CONTROVERSES ENERG...ETHIQUES !
Energies renouvelables, environnement-écologie, développement...
La course aux biocarburants s'emballe
Les eurodéputés veulent des agrocarburants respectant l'environnement et l'éthique
ADIT, Les Echos, Le Monde, septembre 2008
La course aux biocarburants s'emballe
http://www.lesechos.fr

     Trois projets de démonstrateurs technologiques de seconde génération sont lancés en quelques jours. La France veut recoller au peloton.
     La première génération, lancée en grande pompe au début du siècle, s'est vite révélée une mauvaise réponse au problème de l'effet de serre, en raison d'un bilan carbonne discutable. Les investissements se reportent désormais sur les biocarburants de la seconde génération qui promettent jusqu'à 93% de réduction des émissions. La France s'est fait distancer par l'Allemagne. En effet, la société Choren y fait déjà tourner une usine, avec pour objectif de produire 18 millions de litres de biodiesel par an, à partir de bois.
      La recherche française sur les biocarburants passe du marathon au sprint. Hier, le CEA a clos son appel d'offres pour la conception d'un prototype de raffinerie de biodiesel de seconde génération portant sur 100 millions €. Dans quinze jours, l'Ademe bouclera celui de son fonds démonstrateur de quelques dizaines de millions €. La semaine dernière, les céréaliers français et leurs partenaires lançaient l'étude d'une raffinerie de bioéthanol fonctionnant aux végétaux ligneux. Ce projet Futurol, doté de 74 millions €, prévoit de tester un pilote de recherche aux alentours de 2011 et peut-être un prototype industriel en 2016. Il positionnera la France sur la voie des procédés biochimiques.
     L'autre filière de production thermochimique de biodiesel mobilise intensément ces jours-ci les énergéticiens. Au centre de toutes les attentions, le CEA cherche à s'imposer sur le sujet. D'abord parce que ces procédés à haute température promettent un débouché aux centrales nucléaires, au même titre que la production d'hydrogène. Mais également parce que le commissariat a promis au département de la Meuse, très boisé, d'implanter une bioraffinerie en contrepartie du contesté laboratoire d'enfouissement des déchets nucléaires de Bure. Le CEA a tenté ces derniers mois de décrocher des subventions publiques dans le sillage du Grenelle de l'environnement.
     C'était compter sans les membres de la commission Jarry, mandatée par l'Etat pour expertiser les projets de pilote. D'après eux, le projet de Bure ne comportait pas assez de recherche et développement. Le CEA se contentait notamment de racheter la technologie de Choren, la filiale allemande de Shell, pionnière de cette filière. Econduit par la commission Jarry, le commissariat a du coup lancé son propre montage sous la forme d'un appel d'offres. «Avant la fin de l'année, nous voulons clore la procédure de dialogue compétitif pour acquérir les briques technologiques nécessaires. Nous prévoyons une installation capable de produire, après 2011, 120.000 barils par an et de traiter 10 tonnes par heure de végétaux. Notre objectif n'est pas de développer de l'innovation mais d'apprendre à intégrer les technologies existantes pour la préparation de la biomasse, pour la gazéification, le traitement du gaz ou la catalyse», explique aux Echos Bernard Bigot, haut-commissaire du CEA. Le montage financier n'est pas divulgué, mais il devrait impliquer le CEA à plus de 50 millions € et des industriels à plus de 25 millions.

Le projet de l'Ademe
     Certains laboratoires et industriels ont hésité à concourir au projet du CEA, y voyant le concurrent d'un autre programme très alléchant : le nouveau fonds démonstrateur de l'Ademe (Les Echos du 11 septembre) portant sur plusieurs dizaines de millions d'euros. L'Ademe a ouvert cet été un appel à manifestations pour une remise de dossier qui sera effectuée fin septembre. «Le timing est très serré», soupire l'un des négociateurs. Contrairement au pilote du CEA, l'objectif du fonds est de susciter des ruptures technologiques dans la filière biodiesel de seconde génération. Le projet candidat le mieux positionné est porté par Sofiproteol, fédérateur de la filière des oléoprotéagineux. Parmi les partenaires figurent l'Institut Français du Pétrole et finalement le CEA, qui mise désormais sur ce projet pour effectuer ses recherches. Le pilote se situerait à Compiègne où se trouve déjà une usine de première génération.
     Toutes ces initiatives publiques et privées semblent se précipiter mais elles répondent à une demande générale. «Tout mois perdu nous pénalise», assure Benoît Tremeau, coordinateur de Futurol. Il sait de quoi il parle: deux ans ont été nécessaires au projet pour décrocher sa subvention. Il a dû d'abord survivre à la disparition de l'agence de l'innovation industrielle fin 2007, dont il briguait l'aide. Futurol a ensuite dû se formater au programme ISI d'Oseo, qui le finance à hauteur de 23 millions €. Cet été, le projet est finalement passé sous la coupe du nouveau fonds démonstrateur.

