Par Jean Etienne, Futura-Sciences
La région du Harz prévoit, d'ici
quatre ans au maximum, de recourir exclusivement aux énergies renouvelables
pour sa population grâce à un ingénieux réseau
rassemblant éolien, solaire, hydraulique et biomasse. Déjà,
Dardesheim, petite agglomération d'un millier d'habitants, a pleinement
atteint cet objectif et se pose ainsi en précurseur.
L'approvisionnement principal en électricité
est obtenu grâce à un complexe de 26 éoliennes installées
dans le parc de Druiberg, qui détient un record en la matière
puisqu'on peut y découvrir la plus grande éolienne du monde.
Surnommé affectueusement Goliath, ce modèle E112 construit
par la firme Enercon est équipé d'une turbine atteignant
à elle seule jusqu'à 6 mégawatts d'électricité.
Capable de produire de 12 à 15 millions de kilowatts-heures par
an, elle peut assurer la consommation moyenne de 4.000 foyers.
Des sources multiples
Des panneaux de capteurs solaires photovoltaïques
ont aussi été installés sur les toits de bâtiments
publics (écoles, pompiers) ainsi que de nombreux particuliers, tandis
que la façade de la mairie est ornée d'un afficheur indiquant
en temps réel la quantité d'énergie produite, ainsi
que les émissions de CO2 économisées.
Pour ne pas dépendre en permanence
de deux sources d'énergie intimement liées à la météo,
les autorités ont aussi fait construire une centrale fonctionnant
au biogaz...
De plus, le parc éolien de Druiberg
est aussi relié aux générateurs d'une centrale hydraulique
située à une trentaine de kilomètres, où l'énergie
produite en surplus sert à remplir deux énormes citernes.
Lorsque le rendement éolien ou solaire baisse, les vannes sont ouvertes
et l'eau s'écoule, actionnant des turbines, ce qui permet de récupérer
une bonne partie de l'énergie, avec un rendement largement supérieur
à celui de simples accumulateurs électriques.
Ce projet, subventionné à hauteur
de 10 millions € par le gouvernement allemand sur une durée
de quatre années, est appelé à devenir un modèle
et pourrait bientôt être imité ailleurs en Allemagne,
mais aussi dans le reste de l'Europe.
Goliath, avec son rotor de 112 mètres de diamètre
(d'où son nom, E112). Crédit Enercon
Ce carénage avant du rotor d'une éolienne identique
au modèle E112, ici en construction à Estinnes (Belgique),
donne l'échelle. Il sera installé sur son mât à
141 mètres au-dessus du sol. Crédit Enercon
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ADIT
Dardesheim: la ville qui fonctionne au vent, au soleil et à
l'eau
Dardesheim, dans la région du Harz,
à l'aplomb de la colline de Druiberg, fait parler d'elle comme "ville
de l'énergie renouvelable". En effet, elle a déjà
atteint l'autonomie énergétique et produit même annuellement
30 à 40 fois plus d'électricité qu'elle n'en consomme.
Les besoins en électricité de
cette commune d'un millier d'habitants s'élèvent au total
à 3 millions de kilowattheures, dont un million pour les habitations
privées. Les installations photovoltaïques placées sur
les toits des entreprises, des étables, de l'école, de la
caserne de pompiers, de nombreux particuliers et de la salle communautaire
du village produisent 400.000 kilowattheures, ce qui couvre environ un
tiers de l'électricité ménagère. Les éoliennes
de la montagne produisent quant à elles environ 135 millions de
kilowattheures. En face de la mairie, un compteur indique aux passants
la quantité d'énergie solaire produite en temps réel
et d'émissions de CO2 ainsi économisées.
"En plus, c'est économiquement intéressant, car il est
possible de revendre le surplus aux opérateurs du réseau",
explique Ralf Voigt, adjoint au maire.
Cependant, Dardesheim ne peut pas se contenter
du vent et du soleil, deux formes d'énergie aléatoires car
dépendantes de la météo et difficiles à stocker.
Dans une phase pilote, une centrale au biogaz a donc été
construite à l'entrée de la ville. Enfin, pour compléter
le dispositif, le parc éolien de Druiberg est désormais relié
à une centrale hydraulique à Wendefurth, à une trentaine
de kilomètres. Lorsque les éoliennes produisent un excédent
d'énergie, elles alimentent deux énormes citernes de la centrale
hydraulique. Lorsque le vent tombe ou que le soleil s'efface, les vannes
des bassins sont ouvertes de manière à faire tourner deux
turbines de 40 MW chacune.
Le même concept doit maintenant être
étendu à une plus grande échelle dans la région
du Harz. Le projet, lancé début décembre 2008, est
subventionné par l'Etat fédéral à hauteur de
10 millions €. Ainsi, d'ici quatre ans, la région du Harz prévoit
de recourir exclusivement aux énergies renouvelables produites localement
pour couvrir les besoins en électricité de ses 250.000 habitants,
grâce à un système combiné de centrales recourant
aux énergies éolienne, hydraulique, solaire, géothermique,
ou à la biomasse. "Le gouvernement considère qu'il s'agit
d'un modèle pour l'avenir. Si cela fonctionne ici, notre système
pourra être développé ailleurs en Allemagne", affirme
Ulrich Narup, chef du projet.
Par ailleurs, mi-2008 a été
inaugurée au parc solaire de Druiberg (EDG: Energiepark Druiberg
Verwaltungs GmbH), la première station-service électrique
renouvelable. Avec d'autres entreprises de la région, l'EDG prévoit
l'installation d'un réseau de stations-service électriques
fonctionnant à partir d'énergies renouvelables ainsi que
la construction d'une flotte régionale de voitures électriques
[1].
L'histoire à succès de Dardesheim
a commencé avec une éolienne d'environ 300 m de haut, que
l'entrepreneur Heinrich Bartelt a édifiée à Druiberg
en 1994. "A cette époque, le changement climatique ne jouait
pas encore un grand rôle", se souvient-il. Peu de temps après,
il a déposé une demande de permis de construire pour d'autres
éoliennes. A présent, ce sont au total 28 éoliennes
d'une capacité totale de 62 MW qui se dressent sur la colline de
Druiberg. "Elles ne sont pas si bruyantes, surtout les plus récentes",
fait remarquer le directeur technique, Thomas Radach. Au fond du site trône
l'éolienne la plus puissante du monde, d'une capacité de
6 mégawatts (MW).
"Il y a eu très peu de protestations
contre le parc éolien", affirme l'opérateur Bartelt.
"Tout le monde se sent concerné et impliqué dans le projet
énergétique". Chacun est informé en détail
des projets ; de nombreuses sessions de conseils généraux
ont lieu. Les habitants de Dardesheim et des environs payent l'électricité
23 centimes par kilowattheure, et Bartelt reçoit 8 centimes par
kilowattheure pour l'énergie intégrée au réseau.
Des modèles commerciaux seraient actuellement testés pour
obtenir des conditions optimales. |