RÉSEAU SOL(ID)AIRE DES ÉNERGIES !
CONFERENCES
LE DEFI DE L'ENERGIE AU 21ème SIECLE
Robert Klapisch
Conférence donnée au CERN
(9 février 1999)

Résumé, commentaire et analyse
(Travail fait en accord avec l'auteur de la conférence)
Yves Renaud, CERN
(septembre 1999)


IX / Effet de serre
«La croissance de la consommation de combustibles fossiles amènera une augmentation considérable de la production de CO2»
Préliminaire:
Il est particulièrement symptomatique qu'il n'ait été fait qu'allusion - en quelques mots au sujet du rendement des moteurs - à cette véritable révolution du 20ème siècle qui est donc celle de l'efficacité énergétique et sans jamais fournir aucune courbe... "Réparons-le" par le tableau ci-dessous qui, s'il fallait ne connaître qu'un seul fait réellement important, serait celui-ci qui l'illustre parfaitement, et dans le même temps infirme les affirmations concernant l'inéluctabilité de la croissance de la consommation:
intensitÈs ÈnergÈtiques internationales
«Ce graphique représente l'évolution des intensités énergétiques du PIB de différents pays au cours de leur développement. Chacun des pays cités, après une croissance initiale de son intensité énergétique liée à la mise en place d'infrastructures lourdes atteint un palier puis amorce une décroissance de son intensité énergétique. On constate que ces paliers se placent sur une courbe décroissante, illustrant le fait que les derniers pays à se développer bénéficient de techniques plus efficaces que celles dont ont bénéficié leurs prédécesseurs. Ce phénomène a été tout particulièrement analysé par J-M. Martin, dans "L'intensité énergétique de l'actibité économique dans les pays industrialisés", Economie et Société, N°41, 1998» [136]
Proposition de légende: à l'instar de la transition démographique, chaque grande région du monde a son apprentissage énergétique...

On est longtemps restés sur l'idée, conçue dans les années cinquante, que ces croissances étaient identiques. On voit que c'était complètement faux. De même, dans la phase de crise pétrolière, de 1973 à 1996, on observe que le PIB de l'OCDE augmente de 35% quand la consommation d'énergie ne grimpe que de 5% (pour la France, respectivement 60% et 10% [137]; ou 29% et 2% entre 1973 et 1987). La différence est de 1,2 milliard de tep par an, ce qui représente six fois la consommation française, quatre fois le programme nucléaire mondial, la réserve totale de pétrole de mer du Nord, ou la production pétrolière annuelle d'Arabie Saoudite!

Sinon, c'est (faire) croire que les progrès ne peuvent venir que des énergies traditionnelles ou du "nucléaire nouveau"; c'est dire en fait: «il n'y a pas d'autre solution que le "nucléaire nouveau" ou les technologies à venir», les ER étant ignorées une nouvelle fois, le problème venant indubitablement de la croyance que le nucléaire résoudrait le problème de l'augmentation de l'effet de serre! Rappelons que le secteur de la production d'électricité n'est responsable que de 4% des émissions de CO2.

Parenthèse: puisqu'on parle et du nucléaire et de l'efficacité, il est temps de mettre le doigt sur un point ignoré (ou caché!?): les gains d'efficacité énergétique ne progressent plus guère depuis environ la fin des années 80; mais pire, depuis 1991, alors que la courbe continue néanmoins à s'améliorer au Japon, aux Etats-Unis ou en Allemagne, elle s'inverse en France:

intensitÈ ÈnergÈtique / PIB en France
Intensité énergétique: consommation d'énergie primaire par rapport au PIB, indice 100 en 1973. (Source: Alternatives Economiques N°26, p.49)

Comment ne pas constater en même temps la corrélation très forte entre le ralentissement des gains d'efficacité et la montée de la production électronucléaire? Alors que certains ont choisi d'investir dans la réduction des consommations, la France a choisi d'investir dans l'augmentation de la production, la consommation et donc l'exportation croissante d'électricité: est-ce vraiment la meilleure façon de préparer l'avenir? (Parenthèse fermée).

"Etre ou ne pas être... certain?"

Le bloc de certitude se réduit à un seul fait, mais d'importance: il y a plus de carbone et autres gaz à effet de serre dans l'atmosphère qu'il n'y en a jamais eu depuis... 250.000 ans et leur quantité continue d'augmenter [138]. Mais le déboisement des forêts tropicales libérant des quantités énormes de CO2 risque d'entraîner des changements de climat d'une ampleur probablement bien plus marquée que celle imputée à notre production de CO2; sans compter notre méconnaissance du cycle du carbone dans les océans, de celui des courants profonds et même de celle de l'influence des variations de l'orbite terrestre sur l'énergie reçue.