Enjeu plus important que prévu
     Or, ces recherches ont fortement accéléré ces derniers temps, car la seconde génération est devenue un enjeu économique et sociétal beaucoup plus rapidement que prévu. La première génération, lancée en grande pompe au début du siècle, s'est vite révélée une mauvaise réponse au problème de l'effet de serre et de raréfaction du pétrole. Son bilan carbone est très discutable, à tel point que l'Ademe révise actuellement son mode de calcul. Le bioéthanol et le biodiesel passent désormais pour des concurrents à l'alimentation, car ils sont fabriqués à partir des graines de blé, de maïs ou de soja. Face aux lynchages scientifique et politique des biocarburants de première génération, les investissements se reportent désormais sur la prochaine. La France s'est laissé distancer par l'Allemagne, qui a plusieurs pilotes mais aussi par la Suède, qui possède déjà une usine de bioéthanol fonctionnant à la paille et au bois. En Espagne, Abengoa va bientôt démarrer une usine de bioéthanol de 70 tonnes par jour. Aux Etats-Unis, plusieurs prototypes coordonnés par le département de l'énergie se mettent en route. Même le Japon se dote d'une petite unité.

Deux générations de biocarburants
· La première génération de biocarburants est produite à partir de l'organe de réserve de la plante. On obtient le bioéthanol à partir de grains de la fermentation des sucres contenus dans les grains de blé, de la canne, de la betterave.
     Le bioéthanol alimente les moteurs à essence.
     Les esters d'huiles végétales sont produits par réaction du méthanol avec des huiles de palme, de tournesol ou de colza. Elles alimentent les moteurs Diesel.
· La seconde génération utilise l'intégralité des ressources carbonées des plantes.
     Outre les sucres simples, ces procédés exploitent des structures plus complexes du végétal comme l'hemicellulose. La production de bioéthanol mise sur des levures et des enzymes très sophistiqués. L'obtention de biodiesel passe par la gazéification des végétaux à haute température, puis la catalyse de différents hydrocarbures.


Les eurodéputés veulent des agrocarburants respectant l'environnement et l'éthique
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LEMONDE.FR | 12.09.08 | 15h17  •  Mis à jour le 12.09.08 | 19h39
BRUXELLES BUREAU EUROPÉEN

     Le sort réservé par l'Europe aux agrocarburants donne lieu à d'intenses débats entre les eurodéputés et les Etats membres de l'Union européenne (UE). Les premiers sont, dans l'ensemble, plutôt préoccupés par l'impact de ce type de culture sur l'environnement et cherchent à adoucir l'une des dispositions-clés du "paquet climat-énergie", placé parmi les priorités de la présidence française de l'UE. Les seconds veulent maintenir l'objectif de 10% d'énergies renouvelables dans les transports d'ici à 2020, tout en tenant compte de la controverse que cette politique suscite.
     Claude Turmes, le rapporteur (Vert) du projet de directive en cours de négociation, a certes regretté qu'"aucune majorité" ne se soit dégagée, jeudi 11 septembre, au sein de la commission parlementaire industrie, afin d'abroger ce seuil tant critiqué par les associations écologistes. Mais le processus a été solidement encadré : un objectif intermédiaire de 5% en 2015 a été défini, afin de laisser le temps à d'autres technologies de monter en puissance face aux agrocarburants de première génération, dont l'impact sur les prix alimentaires est montré du doigt.
     Les eurodéputés ont tenu à préciser que le seuil retenu par les Européens n'est atteignable qu'avec la contribution, à hauteur de 40%, des véhicules électriques ou propulsés à l'hydrogène et des agrocarburants de seconde génération.
     Ces deux amendements ont été soutenus par l'ensemble des groupes politiques, de droite comme de gauche. Mais ils ne conviennent pas au Conseil : à ce stade, les Etats membres préfèrent, plutôt que de fixer des objectifs intermédiaires, opter pour une "clause rendez-vous" à l'horizon 2015-2017, afin de réexaminer alors, si nécessaire, les ambitions européennes. Cette échéance est jugée trop tardive par les parlementaires.
     Les Vingt-Sept sont d'autant plus attachés à l'objectif des 10% d'énergies renouvelables dans les transports qu'ils se demandent encore comment en respecter un autre, qui lui est étroitement associé: atteindre 20% d'énergies renouvelables sur l'ensemble du "bouquet énergétique" en 2020. Un palier jugé très ambitieux par toutes les délégations, mais que les eurodéputés, tout comme la présidence française de l'UE, n'entendent pas remettre en cause, de crainte de transformer les discussions en véritable foire d'empoigne.

COMPROMIS, SEUIL ET "BONUS"
     Soucieuse de répondre aux détracteurs des agrocarburants, l'Union européenne cherche à définir des critères destinés à promouvoir des produits "durables". Les Etats membres sont parvenus, ces derniers jours, à un compromis qui ménage les intérêts des pays européens producteurs, comme la France, et ceux des importateurs, tels le Royaume-Uni et les pays scandinaves.
     Seules seront donc comptabilisées les productions qui respectent, en Europe comme dans les pays tiers, la biodiversité et certaines conventions sociales. Il s'agit d'éviter la déforestation ou le travail des enfants dans les principaux pays fournisseurs.
     D'après les Etats membres, seuls les agrocarburants permettant de réduire de 35% les émissions de CO2 par rapport aux carburants traditionnels seront certifiés dans un premier temps. Ce seuil sera porté à 50% en 2017. Un bonus sera accordé aux agrocarburants issus de terres "dégradées", c'est-à-dire non utilisées pour les cultures vivrières.
     Néanmoins, le Parlement européen a formulé, jeudi, des critères plus exigeants afin de limiter, là encore, le recours aux carburants de première génération: la commission industrie a, entre autres, exigé une efficacité d'au moins 45%, portée à 60% en 2020, et ce contre l'avis des Etats membres producteurs, dont la France. "Le Parlement se veut plus strict que le Conseil, mais les positions sont conciliables", veut croire Claude Turmes.

Philippe Ricard