Dans les années 80, une
série de scandales révèle d'intenses trafics de déchets
toxiques entre les pays riches et le continent noir. On découvre
alors comment l'Occident a trouvé le moyen de se débarrasser
de millions de tonnes de résidus chimiques à moindre coût:
faire affaire avec des pays ouest-africains plus ou moins corrompus et
dictatoriaux, et y décharger les dangereuses poubelles sans aucun
recyclage ou traitement. Sans se soucier, non plus, des risques sanitaires
et environnementaux. Pour contrer le phénomène, la Convention
de Bâle entre en vigueur en 1992. Mais le problème est loin
d'être réglé...
Selon la Convention de Bâle, un pays exportateur de déchets toxiques doit d'abord obtenir une autorisation écrite auprès du pays importateur avant d'expédier la cargaison. Son contenu doit être détaillé et la destination finale précisément notifiée. Dans le cas contraire, le commerce est considéré comme illégal et le pays exportateur jugé responsable. Il devra alors récupérer sa «marchandise» et prendre financièrement en charge les coûts des dégâts éventuels. Plus largement, le texte préconise de «réduire au minimum les mouvements transfrontières de déchets dangereux, conformément à leur bonne gestion environnementale. Ils doivent être traités et éliminés aussi près que possible de leur source de production». C'est dans ce cadre que l'Union européenne interdit désormais toute exportation de déchets toxiques des Etats membres vers les pays émergents. Le transfert entre pays membres de l'OCDE et Etats non adhérents est également illicite. En tout, 168 nations ont ratifié la Convention. Problème: bien qu'il existe aujourd'hui un cadre juridique international pour lutter contre le trafic, les pratiques illégales se perpétuent. Et ce, malgré l'apparition de traités complémentaires, comme la convention de Bamako. Le monde industrialisé produit plus de 300 millions de tonnes de déchets chimiques chaque année, et lorsque l'on sait que le prix de recyclage d'une tonne peut atteindre les 1.000 €, on comprend pourquoi. «Le commerce international continue de se développer»
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Les émanations affectent rapidement
des milliers de personnes et en tuent une dizaine. Les contaminés
souffrent de vomissements à répétition, d'éruptions
cutanées, de malaises, diarrhées et maux de tête. Accusé
de négligences, le Premier ministre ivoirien est contraint de démissionner.
Depuis, la cour d'assises d'Abidjan a condamné à 20 et 5
ans de prison deux Ivoiriens impliqués dans la transaction criminelle...
mais l'affréteur du navire, la multinationale Trafigura, et Puma
Energy, sa filiale locale, n'ont pas été inquiétés.
Conclusion de l'histoire: outre le peu de responsabilités établies dans cette affaire, il semble que le transport illégal de déchets toxiques vers l'Afrique soit encore d'actualité. Achim Steiner, directeur exécutif du PNUE (programme des Nations Unies pour l'environnement), déclara alors: «Le commerce international continue à se développer et des contrôles de plus en plus sévères au niveau national font augmenter les coûts de stockage des déchets toxiques dans les pays développés». Il en résulte, selon lui, «une incitation économique pour le transport illégal des déchets». Pour Stavros Dimas, membre de la Commission européenne chargé de l'environnement, le scandale du Probo Koala «n'est que la partie émergée de l'iceberg». Le nouveau business des déchets électroniques
Pour en savoir plus:
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Août
2006, la Côte d'Ivoire et plus précisément la ville
d'Abidjan sont au cœur d'un scandale environnemental et sanitaire très
grave. Un tanker (le Probo Koala) appartenant à une société
grecque battant pavillon panaméen, affrété par une
société néerlandaise opérant depuis la Suisse
(avec à son bord un équipage russe!) déversait en
toute illégalité 500 tonnes de boues, mélange de soude
caustique, de résidus pétroliers et d'eau. Ces déchets
furent déposés à ciel ouvert dans plusieurs décharges
de la ville dégageant des gaz mortels faisant à ce jour 17
victimes et des dizaines de milliers d'intoxiqués.
Octobre 2008. Deux années plus tard, le procès de cette affaire vient de se dérouler à Abidjan. La cour d'assise a rendu un verdict contrasté, en condamnant à 20 et 5 ans de prison deux accusés (le patron de la petite société ivoirienne ayant déversé les déchets à l'air libre ainsi qu'un agent du port) mais en acquittant les sept autres. Au-delà du jugement rendu, ce qui ressort avant tout de ce procès, c'est l'absence à la barre des dirigeants de Trafigura, l'affréteur du navire, après qu'un accord à l'amiable eut été conclu en février 2007 entre la multinationale néerlandaise et le gouvernement ivoirien moyennant le versement de 152 millions €. Ceci a d'ailleurs suscité provoqué les protestations de plusieurs avocats, pour qui le procès était «biaisé» en l'absence du «témoin central». A juste titre. Pour la petite histoire, le 2 juillet 2006, le Probo Koala se trouvait à Amsterdam où il était censé décharger sa cargaison. Mais en raison du prix élevé demandé pour le traitement des déchets qu'il transportait, après un détour par l'Estonie, le navire fit route vers le sud, à la recherche de sous-traitants moins scrupuleux! De vieilles pratiques
Les paradis fiscaux en bonne place
(suite)
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suite:
Quelques tentatives de contrôle transfrontalier A la suite à plusieurs scandales en 1988, une série d'accords internationaux ont été signés, censés réglementer voire interdire les transferts de déchets toxiques vers les pays du Sud. Créée en 1989 sous l'égide des Nations Unis (et rentrée en vigueur en 1992), la Convention de Bâle (faire une recherche sur le site de SEBES) fut le premier instrument juridique international contraignant en matière de contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination. Dans sa première version, cependant elle tendait à légitimer une pratique qui devrait être considérée comme une activité criminelle. Mais en 1995, un amendement fut adopté afin de mettre un terme définitif aux exportations de déchets dangereux dans les pays ne disposant pas d'installations adéquates. En outre, une série d'accords régionaux ont été signés, parmi lesquels la Convention de Bamako (SEBES 1, SEBES 2)dont le champ d'application s'étend également aux déchets radioactifs. Qu'à cela ne tienne, sur 166 états signataires de la Convention de Bâle, trois pays - l'Afghanistan, Haïti et les Etats-Unis (réticents à l'idée de reprendre sur leur territoire les déchets dangereux produits sur leurs bases militaires du Pacifique) – ne l'ont toujours pas ratifié, ce qui porte inévitablement atteinte à son caractère universel. Les e-déchets, une catastrophe
annoncée
Les déchets de la honte.
Reportage photo au Ghana de Kate:
Quelles pistes pour demain?
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