Malheureusement, l'enthousiasme pour la catastrophe semble s'être évanoui et l'heure est plutôt à l'oubli. Mais qu'on ne puisse pas résumer le problème par des slogans (hors les tenants du nucléaire...), ne signifie pas qu'il n'existe pas; d'autant qu'il est légitime de s'interroger sur le retour de grandes maladies, spécialement tropicales, tels paludisme ou fièvre jaune, par mobilité, non seulement des biens et des personnes, mais aussi et peut-être surtout des insectes porteurs et autres bactéries qui réagissent aux conditions climatiques [139], ou d'autres phénomènes encore inexpliqués.

Il est vrai que plus on avance, moins "l'affaire" est simple. Un mystère reste entier: chaque année, l'humanité relâche entre 6 et 9 de tonnes de carbone dont environ 2 ont une destination inconnue; autre incertitude sous forme de paradoxe: la pollution pourrait contrebalancer l'accroissement de l'effet de serre! Non seulement «en cette fin du 21ème siècle, l'avancée des sciences exactes va de pair avec une augmentation des incertitudes et la confiance absolue en la science n'est plus de mise» [140], mais les chercheurs font bien plus, ils ajoutent de la perplexité! D'autres éléments de cet "aspect complexité" figurent en Annexe 6.
 
 
«A plus long terme, une économie basée sur l'électricité et l'hydrogène pourrait trouver sa source primaire soit dans l'énergie solaire thermique soit dans la fusion; pistes de recherches sur l'énergie solaire thermique pour produire de l'hydrogène»
Nouvelle assimilation symptomatique: dans le discours (l'encadré est celui du transparent), le mot économie ayant été remplacé par énergie (même "glissement" qu'entre énergie et électricité), nous retrouvons celle inexorable entre nucléaire et électricité...

Le futur de l'hydrogène a longuement été évoqué, non seulement via la pile à combustible, mais comme énergie importante du futur: il existe en effet un secteur de la recherche dont les publications affirment que «le problème énergétique» ne pourrait être résolu de manière définitive qu'avec de l'hydrogène (en particulier "solaire") qui serait LE produit de remplacement idéal [141], en fait nouveau "challenge" de la haute technologie. MAIS, le fait de se fixer sur l'option hydrogène:

Dernier commentaire un peu plus personnel: l'hydrogène est peut-être le combustible le plus « écologique », car il ne contient pas de carbone et ne dégage en brûlant que de la vapeur d'eau. S'il a été (très succinctement) esquissé les problèmes concernant production, distribution et stockage, il semble que pour la production, il faudrait faire le bilan économique de l'électrolyse de l'eau pendant les heures creuses des centrales nucléaires. Certes, une telle activité pourrait réguler le plan de charge de ces centrales et intéresser les producteurs, mais le prix de revient de l'hydrogène sera-t-il intéressant pour l'utilisateur? Tout ceci paraît donc non seulement un "refuge" vers de futures technologies - même le solaire thermique, alors que l'actuel est performant, fiable, rentable (voir l'exemple d'Israël) -, mais c'est aussi faire croire que la problématique de l'effet de serre serait plus une question de science que de société, c'est-à-dire encore une fois, pas un problème démocratique...

Terminons-en avec ce paragraphe: il a été évoqué - quoiqu'avec scepticisme, il faut le reconnaître - les recherches expérimentales pour "ramasser" le CO2 (des voitures, des centrales thermique, etc.) puis le stocker dans les fonds marins [142]. D'autres scientifiques affirment que dans cinquante ans on saura désactiver les déchets nucléaires. Certains avaient même proposé d'envoyer des fusées remplies d'ozone pour combler le "trou"! Dans lesquels avoir confiance?!



Annotations:
[136]  Alternatives Economiques, hors-série, op.cit.
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[137]  Les Verts, op. cit. p.73
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[138]  Relativisé c'est vrai, par les résultats de "carottages" effectués au Groenland où l'on a découvert que le climat peut présenter de brusques variations sur de très courts délais (10 à 15 degrés en 10 à 20 ans!)
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[139]  Paragraphe inspiré de H.Kempf, op.cit chapitre "Faut-il croire à l'effet de serre?"
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[140]  Nicolas de Sadeleer, dans "L'avenir du droit de l'environnement"
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[141]  Il est vrai que chaque mois nous apporte "LA nouvelle énergie du futur": «L'hydrate de méthane, prochaine source d'énergie ? Quelques 10.000 milliards de tonnes d'hydrate de méthane reposent sous nos pieds. Dans la course à de nouvelles réserves d'énergie, ce minerai suscite l'intérêt des  compagnies pétrolières.» AFP, Site Internet d'Info Science, 20/11/98
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[142]  En écho déjà ancien: en novembre 1959, l'Agence Internationale de l'Energie Nucléaire (AIEA) tient un symposium sur l'élimination des déchets atomiques à l'Institut Océanographique de Monaco. Parmi les 450 délégués de 32 nations, un des plus célèbres représentants des Etats Unis, non seulement déclare, mais fait adopter la résolution suivante: «la mer est un réceptacle naturel des déchets radioactifs(...) même si nous devions pour cela fermer tous les océans à toute activité humaine»
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