L'eau de notre vie
Si notre belle planète fut créée
selon les scientifiques il y a près de 4,6 milliards d'années
il faudra néanmoins attendre environ un milliard d'années
pour qu'apparaissent les premières espèces vivantes. Ainsi
notre plus lointain ancêtre, la première forme de vie sur
Terre, a probablement été une cellule simple capable de se
reproduire en se divisant.
La Terre de cette époque était
alors bien loin de présenter le même aspect et les mêmes
conditions atmosphériques que celles que nous connaissons actuellement.
Le lieu d'apparition de ces premières bactéries procaryotes
et unicellulaires reste encore de nos jours une énigme : certains
chercheurs défendent l'hypothèse que c'est au fond des mers,
près de sources hydrothermales, que la vie est apparue, et non en
surface, dans des flaques d'eau proches du littoral, sous la lumière
intense du soleil.
Quel que soit le lieu d'apparition de la vie,
il est certain que les premiers êtres vivants étaient des
bactéries anaérobies, c'est-à-dire pouvant vivre en
l'absence d'oxygène, et qu'elles apparurent en milieu aquatique,
dans nos océans.
Ces derniers couvrant 360 millions de km2,
soit environ 71% de la surface de la Terre pour une quantité
d'environ 1,4 milliard de milliard de mètres cube d'eau lui confèrent
à juste titre les appellations de planète océan
ou de planète aquatique.
Si la vie terrestre est apparue dans l'eau
notre chemin de vie en tant qu'être humain prend de la même
façon sa source dans cet élément. En effet, avant
notre naissance nous passons par la phase aquatique lorsque nous baignons
dans le liquide amniotique, embryons nous sommes constitués de 94%
d'eau pour une fois adulte en être constitués de 65%, étant
ainsi un peu à l'image de notre planète.
De la tête aux pieds, nous sommes en
eau. L'eau est donc un élément indispensable à notre
corps, à notre vie. En plus d'en être essentiellement constitués
nous devons également en consommer 2,5 l par jour car si nous sommes
en mesure de vivre environ 3 semaines sans manger, puisque nous stockons
des nutriments, en revanche nous ne pouvons nous passer d'eau plus de 3
jours, incapables de la conserver dans notre organisme.
Ainsi si l'homme perd 2% de son eau, il éprouve
le besoin de boire, si il en perd 10%, il a des hallucinations et sa peau
se rétracte, si il en perd 15%, il meurt, les cellules s'asphyxiant
sous l'effet de leurs propres déchets.
L'eau est également essentielle à
la vie car elle crée le milieu dans lequel toutes les réactions
métaboliques se produisent et permet le transport de substances
chimiques dont elle assure le bon fonctionnement physiologique.
Cette eau dont le renouvellement est essentiel
au bon fonctionnement de notre corps est tout aussi vitale pour le reste
des espèces faunistiques et floristiques dont est elle le
composant essentiel dans des pourcentages en moyenne similaires à
celui de notre corps.
L'eau étant essentielle à notre
survie ainsi qu'à notre développement elle suscite par conséquent
la convoitise de la part de l'ensemble de l'espèce humaine. Une
convoitise qui peut aisément se transformer en conflit tant larvé
qu'ouvert lorsque certains veulent en faire un bien exclusif au détriment
des autres.
L'eau de la discorde
Les premières guerres de l'eau connues,
l'écriture n'existant pas auparavant, eurent lieu il y a plus de
5.000 ans entre des villes sumériennes, néanmoins il y a
fort à penser qu'elles sont aussi vieilles que l'humanité:
le contrôle des oasis, des points d'eau dans des régions où
il y avait régulièrement des pénuries assurant la
pérennité de leurs détenteurs.
L'histoire retiendra également la disparition
de civilisations non moins prestigieuses que celle des Khmers survenue
suite à une défaillance en approvisionnement en eau ou encore
celle des Mayas en Amérique Centrale. Les civilisations ayant un
usage intensif de l'eau se trouvent généralement fort vulnérables
aux changements climatiques, nous n'échappons bien entendu pas à
cet état de fait.
Notre époque est également le
théâtre de conflits pour le contrôle de cette ressource.
Ce fut le cas entre le Brésil et l'Argentine pour
le contrôle du fleuve Parana ou encore actuellement entre les Etats-Unis
et le Mexique pour l'eau du Rio Grande qui de grand n'a plus que
le nom puisque ce fleuve maintes fois évoqué dans les westerns
n'atteint désormais plus le Golfe du Mexique.
