RÉSEAU SOL(ID)AIRE DES ÉNERGIES !
CONFERENCES
LE DEFI DE L'ENERGIE AU 21ème SIECLE
Robert Klapisch
Conférence donnée au CERN
(9 février 1999)

Résumé, commentaire et analyse
(Travail fait en accord avec l'auteur de la conférence)
Yves Renaud, CERN
(septembre 1999)


III / Energies renouvelables

        Ah, les ER!... Elles font l'objet des discours les plus extrêmes: leurs zélateurs en font parfois la panacée et reproduisent inconsciemment le discours qu'ils contestent chez leurs adversaires, et ceux-ci se fondant uniquement sur l'analyse des marchés, et ne voyant dans les ER qu'un appoint marginal au bilan énergétique dans un avenir prévisible et reportent chaque année plus loin la date de ces solutions émergentes (tiens, nous retrouvons à nouveau cette tentative de montrer - péjorativement - que si certaines énergies ne sont pas rentables, "certains autres" ne sont pas solvables)

a) Inconvénients

     «le facteur limitant des énergies renouvelables (particulièrement du solaire et toujours sans signaler que seul le PV est envisagé...), la surface nécessaire: 8 km² de PV pour produire 1 GW»
1 GW... thermique est-il précisé sur le transparent mais pas oralement, pour ne pas trop insister sur le piètre rendement [29] de la filière nucléaire qui est fmalement du même ordre que celle du PV (pourtant encore) émergeant, c'est-à-dire environ 24%[30]... sans compter les pertes de transport ou de retraitement[31]:
rendements selon les systèmes de transformation d'énergie
(transparent de la conférence)
     «et encore, cette surface est-elle donnée pour l'Arizona, alors pour la Suisse il faut bien compter au moins un facteur 5 ou 6».
Erreur ! Le rapport maximum sur terre est de 2 avec le... Sahara! Et il n'est que de 1,6 avec l'Arizona: Genève, l200kWh/m2 et Phoenix, 2000 kWh/m2[32]:
rayonnement solaire selon la latitude
Variation du rayonnement solaire hivernal en fonction de la latitude en kWh/m2

    Voir en Annexe 1 un élémentde réflexion pour Genève fourni par la Faculté des Sciences, extrait du magazine Campus intitulé "Energie solaire, une promesse qui réchauffe"', et dont l'introduction commence justement par "La situation semble particulièrement favorable à Genève"!
Et ce n'est pas seulement vrai à nos latitudes:

  1. «A photovoltaic plant has been built to demonstrate the production of solar electricity at latitudes of 60°N. The plant is situated at Kopparnas, 50km west of Helsinki on the south coast of Finland. The annual insolation at this latitude is about 20% less than annual insolation in Central Europe (...) The monthly energy produced by the panels in summer time lies between 3,500 - 4,000 kWh, while the energy produced in winter time (December) is only about 100 kWh. In March and October the monthly photovoltaic energy production is about 1,000 kWh»
  1. Et un avantage dont on ne parle jamais: «Local benefits of photovoltaics grid support include increased substation transformer life and reduced operating costs, reduced electrical line losses, increased availability of transmission capacity, and improved power quality to the local customers. The reduced voltage imbalances are especially helpful to the Kerman area 's agricultural customers who can expect more reliable performance from their large pumps and processing equipment. PG&E is continuing to quantify the various benefits. The system reduces the substation transformer hot-spot temperature by up to 4°C, which can defer a transformer upgrade for up to 4 years and provide an economy benefit of $400,000. Reduced wear on the transformer's load tap changer also provides economic benefit.»[33]
comparaison des besoins en matière OU surface pour produire de l'énergie

