Par Denis Delbecq
Cette fois, tous les obstacles sont levés.
L'agence brésilienne de l'environnement (Ibama) a donné son
feu vert au projet de barrage de Jirau, qui viendra se mettre en travers
du cours de la Madeira, le plus important affluent de l'Amazone. Le barrage,
d'une puissance installée de 3.300 mégawatts (MW), sera construit
par un consortium international, sous l'égide de GDF Suez qui pourra
l'exploiter pendant 35 ans. Au travers de sa filiale Tractebel Energia,
le groupe est le premier producteur privé d'électricité
au Brésil avec 7.000 MW de puissance installée, dont 73%
d'hydroélectricité.
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Au MAB, ont met notamment en avant la rupture
d'un barrage le 27 mai dernier dans le nord-est du Brésil. Soumis
à des pluies diluviennes, l'Amazonie a connu des inondations spectaculaires,
provoquant la rupture de la retenue d'eau. Une ville a partiellement été
noyée, parfois sous vingt mètres d'eau, et quatre personnes
ont trouvé la mort dans l'accident. L'organisation a dénoncé
à maintes reprises la manière dont l'agence gouvernementale
Ibama évalue l'impact environnemental des projets qui lui sont soumis.
Selon le WWF, ce sont potentiellement un million de kilomètres carrés qui seront, directement ou indirectement, concernés par le complexe de Madeira. Presque deux fois la superficie de la France. L'organisation met en avant l'exceptionnelle biodiversité, notamment aquatique, et la présence de poissons dont la longue migration sur le fleuve Madeira depuis l'estuaire de l'Amazone sera perturbée par la présence des barrages. Les organisations écologistes craignent aussi que la création de voies navigables ne favorise la déforestation (production de soja, élevage de bovins) et stimule l'orpaillage clandestin, qui génère d'importants rejets de mercure dans l'environnement. Face aux multiples contestations, le gouvernement brésilien tient bon, arguant de la nécessité de produire de l'électricité pour développer le pays, et notamment les états amazoniens, tout en améliorant son indépendance énergétique. Une fois achevé, le complexe de Madeira produira à lui seul près de 8% de l'électricité du pays! Une énergie renouvelable (1), dont l'impact sur le climat est loin d'être négligeable. En raison des températures élevées qui règnent dans les régions tropicales, la végétation noyée sous les eaux des barrages libère du méthane, un gaz au pouvoir réchauffant vingt fois supérieur à celui du gaz carbonique, ainsi que du gaz carbonique et du protoxyde d'azote. Suivant les estimations, les grands barrages de la planète émettraient entre 70 et 100 millions de tonnes de méthane par an dans l'atmosphère, soit autant que l'ensemble des rizières. Des travaux conduits au CNRS avaient montré il y a quelques années que le barrage de Petit-Saut (Guyane Française) est susceptible —sur une période d'un siècle— de rejeter autant de gaz à effet de serre qu'une centrale à gaz de puissance équivalente (2). De nombreuses études sont conduites pour déterminer si ce gaz, qui est essentiellement libéré lors du passage dans les turbines, pourrait être récupéré. |