La guerre du Cachemire entre Inde et
Pakistan
trouve également une de ses origines dans le contrôle de la
source de l'Indus, seule alimentation viable et suffisante en eau pour
ce pays de plus de 150 millions d'habitants.
Que dire de la guerre de l'eau qu'Israël
livre à la Palestine? Depuis des décennies l'Etat
hébreux puise des quantités pharaoniques d'eau dans la nappe
aquifère située sous ces deux états et interdit à
ce dernier de creuser d'autres puits malgré l'augmentation de sa
population. Que dire de l'occupation du plateau du Golan par Israël
depuis la Guerre des six Jours de 1967 dont le but n'était autre
que celui du contrôle de la source du fleuve Jourdain?
La situation au Proche Orient est sans doute
la plus catastrophique que l'on puisse rencontrer sur notre planète
étant donné qu'y ont été dores et déjà
épuisées les réserves d'eau, premier cas dans l'histoire
de l'humanité.
Que penser de la bande de Gaza, en plein désert
de Palestine qui est l'entité politique qui souffre le plus cruellement
du stress hydrique, avec tout juste 140 l d'eau souterraine saumâtre
par an et par habitant!
Alors que nous ne buvons en moyenne guerre
plus de 2 litres d'eau par jour, nous en consommons dans les pays industrialisés
en moyenne 150 l /jour par personne. Cependant en moyenne dans certains
pays comme l'Australie ou les USA il s'agit de 350 à 400 l pers/jour.
Comment éviter des conflits lorsque
la répartition de cette ressource est de loin inéquitable
puisque six pays, Brésil, Canada, Russie,
Indonésie, Chine et Colombie se partagent à eux seuls la
moitié des ressources en eau renouvelables de la planète.
On assiste à une crise mondiale de l'eau, qui se manifeste à
travers la pénurie croissante d'eau potable et la multiplication
des maladies hydriques, causées par la pollution industrielle, la
contamination des lacs et rivières, le traitement insuffisant des
eaux usées, l'assèchement des sources, etc. Selon une
estimation des Nations Unies, 36.000 personnes meurent chaque jour, soit
6% de la mortalité mondiale, par manque d'eau potable ou par ingestion
d'eau contaminée. Environ 80% des maladies des pays en développement
(diarrhées, choléra...) sont liées à l'eau.
Environ 1 milliard de personnes dans le
monde n'ont pas accès à l'eau potable et 2,5 milliards n'ont
pas accès à un système sanitaire et ce chiffre atteindra
en 2025 les deux tiers de la population mondiale.
Au sein même de nos sociétés
la répartition et l'utilisation de l'eau sont inégales puisque
les agriculteurs consomment actuellement les deux tiers de l'eau puisée
dans les fleuves et nappes de la planète. D'ici 2025 la raréfaction
de l'eau entraînera une baisse de la production mondiale de 350 millions
de tonnes par an, soit la production annuelle en céréales
des USA, alors comment nourrir la planète? Malheureusement il ne
faudra pas attendre 2025 puisque début 2008 nous avons vu dans de
nombreux pays subvenir des émeutes de la faim, alors que dans d'autres
l'ignominie humaine pousse à la spéculation sur les denrées
alimentaires pour s'enrichir davantage. Le programme alimentaire mondial
précisait qu'en 2008 se sont ainsi 50 millions supplémentaires
de personnes qui souffraient de la faim.
Désormais le facteur limitant la productivité
alimentaire mondiale n'est plus la terre mais l'eau comme le signale un
rapport de la FAO. Les nappes aquifères s'épuisent lentement
face à nos besoins pressants et en constante augmentation.
En Inde dans certaines régions l'eau
était puisée à une dizaine de mètres, aujourd'hui
on a beau forer à plus de 400 mètres de profondeur
les puits restent secs. Quel avenir se dessine pour la population de la
plus grande démocratie de la planète?
La quête de cette eau vitale pour notre
survie nous amène également à commettre des erreurs,
des erreurs fatales comme ce fut le cas en Inde où près
de 60 millions de personnes furent empoisonnées par l'eau
naturellement chargée en fluorure extraite de puits tubulaires.
Ce qui engendra de multiples malformations osseuses et infirmités
irréversibles tant chez les enfants que chez les adultes. Une eau
que les experts et scientifiques n'avaient pas cru bon d'analyser, une
eau responsable du plus grand empoisonnement collectif de tous les temps,
une eau extraite de milliers de puits réalisés dans
les années 80 grâce aux fonds du programme des Nations Unies
l'Unicef.