    Notons l'insidieuse répartition de ce tableau qui associe les énergies fossiles et nucléaire avec leur consommation en matière, mais les ER avec la surface "consommée": cela résulte de la reconnaissance inavouée (inavouable?) que les énergies non renouvelables se trouvent sous forme de réserve inexorablement limitée et que les ER se présentent sous forme de flux indéfiniment renouvelable...
     Il est vrai que ce n'est pas nouveau: les "électriciens" aiment bien comparer la surface d'une centrale nucléaire avec celle d'une centrale PV de même puissance et pour bien montrer le caractère "déraisonnable" du PV, en Suisse ils ont "planté" 500 kW dans les pâturages de Mont-Soleil, sans (vouloir) voir qu'on pouvait construire une centrale de même puissance, par exemple sur la marquise de la gare de Lausanne sans utiliser un seul cm2 du sol helvétique...
    Mais ça change: Shell et BP considèrent maintenant que les ER pourront dépasser les 50% de l'énergie mondiale en 2050 [34]
    Les ER occupent trop d’espace? Eléments de réponse:

  1. Un exemple type est celui du barrage d’Assouan: si l’on représente la zone inondée suite à sa construction par un carré de 20 cm de côté, la surface qui suffirait en panneaux photovoltaïques pour produire la même quantité d'électricité serait alors représentée par un carré de 5 cm de côté.[35]
  2. La totalité des besoins en électricité des USA pourrait être satisfaite par des panneaux photovoltaïques déployés sur une surface de 59.000 km2, ce qui représente entre une et deux fois (selon le rendement) la superficie des seuls champs de tir et de bombardement de l'US Air Force[36].
  3. Le remplacement de toutes les centrales nucléaires par des panneaux photovoltaïques occuperait la surface des seuls lacs de barrages... (selon une récente étude de la Banque Mondiale).
  4. Pour le nucléaire: 150 à 200 hectares, plus la zone de dégagement, «Si possible 2 à 3 fois plus vaste» pour 4 tranches de 900 MWe, ce qui fait 6 MW/hectare. Encore faudrait-il rajouter l'emprise des mines, des réacteurs de recherche, de tout le cycle de retraitement, des centrales obsolètes à démanteler, des sites de stockage et, cerise sur le gâteau, la surface d'influence, véritable emprise "invisible", de l'immense transfert international des déchets, aussi bien sur terre, sur mer, qu'aérien...
  5. Pour l'éolien: la compagnie électrique écossaise National Wind Power a inauguré en septembre 1997, une ferme éolienne de 300 hectares - mais dont un seul est occupé par les éoliennes, le reste étant totalement utilisable: pâturages, plantations, etc. - de 34 "moulins" (tel est le terme utilisé) de 500 kW, soit 17 MW/h.
A ce propos et paradoxalement (?), un grand absent dans l'exposé: l'éolien, pourtant en évolution fantastique de 25% par an, contre 1% pour le charbon, 1% pour le pétrole... et en décroissance pour le nucléaire [37]:
coût du kWh éoilenscénario de développement de l'éolien
(Source 1998: Bernard Chabot, "Energies renouvelables et développement durable", Systèmes Solaires No 124
Pour une réactualisation détaillée: http://www.ifremer.fr/dtmsi/colloques/ademe/eol/pdf/comm/ademe.pdf )

    Ah si! Lors de la discussion finale, un auditeur a cru bon de rabâcher "1'information" (véhiculée par le lobby nucléocrate) selon laquelle «on trouve des tas d'oiseaux morts au pied des éoliennes», chose totalement démentie par les faits: voir pour cela l'Annexe 2.

