CONTROVERSES ENERG...ETHIQUES !
Energies renouvelables, environnement-écologie, développement...
L'ère du pétrole cher (Encyclopédie Larousse)
juin 2008
Faut-il imaginer un monde sans pétrole?

     Fait extraordinaire et inquiétant, depuis le début de l'année 2008, le prix du pétrole ne cesse de connaître une ascension fulgurante. Alors qu'en 2002 le prix d'un baril valait 25 dollars, aujourd'hui il a dépassé la barre symbolique des 100 dollars, pour atteindre un niveau moyen de 137 dollars à la bourse de New York. Déjà certains économistes prédisent pour dans deux ans un baril à 200 $, avec à l'horizon un troisième choc pétrolier (après ceux de 1973 et 1979). Comment expliquer une telle flambée du coût du pétrole? Comment les pays consommateurs de pétrole et les pays pauvres pourront-ils faire face à cette nouvelle donne?
     Les pays producteurs de pétrole (O.P.E.P.) estiment que l'offre est suffisante pour répondre à la demande et que la flambée actuelle des prix résulte de la spéculation, de la faiblesse du dollar (crise des «subprimes»: prêts immobiliers à risque) et de l'instabilité politique dans certaines régions. De leur côté, les pays consommateurs d'or noir, au premier rang desquels les États-Unis, considèrent que le principal problème réside au contraire dans l'insuffisance de l'offre. Avec l'ère du pétrole rare et cher, il est donc devenu indispensable de changer notre manière de consommer et d'imaginer des alternatives possibles à cette énergie.

La flambée des prix du pétrole

Données chiffrées.
Évolution du cours du baril de brent (pétrole brut de référence au niveau mondial), en $ courant.
    * 1990 : 23,4.
    * 1995 : 17.
    * 2000 : 28,5.
    * 2002 : 25.
    * 2003 : 28,8.
    * 2004 : 38,3.
    * 2005 : 54,6.
    * 2006 : 65,2.
    * 2007 (moyenne au 10 octobre) : 67,5.
    * 2008. Janvier : le cours du baril de brent atteint les 100 $ (67,93 euros) avant de retomber à 99,17 $.
      20 février : 100.
      10 mars : 109.
      17 avril : 115.
      6 juin : 139, 12 (nouveau record à la bourse de New York).
      25 juin : 136,36.

Prix des carburants (en €/litre ; source : Ufip).
Sans plomb 95.
    * 2000 : 1,09.
    * 2002 : 1,01.
    * 2004 : 1,06.
    * 2005 : 1,17 (octobre : 1,23).
    * 2006 : 1,24 (21 juillet : 1,34 ; record).
    * 2007 : 1,26 (octobre : 1,28).
    * 2008 : 1,41 (en moyenne).

Gazole.
    * 2000 : 0,85.
    * 2002 : 0,77.
    * 2004 : 0,86.
    * 2005 : 1,03 (octobre : 1,10).
    * 2006 : 1,08 (août : 1,12).
    * 2007 : 1,07 (29 octobre : 1,145).
    * 2008 : 1,3344.

Pourquoi une telle hausse des prix?

Le déséquilibre entre l'offre et la demande.
     Bien que les prix soient à la hausse, la demande continue de croître tandis que l'offre stagne. Au rythme de l'augmentation actuelle des besoins énergétiques, soit 2% par an, il faudrait en 2035 produire 165 millions de barils par jour. On en produit aujourd'hui 85 millions et dans le futur, il n'est guère possible d'en espérer plus de 90 à 100.

La spéculation.
     Les pays producteurs estiment que l'offre est suffisante pour répondre à la demande et que la flambée actuelle des prix résulte de:
-         la spéculation;
-         la faiblesse du dollar;
-         l'instabilité géopolitique dans certaines régions.

Contre l'insuffisance de l'offre.
     Les pays consommateurs, au premier rang desquels les États-Unis, considèrent que le principal problème réside dans l'insuffisance de l'offre.
     La seule hausse de production annoncée a été faite par l'Arabie saoudite, avant la conférence du dimanche 22 juin 2008, à Djeddah (Arabie saoudite). En gage de bonne volonté, Ryad a annoncé une hausse de 200.000 barils de sa production quotidienne, qu'elle avait déjà augmentée de 300.000 barils en mai. Avant même l'ouverture de la conférence, l'O.P.E.P avait de son côté exclu toute augmentation de la production du cartel dans l'immédiat, se démarquant ainsi de l'Arabie, pourtant son chef de file. 

Vers un troisième choc pétrolier?

     Étant donné la flambée du prix du pétrole, on peut légitimement se demander si on assiste à un troisième choc pétrolier, après ceux de ceux de 1973 (guerre israélo-égyptienne) et de 1979 (révolution islamique en Iran).

