Résumé, commentaire et analyse
(Travail fait en accord avec l'auteur de la conférence)
Yves Renaud, CERN
(septembre 1999)
ANNEXE 4
Les mensonges de la comptabilité énergétique
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L'intégralité de l'étude d'Yves Lenoir a été
publiée dans la revue Stratégies
Energétiques, Biosphère et Société,
Genève
(accès webmaistre)
Un débat parlementaire sur la politique énergétique est programmé pour l'automne 94. Les principales questions qui y seront abordées concernent le renouvellement (ou non) du parc des centrales atomiques à partir de la présente décennie et les problèmes connexes (déchets, cycle des matières fissiles, réacteurs à neutrons rapides).
Il est évident que ce débat offre une opportunité d'importance pour confirmer les clichés de succès et d'efficacité associés au développement de l'électronucléaire en France depuis vingt ans. En particulier, l'immense majorité des Français est persuadée que l'électricité occupe une place prépondérante parmi les énergies consommées et que, grâce au programme nucléaire, le pays a reconquis la plus grande part du taux d'indépendance énergétique dont il jouissait au début des années 60.
Les chiffres officiels concrétisent ces idées et leur conférant l'autorité du réel. On ne saurait donc envisager d'entreprise plus téméraire que celle d'interroger leur légitimité et d'oser les mettre en cause.
C'est ce à quoi cette brève étude prétend cependant. En effet, il est aisé d'établir que les règles comptables en vigueur au ministère de l'Industrie introduisent une forte distorsion dans les statistiques énergétiques en raison du sort particulier, préférentiel même, accordé à l'électricité en général et à la production électronucléaire en particulier. Ces règles sont uniques au monde; que l'on considère des données de l'Agence internationale de l'énergie, celles d'Eurostat ou d'autres organismes spécialisés étrangers et internationaux, toutes sont fournies en énergies réelles, via une unité physique qui peut être le kilowattheure, le joule, la tonne équivalent pétrole, etc.
La spécificité française consiste à compter l'électricité finale ainsi que toute la consommation primaire du système électrogène en équivalent primaire thermique classique. L'effet sur les bilans est imparable: survalorisation du rôle de l'électricité parmi les consommations finales d'énergie et, au sein de la production, gonflement de la part de l'hydraulique et amélioration fictive du rendement de la filière électro-nucléaire.
A cette supercherie d'ordre technique se surajoutent la nationalisation systématique de tout l'uranium importé et une évaluation en énergie primaire du taux d'indépendance énergétique. L'impact conjugué de ces hypothèses permet de doubler ce dernier au jour d'aujourd'hui, par rapport au résultat fourni par un calcul partant des données des consommations finales réelles (qui mesurent les besoins effectifs de l'économie) et traitant à l'identique toutes les énergies primaires importées.
On ose souhaiter que le débat portera aussi sur ce point très préliminaire qui conditionne la perception que l'on peut avoir des enjeux.
Les figures ci-dessous illustrent de façon synthétique les principes de calcul officiels et leur influence sur les différents bilans énergétiques de l'exercice 1990.
Fig 1- La nationalisation d'office de l'uranium importé, un cas unique au monde:
Fig 2- Taux de couverture des besoins ou "indépendance énergétique". A gauche, selon les conventions officielles; à droite, en données réelles:
Fig 3- Bilan des consommations d'énergie primaire en France. A gauche, bilan selon les conventions officielles; à droite, en données réelles:
Fig 4- Bilan "officiel / réel" en fonction des techniques de production:
Fig 5- La définition officielle pour comptabiliser une unité d'énergie montre la surévaluation de la part de l'électricité:
Deux bilans contrastés des consommations d'énergie finale en France:
Fig 7 - Consommation d'électricité: bilan réel 1990:
On notera l'exagération manifeste de la place officielle de l'électricité...