b) Avantages

«Son mérite essentiel ne vient pas qu'elle (l'énergie solaire) soit renouvelable - car malheureusement çà n'intervient pas dans les préoccupations des gens - mais qu'elle n'est pas liée à un réseau»
        Ce jugement rappelle indirectement que le nucléaire est inéluctablement maître et esclave de ce réseau et qu'il ne fera que l'amplifier [38].Il faudra bien, même au "Nord", revoir la conception même de réseau de distribution électrique où, au lieu d'avoir le producteur à un bout et le consommateur à l'autre, on peut être relié au réseau à la fois comme consommateur et producteur: pourquoi exclusivement réserver les qualités des ER ailleurs que "chez nous"?
«La connexion au réseau est d'autant d'autant moins rentable que les usagers sont dispersés et pauvres. Dans certains pays, le coût d'un raccordement est multiplié par 10 (ou plus) quand le nombre de foyers, par kilomètre de ligne passe de quelques dizaines à quelques unités. Dans ces mêmes pays, les consommations trop faibles des usagers raccordés - en moyenne 300 kWh/an - augmentent les coûts d'exploitation des réseaux, ces coûts étant rapportés au kWh livré: ceci résulte du poids excessif des coûts d'investissement et d'entretien des lignes électriques, des frais d'administration et des pertes en ligne (qui sont supérieures à 15% dans 50% des pays en développement!).
    Les autorités responsables ­ sociétés d'électricité, gouvernements, banques internationales - sont donc fondées à privilégier l'électrification conventionnelle des zones à population dense, et notamment des zones urbaines. Mais il apparaît alors des effets pervers bien identifiés: accroissement de l'exode rural vers les villes, gonflant les banlieues et bidonvilles qui deviennent ingérables et dont les habitants sont trop pauvres pour se connecter au réseau même s'il passe au-dessus de leur tête. (Par exemple, parmi les 800.000 habitants de Bamako, 75% ne sont pas abonnés à l'électricité). D'où aussi la stagnation du pourcentage de populations rurales électrifiées». [39].

    Qu'on arrête aussi de croire que les développements seraient (trop) longs pour répondre aux besoins: entre éoliennes danoises (et allemandes) ou maisons bioclimatiques (encore) allemandes, plusieurs pays possèdent déjà un avantage compétitif qui s'avèrera essentiel au siècle prochain. Mais voilà, sous la pression de mouvements sociaux plus puissants, leurs entrepreneurs ont pris de l'avance dans la maîtrise de technologies "écologiques"...

«Enfin, il faut tordre le coup à une idée reçue qui voudrait que l'énergie solaire soit valable dans le sud mais d'aucun intérêt dans le nord, c'est faux, totalement faux et c'est même l'inverse qui est vrai. Sans entrer dans des calculs complexes, nous pouvons pointer les faits suivants: le nombre d'heures d'ensoleillement est plus élevé dans le sud que dans le nord ce qui fait que vous pourrez par exemple couvrir 70% de vos besoins en chauffage dans le sud alors que dans le nord vous ne couvrirez que 40% de vos besoins; mais les besoins sont eux complètement différents: là où il faut de 6 à 8 mois de chauffage dans le nord, il n'en faut que 2 à 3 mois dans le sud. La quantité d'énergie que vous économisez dans le nord est donc de 40% d'une longue période de chauffage, ce qui représente plus que les 70% d'une petite période de chauffage que vous économisez dans le sud. Les pays d'Europe du nord ne s'y sont pas trompés, ce sont eux qui développent le plus le chauffage solaire. A l'inverse, un système de chauffage solaire installé dans le sud de l'Espagne serait impossible à amortir puisque les besoins de chauffage sont pratiquement nuls»[40].

C'est pour cela que le solaire s'est particulièrement développé dans des pays cornme l'Autriche où 25% des maisons sont équipées de capteurs solaires, en Suisse (1 km2 de capteurs déjà installés) ou dans le petit Danemark, où il y a pourtant cinq fois plus de capteurs qu'en France. Quant aux piscines anglaises, elles sont systématiquernent "solarisées" depuis plus de dix ans [41].