Hier. Dans les années 1970, il y eut ce qu'on a appelle un « choc » parce que certains pays producteurs de l'O.P.E.P. avaient décrété un embargo contre des pays consommateurs accusés de soutenir Israël. L'offre s'était brusquement tarie, entraînant une multiplication par quatre du cours de l'or noir en 1979. Mais, ces cinq dernières années, jamais le marché n'a véritablement été à court de pétrole.

Aujourd'hui. Contrairement aux années 1970, de nos jours l'envolée des prix pétroliers n'a pas entraîné de récession car cette flambée est en partie alimentée par la vigueur de la croissance mondiale et la demande des pays émergents (Chine, Inde, Moyen-Orient). Les Chinois, les Indiens et les Américains ne cessent d'accroître leur consommation, même si la crise des « subprimes » aux États-Unis a menacé le pays d'une récession, ce qui a créé les tensions sur le marché et contribué à renchérir les prix.
     Les économies des pays industrialisés sont moins dépendantes de l'or noir qu'autrefois; il leur faut moins de pétrole qu'il y a trente ans pour créer la même richesse (automobiles, téléviseurs...). Enfin, l'inflation a été maîtrisée, alors que, dans les années 1970, l'indexation des salaires sur les prix a entraîné une flambée de l'inflation.
     Néanmoins, les indices de prix publiés un peu partout dans le monde depuis le début de l'année font état de tensions inflationnistes croissantes. En Espagne, le taux a atteint 4,3% en décembre, le chiffre le plus élevé depuis onze ans. En Allemagne, l'inflation est de l'ordre de 2,2% en moyenne en 2007, son niveau le plus élevé depuis 1993. 

L'offre.

Qui détient les réserves prouvées de pétrole?
L'O.P.E.P. (Organisation des pays exportateurs de pétrole).
     Organisme créé en septembre 1960 à l'initiative du Venezuela, initialement pour obtenir un arrêt de la tendance à la baisse des prix du pétrole brut. Les pays de l'O.P.E.P. (11 membres) détiennent près de 80% des réserves prouvées de pétrole brut. Le rôle de cet organisme est d'assurer un niveau de prix jugé raisonnable en agissant sur la production, via des quotas.
     Cinq pays fondateurs: le Venezuela, l'Iran, l'Iraq, l'Arabie saoudite et le Koweït.
     Autres membres: le Qatar (1961), la Libye et l'Indonésie (1962), Abu Dhabi (1967), l'Algérie (1969), le Nigeria (1971), l'Équateur (1973) et le Gabon (1975). Ces deux derniers pays (l'Équateur en 1992, le Gabon le 1er janvier 1995) se sont retirés de l'organisation.

Évolution: les membres de l'O.P.E.P.  (Abu Dhabi s'étant fondu au sein des Émirats arabes unis) obtiennent, à partir de 1973, de considérables hausses du prix du pétrole, s'assurant par ailleurs le contrôle de la production.

Réserves prouvées en milliards de barils (à fin 2006; source: BP).
    * Total mondial : 1.208,2 dont
    * Arabie saoudite : 264,3.
    * Iran : 137,5.
    * Iraq : 115.
    * Koweït : 101,5.
    * Emirats arabes unis : 97,8.
    * Venezuela : 80.
    * Russie : 79,5.
    * Libye : 41,5.
    * Kazakhstan : 39,8.
    * Nigeria : 36,2.

Principaux pays producteurs (en millions de barils/jour en 2007).
    * Arabie saoudite : 10, 7.
    * Russie : 9,7.
    * États-Unis : 8,4.
    * Iran : 4,2.
    * Chine : 3,8.
    * Mexique : 3,7.
    * Canada : 3,3.
    * Émirats arabes unis : 2,9.

Principaux pays exportateurs (en millions de barils/jour en 2006).
    * Arabie saoudite : 8,3.
    * Russie : 5,2.
    * Émirats arabes unis : 2,9.
    * Iran : 2,8.
    * Koweït : 2,5.
    * Venezuela : 2,3.

L'Arabie saoudite : premier producteur et exportateur de pétrole brut.
     1er rang des réserves mondiales: 264 milliards de barils.
Le pétrole représente:
90 % de ses exportations,
80 % de ses  recettes budgétaires,
50 % de son produit intérieur brut (P.I.B.).

La demande.

Principaux pays consommateurs (en millions de barils/jour en 2007).
    * États-Unis : 20,6.
    * Union européenne : 14,6 (France : 1,9).
    * Chine : 7,3.
    * Japon : 5,2.
    * Russie : 3,1.
    * Allemagne : 2,6.
    * Inde : 2,5.
    * Canada : 2,2.
    * Brésil : 2,2.
 

