CONTROVERSES ENERG...ETHIQUES !
Energies renouvelables, environnement-écologie, développement...
La crise offre l'occasion de décarboner l'économie
février
ADIT, http://www.lemonde.fr/

     Achim Steiner est directeur exécutif du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), l'institution phare de l'ONU sur les questions d'environnement.
     Créé en 1972, le PNUE avec un budget de 58 millions de dollars en 2008 - inférieur à celui de l'ONG le Fonds mondial pour la nature - dispose de peu de moyens.
     A sa tête depuis 2006, Achim Steiner, 47 ans, a lancé en octobre 2008, une "initiative mondiale pour une économie verte" à laquelle il espère convertir les gouvernements et les entreprises. Le sujet sera au menu du Forum annuel mondial sur l'environnement organisé au siège de l'institution à Nairobi, du 16 au 20 février. Une centaine de ministres seront présents.

LE MONDE | 16.02.09

Depuis des mois, vous plaidez pour que les centaines de milliards de dollars injectés dans les plans de relance servent à créer une économie mondiale moins émettrice de gaz à effet de serre. Quel bilan en tirez-vous?
     Nous avons une opportunité historique de financer une économie mondiale décarbonée. Il y a urgence. Les coûts économiques associés au changement climatique deviennent de plus en plus lourds. La vulnérabilité des pays pauvres s'accroît et nous pourrions nous rapprocher très rapidement de ce que les scientifiques appellent le "point de bascule" au-delà duquel les conséquences du réchauffement deviendront difficilement gérables.
     Jusqu'à présent, seuls quelques gouvernements ont répondu en partie de façon satisfaisante à cette situation. Cela est pour moi un motif d'optimisme mais l'enjeu est maintenant de changer d'échelle et de transformer ces initiatives éparpillées en programmes de grande ampleur.

Quelles initiatives vont particulièrement dans le bon sens?
     La Corée du Sud va consacrer 38 milliards de dollars (près de 30 milliards €) à un "New Deal vert" qui permettra la création d'un réseau de transport écologique, la dépollution des quatre principaux fleuves du pays, des économies d'énergie dans l'habitat. Une part importante du plan de relance chinois est affectée à des investissements "verts".
     Le Japon a également adopté un ambitieux programme pour développer les énergies renouvelables...

Relancer la croissance par la consommation, est-ce vraiment compatible avec la nécessité d'économiser les ressources naturelles?
     Tout dépend de quelle consommation on parle. Celle qui perpétue la vieille économie polluante, ou celle qui soutient une nouvelle économie "verte". Des études ont montré qu'un climatiseur standard utilisé en Floride émet autant de CO2 qu'un Cambodgien pendant toute sa vie ou que le lave-vaisselle d'une famille moyenne européenne génère par an autant de gaz à effet de serre que trois personnes en Ethiopie. Cette consommation-là, je ne peux la soutenir.


     Notre objectif doit être de réduire notre empreinte écologique. Il y a plusieurs manières d'y parvenir. Cela ne passe pas nécessairement par un changement de notre mode de vie.
     Les Japonais parlent, par exemple, d'une économie des 3R dans laquelle les matières premières sont utilisées en quantité Réduite, Réutilisées ou Recyclées. Tout y devient potentiellement matière première à commencer par les déchets.

Les différentes instances internationales chargées de traiter des questions environnementales ont peu de moyens et aucun pouvoir. La création d'une organisation mondiale de l'environnement est-elle enterrée?
     La réforme de ces différentes instances - dont le PNUE - reste un sujet de débat. Mais tant que la communauté internationale n'aura pas défini clairement les objectifs qu'elle souhaite atteindre, il sera difficile d'avancer. Il y a cependant un sujet urgent à traiter: celui du financement. Au cours des derniers vingt-quatre mois, quatorze nouveaux mécanismes de financement pour lutter contre le changement climatique ont vu le jour. Un nombre croissant d'acteurs interviennent : acteurs bilatéraux, multilatéraux, fondations privées... Cela conduit à une fragmentation des actions. Il faut mettre de l'ordre dans toutes ces initiatives sinon elles nuiront davantage qu'elles n'aideront à lutter contre le réchauffement.

La création d'un groupe d'experts international sur la biodiversité à l'image de celui qui existe déjà sur le climat, le GIEC, se heurte à l'opposition de nombreux pays, dont le Brésil, l'Inde, les Etats-Unis. Craignent-ils d'être pointés du doigt pour mauvaises pratiques?
     Beaucoup de gouvernements se demandent à quoi servirait cette nouvelle instance. Le GIEC a été créé à un moment où la question du réchauffement était très controversée. Ce n'est pas le cas pour la biodiversité. De nombreux pays font l'expérience de la disparition des espèces. La création de cette instance est néanmoins nécessaire pour guider les politiques publiques. Il existe une multitude d'études et de recommandations pour enrayer la perte de biodiversité. Comment un fonctionnaire peut-il trancher? Une instance scientifique indépendante et reconnue pourrait de ce point de vue jouer un rôle utile.
     A Nairobi, j'interrogerai les gouvernements sur leurs intentions. Une chose est sûre: nous devons agir. Sans attendre que la prise de conscience de l'opinion publique soit mûre.
     Sinon pour de nombreuses espèces il risque d'être trop tard.

Propos recueillis par Laurence Caramel