En fait, réflexion impromptue, le plus gros "handicap" du soleil ne serait-il pas qu'étant disponible pour toujours et POUR TOUS, il est... anti-inflationniste, anti-centralisé, "anti-monopolisable", anti-.. tout?! Et ça, "ça gêne": les Etats n'aiment guère mettre en avant une énergie décentralisée, par exemple capable de favoriser l'indépendance des régions qui n'ont à leurs yeux, que trop tendance à rechercher leur autonomie. La région est pourtant une entité géographique, administrative et politique qui est à l'échelle convenable pour développer des programmes de maîtrise de l'énergie [42]. Ne serait-il pas temps de redécouvrir l'énergie solaire en tant que ressource de chaque pays, de chaque région? Pourquoi faut il s'obstiner à vouloir résoudre depuis Paris et de la même manière, les problèmes énergétiques de régions aussi différentes que la Bretagne et la Corse?



Annotations:
[29] Paul Valéry: "Il n'est point de rêverie opposable au théorème de Carnot"
[30] On pensait d'ailleurs que le rendement rendement des photopiles ne pouvait pas dépasser 25 à 27%, mais c'était un raisonnement avec des cellules planes. Une équipe de recherche de Harvard, aux USA, a rnis au point un laser qui permet d'obtenir des photopiles en forme de "chou-fleur" avec des micro-cônes qui permettent d'obtenir de manière expérimentale des rendements de 60%; reste à transformer cela en procédé industriel. (source: Courrier International, 18 février 1999); mais voir à la date où vous lisez ce texte, l'actualité du solaire photovoltaïque!
[31] Remarque importante: évolution du volume des déchets du retraitement pour 1 tonne de combustible usé à retraiter, à comparer avec 2 m3 pour le stockage en l'état!:
- 3 m3 de déchets (prévus lors de la conception);
- 1 m3 (déchets de bitumage et recyclage des rejets liquides);
- 0,5 m3 (mise en service de l'atelier de compactage des coques au 1er semestre de l'an 2000), sans
commentaire! (Source: exposé de Mr. Pouilloux COGEMA-La Hague, in G@zette Nucléaire 173/174, 1999, page 13, éditée par le GSIEN - Groupement des Scientifiques pour l'Information sur l'Energie Nucléaire - Orsay)
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[32] Et il y a bien plus de variations en fonction du rapport rayonnement diffus / rayonnement direct qui peut atteindre 10!
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[33] International Information on Renewable, http://www.caddet-re.org/
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[34] Les grands groupes énergétiques prennent le virage des énergies renouvelables, alors que le lobby nucléaire accroît sa pression en France pour sauver ce qui peut encore l'être de la filière. Shell estime que les énergies renouvelables représenteront 5 à 10% des besoins mondiaux en 2025 et 50% en 2050. Et la multinationale anglo-néerlandaise veut s'assurer 10 à 15% d'un gâteau qu'elle évalue à 250 milliards de dollars (135 milliards pour l'éolien, 90 milliards pour la biomasse et 25 milliards pour le solaire photovoltaïque). Ainsi, Shell crée une cinquième division (Shell international Renewables) et prévoit d'investir 3 milliards de francs dans ce secteur au cours des cinq prochaines années. La firme ne part pas de zéro: elle produit déjà des cellules photovoltaïques aux Pays-Bas avec une capacité de 5 mégawatts par an et a acquis 120.000 hectares de forêts pour l'exploitation énergétique de la biomasse  (Alternatives Economiques, No 156, février 1998)
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[35] Stephen Karekesi, FWD (Foundation for Woodstove Dissemination, Kenya)
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[36] Electric Power Research Institute, CA
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[37] Worldwatch Institute, Washington.
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[38] Denis de Rougement déclarait que le pouvoir d'Etat est «systématiquement en faveur de ce qui est grand, centralisé, dangereux et cher» !
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[39] Les limites des réseaux centralisés, Fondation Energies pour le Monde
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[40] Yves Accard, site Internet "future energy", op. cit
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[41] Les Verts, "Le nucléaire et la lampe à pétrole", l'Esprit frappeur, p. 126
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[42] B. Laponche et al, Maîtrise de l'énergie pour un monde vivable, ICE, 1997, p. 41
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