Résumé, commentaire et analyse
(Travail fait en accord avec l'auteur de la conférence)
Yves Renaud, CERN
(septembre 1999)
VIII
/ Le "Sud"
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Ce commentaire apparemment "ésotérique" cache mal la stupeur venant de l'adjectif rajouté verbalement par rapport au transparent: «qui en ont seuls les moyens intellectuels»! Très succinctement: ce ne sont pas les qualifications qui empêchent la manipulation d'équipements plus modernes mais le manque d'argent! Vouloir (apparemment) aider le Sud à "s'en sortir" sans changer nos habitudes équivaut à vouloir éponger l'eau sans arrêter le robinet. Et en complément de cette critique, il faudrait bien éclaircir les arrières plans théoriques de nos analyses et du fonctionnement de nos relations avec le "Sud", ainsi que notre réflexion sur leur accès - légitime - à l'énergie, en intégrant des perspectives historiques et géographiques souvent ignorées: dimensions d'espace, temps, histoire, culture, nature, société et leurs interdépendances.
Tout ceci risquant de rester abstrait, prenons un exemple: plusieurs pays industrialisés - plus particulièrement la France et au Canada, mais il en existe beaucoup d'autres - projettent d'implanter des centrales thermiques (nucléaires ou classiques) dans les PVD, principalement en Asie profitant d'un "marché porteur". Le manque d'argent et de solvabilité sont des problèmes bien plus complexes que les problèmes techniques et même politiques; une des solutions est donc de construire avec l'argent "industrialisé", d'assurer la maintenance (la plus grande partie: il faut bien faire croire, comme pour le tourisme au Tiers-Monde, qu'il y a des retombées positives) contre un (très) long contrat de vente d'électricité; comment appelle-t-on cela déjà, c'est un mot qui commence par "colon..."?!
Les problèmes de la croissance chinoise ont déjà été esquissés. N'oublions pas non plus la diminution très importante aussi bien à court terme quíà long terme (respectivement 20% et... 200%), des financements à destination de tous les PVD principalement à cause des crises asiatique, russe et brésilienne; amplifiés par une augmentation des placements à líétranger des résidents chinois: équivalents pour líAsie à -5% de leur PIB en 1997 et aggravé non seulement par la diminution continue de líaide publique au développement qui est passée de 0.35% des pays donateurs (milieu des années 80) à 0.22%, mais aussi par le coût des plans díurgence "humanitaire": les pays du "G7" ne mobilisent díimportantes sommes díargent que quand leurs propres économies peuvent être affectées... (Banque Mondiale, Global Development Finance 1999, Washington), sans compter le ralentissement des échanges avec les pays riches du fait de leur propre moindre croissance...
Ceci dit, oui il faut échapper au court terme (rappel "classique" des échéances électorales), mais il est important de répéter quíil faudra choisir des options durables qui soient généralisables au "tiers monde": dans le rapport "Bruntland", il est question de satisfaction de « besoins primordiaux »: cela fait bien longtemps que "nous" avons dépassé cela et nous líavons en même temps oublié, mais pas la majorité des habitants de notre planète... Comment encore une fois, le nucléaire particulièrement pourrait-il répondre à cette exigence?!
La question énergétique tourne principalement autour d'une question: les pays pauvres du Sud vont-ils avoir accès à l'énergie ? Cela suppose trois conditions.
La première, c'est qu'on n'épuise pas trop vite les réserves d'énergie fossile. Sinon, on constatera une hausse de ces énergies et les plus pauvres seront chassés du banquet. Donc, va-t-on développer des techniques économes en énergie dans les pays pauvres et les pays riches [135]?
La deuxième, c'est que les pays riches, en particulier ceux qui détiennent les clés des équipements, développent des systèmes énergétiques à bas coût et facilement maîtrisables par des autres pays. Par exemple, si on développe le nucléaire, celui-ci n'est évidemment utilisable que par une poignée de pays du Sud; les autres, pour des raisons de prolifération ou technologiques, n'y auront pas droit. En revanche, si les pays du Nord développent l'électricité photovoltaïque, cela pourra aider les deux milliards d'habitants qui n'ont pas aujourd'hui accès à l'électricité. Donc, va-t-on développer des techniques économes en énergie dans les pays pauvres et les pays riches? [134]
Le troisième enjeu porte sur les pollutions. Va-t-on prendre le risque du nucléaire et, au-delà, de l'aggravation des risques atmosphériques?
Pour résumer: «Y a-t-il un
schéma de développement énergétique commun
ou séparé pour toute la planète? Il n'est impérativement
plus possible d'avoir deux modèles différents, l'un pour
"le Nord" et l'autre pour "le Sud". «Il n'y a aujourd'hui AUCUNE
énergie qui puisse prétendre assurer rapidement et durablement
les besoins d'énergie, du Tiers-Monde en particulier. Sans préjuger
des énergies du futur, des scénarios énergétiques
fondés sur l'efficacité énergétique sont les
SEULS généralisables a l'échelle de la planète
et au T-M donc en particulier.
Il ne pourra y avoir de politique de paix dans
le monde avec un développement énergétique aussi inégal
entre le Nord et le Sud. Cela nécessite des techniques ne minimisant
pas seulement les importations coûteuses de combustible et techniques
pour l'essentiel conçues au Nord, mais également si les techniques
de production díénergie sont trop complexes, il est clair
que ceux du Sud resteront privées d'énergie et de développement»
[135].
Pourtant, particulièrement pour ceux-ci et quel que soit le niveau de développement des pays concernés, faire appel aux ressources locales pour la production d'énergie constituera toujours une amélioration de l'efficacité énergétique, aspect particulièrement favorable aux ER.