                                                      Le pétrole en France
    * Le pétrole représente un tiers de la consommation d'énergie primaire en 2007 (contre 67% en 1973). 
    * Le principal secteur utilisateur de produits pétroliers est celui des transports avec 53% de la consommation totale. 
    * 99% du pétrole consommé en France provient d'importations. De 1973 à 1985, on assiste à une sensible diversification géographique ds imortations de pétrole brut, avec la très forte diminution de la part du Proche-Orient (71% en 1973; 27% en 2005), l'apparition de la Mer du Nord (0% en 1973; 26% en 2005) et les contributions accrues de l'Afrique Noire (11%) et de la CEI (23%). 
    * Notre production représente 1% de la consommation nationale.
    * Répartition : région parisienne (54%), région aquitaine (45%) et Alsace (1%).  Au 1er janvier 2006, nos réserves nationales de pétrole brut représentaient 18 ans d'exploitation au rythme actuel et un peu moins de 2 mois de consommation nationale.
    * Il existe 13 raffineries en France métropolitaine, soit une capacité totale de raffinage de 97,7 MT/an.

Nouvelle donne: la hausse de la consommation des pays émergents.
     Selon l'Agence internationale de l'énergie (A.I.E.), en 2008 et pour la première fois, les grandes zones en développement de l'Eurasie (Russie, Chine, Inde et Moyen-Orient) consommeront davantage d'or noir que les États-Unis (20,6 millions de barils chaque jour).

Quelques chiffres.
     Hausse de la consommation estimée en 2008 : de l'ordre de 1,8 million de barils par jour, selon le ministère américain de l'Énergie.
     Population de l'Eurasie : 2,5 milliards d'habitants.
     Consommation : 20,67 millions de barils chaque jour.
     Usages : voitures, climatiseurs et usines.

Le cas de la Chine.
     La Chine consomme à elle seule près de 10% (en 2008) du pétrole produit dans le monde.
     Son parc automobile sera multiplié par sept d'ici à 2030. Or, il n'existe aucun substitut crédible au pétrole, même si agrocarburants et voitures hybrides (essence-électricité) vont se développer.
     Depuis la crise des «subprimes» aux États-Unis, les financiers quittent les actifs traditionnels (actions, obligations...) pour se tourner vers sur les matières premières. Le dollar est la monnaie dans laquelle est payé le brut et sa faiblesse actuelle permet aux détenteurs d'autres devises d'en acheter à bon prix.

Le monde manque-t-il de pétrole?

Incertitude sur l'état des réserves.
     Les pays consommateurs demandent à ceux de l'O.P.E.P. de pomper davantage de pétrole pour reconstituer leurs stocks à l'approche de l'hiver, notamment aux États-Unis, qui consomment un quart du brut mondial. Mais l'O.P.E.P. (qui reste floue sur les chiffres réels de ses réserves) préfère pour l'heure engranger des «pétro-dollars» que gagner des parts de marché en produisant plus. On estime qu'elle pourrait mettre chaque jour sur le marché au moins 2 millions de barils supplémentaires, ce qui permettrait de faire baisser les prix.

Rentabilité des forages.
     Avec un baril avoisinant les 150 dollars, l'extraction des pétroles lourds et/ou difficilement accessibles devient rentable. On fore désormais en mer par plus de 3.000 m de profondeur et, à terre, des gisements sont enfouis à plus de 6.000 mètres. Quant aux schistes ou aux sables bitumineux (Canada, Venezuela...), on estime leur potentiel à 600 milliards de barils. Si l'on prend en compte ces «huiles» lourdes, le Canada serait le deuxième pays pétrolier derrière l'Arabie saoudite.

Les grandes compagnies pétrolières.

Bénéfices (en 2006).
Exxon Mobil : 39,5 milliards de $.
Shell : 25,4.
BP : 22,3.
Chevron : 17,1.
Total : 15,8. 

Que font-elles de leurs profits?
- Rétribution des actionnaires.
- Financement de nouveaux champs pétrolifères (explosion des coûts des équipements: bateaux, plates-formes, câbles...). La facture du grand projet de Sakhaline 2, dans l'Extrême-Orient russe, est passée de 10 à 22 milliards de dollars, celle de Kashagan (Kazakhstan) de 30 à 140 milliards.

Europe: quelques pistes pour réduire le coût du carburant.
     1) Réduire la TVA sur les carburants, actuellement de 19,6%. Cette solution, proposée par Nicolas Sarkozy, a été refusée par la Commission européenne. Elle estime que ce plafonnement enverrait «un mauvais signal» aux pays producteurs de pétrole.
     Selon  Frédéric Reynès, économiste et spécialiste du pétrole à l'O.F.C.E. (Observatoire Français des Conjonctures Économiques): «La hausse des prix du pétrole est amenée à se poursuivre. Jouer sur la fiscalité aura un effet purement temporaire. On perdra des ressources fiscales et on n'incitera pas les gens à consommer moins
     2) Taxe «Robin des bois» sur les profits des compagnies pétrolières (adoptée par le gouvernement italien).
     3) Taxe sur les mouvements spéculatifs, prônée par l'Autriche. «Nous savons tous que la part de spéculation dans les prix du pétrole est bien trop élevée. L'Europe doit avancer des propositions sur la façon dont on peut contenir ce phénomène, parce que ce n'est pas normal que nos consommateurs paient pour les spéculateurs mondiaux».