François
Bellanger, animateur du "think tank" Transit City
LE MONDE | 27.11.08
Sous l'effet de la crise,
tout le monde s'affole, les clients m'appellent de partout", sourit François
Bellanger. Ce spécialiste des modes de vie urbains est consultant
pour des grands groupes français: Renault, PSA, Veolia, la SNCF,
Orange, la Caisse des dépôts et consignations... Il anime
à Paris le think tank Transit City, consacré à l'avenir
de la ville, des transports, du commerce, dont le prochain atelier, vendredi
28 novembre, au Pavillon de l'Arsenal, débattra de la question:
"A quoi ressemblera le voyage dans vingt-cinq ans?"
Que vous demandent vos clients?
Beaucoup d'industriels
commencent à comprendre que leurs modèles sont essoufflés
et se demandent comment les renouveler. Le logement n'a pas changé
depuis Haussmann, à l'exception de la salle de bains. Les hypermarchés
sont totalement dépendants de l'automobile et s'aperçoivent
qu'ils ne captent plus les jeunes. La voiture n'a pas évolué
depuis cinquante ans, elle n'est plus capable de répondre aux mutations
de la société. J'aide ces entreprises à identifier,
dans le monde entier, les signes faibles qui pourraient devenir les modèles
de demain.
Vous pensez que la voiture telle qu'on la connaît
va disparaître des villes?
Les constructeurs automobiles
ne parviennent pas à faire leur révolution. Aujourd'hui,
dans l'imaginaire, les créateurs de la mobilité, ce sont
les marques de sport, de téléphones mobiles. Ce n'est pas
l'automobile qui inventera le transport de demain, comme ce ne sont pas
les fabricants de calèches qui ont inventé l'automobile.
Qui alors? Les
loueurs de vélos? Le Vélib' parisien est un énorme
succès, Londres, Montréal et Chicago étudient le modèle
après Copenhague, Barcelone, Vienne, Bruxelles, Washington... |
Vélib' a montré
qu'un nouveau modèle peut changer la ville. Mais on n'explore pas
assez la gamme des possibles entre le Vélib'et la voiture individuelle.
Au Japon, des industriels s'inspirent des fauteuils roulants électriques
pour créer des véhicules urbains compacts, légers.
Le rickshaw (tricycle motorisé), qu'on trouve partout en Asie, a
tout pour incarner l'âge postvoiture dans nos villes, pourtant il
n'arrive pas chez nous. Quand l'Indien Tata crée sa voiture pas
chère, la Nano, il reprend le vieux modèle de l'automobile,
pendant que des industriels de Dubaï exportent en masse les rickshaws
indiens vers les villes d'Afrique de l'Est!
Le recul de la voiture signe-t-il la fin des
hypermarchés installés en périphérie?
Bien sûr. Pendant
la flambée du prix de l'essence, les hypers d'Ile-de-France non
desservis par le RER ont vu fondre leur chiffre d'affaires. L'Amérique
a commencé à remettre en cause le modèle du "mall"
commercial, le principe "no parking, no business". Au Japon, les commerces
s'installent là où passent les gens, les gares, les lieux
de transit. Le couple voiture-hypermarché va disparaître,
remplacé par un duo piéton-Internet. La grande distribution
a d'ailleurs commencé à s'adapter en investissant de nouveaux
métiers. Aux Etats-Unis, en Europe, en France, elle devient aménageur
en concevant des centres commerciaux comme des quartiers de ville avec
de l'habitat, des rues, etc. En Chine, Carrefour se fait opérateur
de transport pour créer des hypermarchés sans voiture : les
clients peuvent emprunter les réseaux de bus affrétés
par l'enseigne.
Quelles conséquences pour la ville?
La fin de "suburbia",
ce type de banlieue résidentielle fondée sur le règne
de l'automobile et du centre commercial. Le modèle a d'abord été
critiqué pour les pertes de temps qu'il engendre, mais c'est surtout
le prix de l'essence qui va le condamner. L'étalement urbain n'est
pas juste absurde écologiquemen : il est dramatique pour les gens
qui ont peu de revenus. Les maires ne se rendent pas compte qu'avec une
essence vraiment chère, leur commune ne fonctionnera plus!
Sur Internet: www.transit-city.com
Propos recueillis par Grégoire
Allix
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