consomme l'équivalent de 19 litres de mazout par mètre carré de plancher, ce qui correspond à la consommation d'une grosse voiture américaine.
    Un bâtiment construit en 1990 avec une bonne isolation consomme l'équivalent de 9,51 de mazout par mètre carré, ce qui correspond à la consommation d'une voiture européenne moyenne.
    Un bâtiment qui se construira selon le standard Minergie, c'est-à-dire bien isolé et utilisant au mieux les gains solaires passifs, consommera l'équivalent de 5 litres de mazout au mètre carré, ce qui correspond à la consommation d'une voiture économique en carburant.
    Nous sommes dons capables aujourd'hui de construire des bâtiments qui consomment, pour le chauffage, l'éclairage, l'eau chaude, etc. deux fois moins d'énergie qu'il y a vingt ans. Et les vingt ans à venir devraient voir une nouvelle division par deux, à condition que les progrès soient encouragés ou, à tout le moins, qu'ils ne soient pas découragés.
    Or, il faut bien líadmettre, le prix actuel de l'énergie fossile est une aberration écologique; parce qu'il est possible de puiser dans les réserves accumulées sur des millions d'années, l'économie et les ménages favorisent les énergies les plus polluantes et les utilisent souvent sans retenue.
    A défaut d'une forte hausse des prix de production du mazout et du gaz, la réduction des besoins en énergies et surtout le développement des énergies renouvelables devront être concurrentiels pour s'imposer sur le marché. Cela ne pourra se faire qu'à la condition d'appliquer le principe du pollueur-payeur, d'une part en taxant les énergies non renouvelables et les consommateurs qui gaspillent de l'énergie, d'autre part en faisant bénéficier de tout ou partie de cette taxe ceux qui économisent l'énergie ou utilisent les énergies renouvelables.
    La confédération a des projets dans ce sens, et le canton de Vaud aussi : j'ai le plaisir de présider un groupe de travail sur la fiscalité écologique qui s'est réuni pour la première fois il y a une semaine.
    Ces mutations sont une chance économiques pour la Suisse et pour le Canton de Vaud, à condition de ne pas retarder les mesures incitatives que permet la nouvelle loi fédérale sur l'énergie, contre l'avis de quelques représentants de l'industrie qui refusent de regarder au-delà du profit immédiat et considèrent le marché des énergies renouvelables comme marginal et peu rentable.
    Il appartient à l'Etat de mettre en place les conditions cadres favorables pour que la Suisse figure parmi les pays de pointe en la matière, avec ce que cela signifie en créations d'emplois durables et de proximité.
    L'exemple de la Finlande, pays de 5 millions d'habitants, est à ce sujet révélateur. Les programmes de recherches que ce pays a développés pour l'utilisation de la biomasse comme ressource énergétique ont un impact économique important puisque l'exportation de ces technologies représente en 1998 le double des importations de pétrole. Ce qui équivaut à une valeur d'environ 3,4 milliards de francs.
    La Finlande est leader européen en matière de bois-énergie, qui représente les 17% de sa consommation énergétique, contre 2,5% pour la Suisse.
    Comme la Finlande, nous avons toutes les qualités requises pour nous profiler dans le créneau des énergies renouvelables : un réseau de compétences locales, une expérience et une pratique. Notre approvisionnement énergétique relativement diversifié est également un atout: nous comptons déjà presque un cinquième de la consommation en énergies renouvelables, principalement sous forme hydraulique, et de potentiels de développement importants existent, avec d'autres sources d'énergies disponibles sur place. Le bois et le solaire réunis pourraient fournir à terme autant d'énergie utile que l'hydraulique aujourd'hui. Des réserves non négligeables existent aussi avec le biogaz, le vent et la géothermie.
    Cette décentralisation des sources d'énergie est une chance, car elle sécurise notre approvisionnement et diminue considérablement les besoins en transports, avec tous les risques d'accident et les atteintes qui sont liés à la distribution d'énergie. Cette approche est d'ailleurs défendue par les milieux écologistes qui voient depuis longtemps les dangers de mettre, comme en France avec le nucléaire, tous ses oeufs dans le même panier. Mais les électriciens traitaient, avec ce qu'il faut bien appeler de l'arrogance, celles et ceux qui contestaient leur vision centralisatrice basée sur la croissance des besoins et l'augmentation de l'offre à n'importe quel risque.
