En quinze
ans, la consommation énergétique liée à la
climatisation des bâtiments à plus que doublé. Et cette
hausse va se poursuivre, bien que pour les chercheurs la climatisation
ne réponde pas à un besoin réel. Telles sont les conclusions
d’une étude réalisée dans le cadre du Programme national
de recherche «Développement durable de l’environnement construit»
(PNR 54).
La consommation électrique
liée aux climatiseurs a plus que doublé entre 1990 et 2005,
passant de 711 à 1591 GWh – soit 2.8% de la consommation totale
d’électricité du pays en 2005, ou encore la moitié
de la production électrique de la centrale nucléaire de Mühleberg.
A ce rythme, elle atteindra 2264 GWh en 2020. La consommation a explosé
durant l’été caniculaire de 2003; la répétition
de tels événements renforcerait vraisemblablement encore
cette évolution.
Catalogue de mesures
Pour ralentir cette
tendance, des chercheurs du bureau d’ingénieurs Planair SA, de l’Institut
de psychologie de la santé de l’Université de Lausanne et
du Laboratoire d'énergie solaire et de physique du bâtiment
de l’EPFL, ont établi un catalogue d’une vingtaine de mesures à
court, moyen et long termes (un an, deux à cinq ans et plus de cinq
ans). Elaborées dans le cadre d’une étude du Programme national
de recherche «Développement durable de l’environnement construit»
(PNR 54), ces mesures visent à améliorer le confort thermique
des bâtiments du secteur tertiaire et des habitations sans recourir
systématiquement à la climatisation. Elles sont de types
comportemental, technique et légale.
Les mesures de type
comportemental visent à sensibiliser et informer les personnes utilisant
la climatisation ou à engendrer de nouveaux modes de comportement.
Les mesures techniques concernent les techniques de climatisation. Enfin,
les mesures légales sont celles qui impliquent une modification
de la loi ou l’introduction de nouvelles exigences dans le domaine de la
construction. On peut citer par exemple un habillement et des horaires
de travail adaptés aux périodes chaudes, une diminution des
apports internes de chaleur (lampes, ordinateurs, photocopieurs...), l’optimisation
des installations de climatisation existantes ou encore la création
d’une norme de construction relative au rafraîchissement.
Confort sans climatisation
Pour les chercheurs,
le constat est clair: la climatisation ne répond pas à un
besoin réel. Les mesures qu’ils proposent seraient à même
de garantir le confort thermique des bâtiments en période
estivale. Ils appellent à apprendre de l’expérience des pays
du Sud, tant en matière de matériaux de construction que
de protection solaire ou d’aération. Dans les cas où la climatisation
se justifie, il convient d’employer les installations existantes au mieux,
par exemple en rafraîchissant un espace la nuit plutôt que
le jour. |
Les chercheurs ont tout
d’abord cherché à comprendre les motivations des besoins
croissants en climatisation et les raisons de leur évolution. Ils
ont établi dans ce but deux questionnaires d’enquête visant
à mettre en évidence l’importance des variables psychologiques
pouvant influencer la perspective subjective du confort thermique, le besoin
d’utiliser la climatisation ou d’envisager des alternatives. Le premier
questionnaire a été adressé à un échantillon
de 500 travailleurs occupant des locaux administratifs non climatisés,
un deuxième à 500 habitants de bâtiments locatifs non
climatisés. Quinze entretiens semi-structurés avec du personnel
de l’administration de la ville de Lausanne et des Transports Lausannois
ont exploré les différences entre lieu de travail et lieu
d’habitation, la notion de contrôle de la température, les
différences individuelles, les effets de la chaleur, et enfin les
connaissances en matière de climatisation.
Une dernière
enquête eu lieu en été 2006. Dans des bureaux non climatisés,
des volontaires devaient remplir un questionnaire installé sur leur
ordinateur. Ces volontaires voyaient régulièrement apparaître
sur leur écran des questions relatives à leur confort thermique,
leur habillement, leur activité et les actions effectuées
pour améliorer leur confort. Ils avaient également la possibilité
de solliciter le questionnaire chaque fois qu’ils avaient l’impression
d’avoir atteint un état de surchauffe. Les sensations ressenties
ont été ensuite mises en relation avec les températures
intérieure et extérieure mesurées.
Sentiment de liberté
De ces enquêtes,
il ressort plusieurs points intéressants. Tout d’abord, la notion
de surchauffe touche avant tout le lieu travail et non le domicile. Les
chercheurs l’expliquent par la notion de liberté: à la maison,
les gens ont l’impression de mieux pouvoir gérer le problème,
en pouvant plus librement prendre des mesures de confort (libertés
de mouvement, d’horaire, d’habillement et de contrôle de l’environnement).
Mieux prendre en compte cette notion dans le monde professionnel permettrait
d’améliorer la satisfaction des travailleurs – par exemple en privilégiant
des espaces individuels à des bureaux de type «open space».
En outre, les personnes
possédant une voiture équipée d’une climatisation,
ou travaillant dans des locaux climatisés, sont davantage convaincues
de la nécessité de la climatisation en période estivale.
Enfin, l’âge, le nombre de personnes occupant un bureau et la qualité
subjective de l’air sont des paramètres importants par rapport au
besoin ressenti de climatisation, contrairement au type de travail, au
revenu, au sexe, à la corpulence ou encore à la pratique
régulière d’une activité sportive.
Document en provenance
de Suisse, mais il est évident que c'est valable pour tous pays
de climat tempéré, tels quasiment tous ceux de l'Europe occidentale! |