    J'ai parlé de deux axes dans la politique de l'Etat en matière d'énergies renouvelables et j'en viens maintenant au second : la possibilité de l'Etat en tant que constructeur et propriétaire de bâtiments, domaine qui est de ma responsabilité.
    Cela fait plus de vingt ans que l'Etat expérimente dans le domaine des énergies et des énergies renouvelables pour ses propres bâtiments. Il a aussi installé plusieurs chaudières à bois, des systèmes au biogaz, des pompes à chaleur, des installations solaires actives et passives. Le prix énergie 1986 de la SIA a d'ailleurs récompensé la réalisation du bâtiment des archives cantonales en matière de rénovations, notamment dans les cures, et a prouvé que la préservation du patrimoine n'était pas incompatible avec, par exemple, une installation solaire active.
    Compte tenu des contraintes constructives et des difficultés d'intégration, l'utilisation des énergies renouvelables est cependant plus problématique dans les bâtiments existants que dans les bâtiments nouveaux.
    Je souhaite maintenant renforcer cette responsabilité écologique de l'Etat, qui doit expérimenter et montrer l'exemple en soutenant la création d'installations innovatrices.
    L'action de l'Etat doit aussi s'exercer selon le principe de la plus grande efficacité, et le travail du Service des bâtiments s'organise dans ce sens : ce principe simple veut que les économies d'énergie sont d'autant plus importantes que l'on intervient en amont du processus de construction. Cela paraît évident, mais n'est pas toujours simple à appliquer.
    Intervenir en amont, c'est avoir le courage de remettre en question le principe même de la construction. Car la plus grande économie est souvent réalisée en se contentant d'une utilisation plus judicieuse et d'une isolation plus performante de l'existant, donc en renonçant à un nouveau bâtiment, même la pointe en matière de concept énergétique.
    Deuxième plus grande source d'économie d'énergie, une bonne définition des besoins des utilisateurs: les surfaces réclamées sont-elles judicieuses? Les normes de référence ne sont-elles pas trop contraignantes? Les standards d'aménagement sont-ils justifiés? Etc.
    Il faut ensuite, et bien sûr, construire durable, c'est-à-dire viser à maintenir la valeur d'utilisation des bâtiments pendant un maximum de temps. Construire durable, c'est consommer moins de matières premières et entraîner une diminution proportionnelle de l'énergie grise, des rejets polluants et des déchets résultant de la production, des transports et de la démolition. C'est également mieux rentabiliser les investissements consentis pour la réalisation et la maintenance.
Une fois le bâtiment construit, il convient de l'exploiter écologiquement, ce qui suppose d'impliquer les utilisateurs si possible dès la conception, pour qu'ils soient partie prenante des choix architecturaux et techniques effectués.
    On le voit, l'écologie du bâtiment ne se réduit pas à fournir clés en mains des immeubles à faible consommation énergétique; il faut que les services constructeur et exploitant se donnent les moyens d'une réflexion en amont du projet et d'un suivi dans la durée. Le service constructeur ne peut donc pas se contenter de fonctionner comme une entreprise générale de construction, même labellisée écologique, mais doit se profiler comme un centre de compétences en matière d'écologie du bâtiment, capable d'accompagner un projet "du berceau à la tombe", depuis les premières définitions du besoin jusqu'à sa démolition si celle-ci se révèle un jour une solution écologiquement justifiée.
    Je vous ai abondamment parlé des projets et ambitions de l'Etat: or celui-ci ne peut remplir seul ses objectifs en matière de développement durable. Il ne s'agit pas seulement de réduire les émissions de gaz à effets de serre. Le problème de fond est la crise énergétique qui éclatera vraisemblablement dans 20 ans, lorsque la croissance démographique et le développement du tiers-monde feront exploser la demande.

Ces 20 ans à venir nous donnent juste le temps pour développer les énergies renouvelables et notamment progresser dans le domaine de l'accumulation d'énergie, que ce soit le stockage de chaleur pour les bâtiments ou la capacité des batteries alimentant les moteurs électriques des véhicules urbains.

Cet objectif, qui vise à garantir les meilleures conditions de vie possibles sans hypothéquer celles des générations futures, nécessite la coopération de tous, que vous soyez maîtres d'ouvrages, fournisseurs, constructeurs ou consommateurs privés.

Vous êtes ici justement pour vous informer et en discuter. Je ne vais donc pas retarder plus longtemps l'entrée dans le vif du sujet et vous souhaite un séminaire agréable et écologiquement constructif.