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suite:
Que dire des dix millions de personne de l'ouest
indien et du Bengladesh qui consomment chaque jour une eau dont
la concentration en arsenic est parfois plusieurs centaines de fois supérieure
aux normes de l'OMS? Une eau non analysée provenant de puits financés
en majorité par des fonds internationaux (ONG, ONU...), une eau
qui les fait vivre aujourd'hui mais qui raccourcit à chaque goutte
leurs lendemains. Rien qu'en Inde ce sont aujourd'hui près de 800
millions de personnes qui seraient susceptibles de boire cette eau contaminée.
Si l'absence d'eau potable fait peser une
grande menace sur les populations, de trop grosses quantités d'eau,
qu'elles soient douces ou salées peuvent tout autant représenter
un danger pour notre espèce. Un danger qui s'accroît chaque
jour davantage avec le réchauffement climatique. Prenons pour exemple
cette exceptionnelle mousson indienne de l'an passé qui a fait des
centaines de morts et déplacé des centaines de milliers de
personnes. Nous pouvons évoquer de la même façon le
problème de la montée des eaux qui provoque le déplacement
de milliers de réfugiés climatiques.
Ainsi l'effet du réchauffement climatique
sur les Tuvalu, la plus petite nation du monde après le Vatican,
mais certainement beaucoup moins riche, fera des 11.000 Tuvaluens, les
premiers réfugiés climatiques de la planète d'ici
2 générations. L'Océanie dans son ensemble
sera sans conteste le continent le plus fortement touché par cette
catastrophe de la cupidité humaine compte tenu de sa géographie
et de ses milliers d'atolls, celui d'Ouvéa n'échappant pas
à cette logique.
Les Nations Unies évaluent à
50 millions le nombre d'habitants qui pourraient être contraints
de quitter leur lieu de vie en raison des conséquences du changement
climatique D'ici à la fin du siècle, le nombre des réfugiés
climatiques pourrait être porté à 150 millions.
L'espoir de notre espèce
La technologie
Nous avons depuis tous temps eu recours à
la science et à la technologie afin de résoudre les problèmes
auxquels nous étions confrontés. L'absence ou la raréfaction
des ressources aquifères nous amena également, parfois à
tord parfois à raison, à inventer, à innover,
ou encore à mettre en place des projets démesurés
dans certains domaines.
C'est sans conteste le cas de la Grande Rivière
Artificielle de Muhammad Kadhafi qui a dépensé 27 milliards
de dollars pour transporter sur 3500 km de désert une eau
puisée à 500 m de profondeur dans une nappe phréatique
fossile, donc épuisable, avec l'aide des Américains, ceci
afin de faire pousser, entre autre, du blé en plein désert!
Les Chinois ne sont guère bien loin
puisqu'ils ont entamé leur projet Sud-Nord qui détournera
une partie du fleuve Yangtsé, 4ème de la planète par
le débit, afin d'alimenter le fleuve Jaune quasiment asséché
situé près de grandes métropoles pour un coût
d'environ 60 milliards de dollars.
L'Inde quant à elle a une entreprise
encore plus démesurée que son géant de voisin puisque
son Projet d'Interconnexion des Fleuves prévoit de construire des
dizaines de grands barrages, des centaines de réservoirs secondaires
afin d'envoyer vers le sud aride les eaux de mousson charriées au
nord par les géants que sont le Gange ou encore le Brahmapoutre.
Un projet titanesque, pour ne pas dire emprunt de mégalomanie qui
va changer la carte hydrographique de ce pays et coûter de 110 à
200 milliards de dollars selon les estimations, soit 40% du PIB de l'Inde.
Notre caillou (la Nouvelle-Calédonie)
n'échappe pas à ce genre de projet avec son Grand Tuyau dont
l'utilité et la viabilité financière, pour la population
bien sûr, et non pour certains élus, ont été
très fortement remis en cause par un récent rapport de la
cours des comptes.
L'impact financier et surtout écologique
de tels projets est plus que discutable quand il semble que d'autres moyens
plus viables écologiquement, financièrement et moralement
peuvent être mis en œuvre.
Certaines sociétés comme la
Comex ont déjà mis en place et améliorent des procédés
de récupération des eaux de source jaillissant en plein océan
grâce à la différence de densité entre eau douce
et eau salée.
Les usines de désallement, qui produisent
10% de la consommation mondiale d'eau sont également une option,
néanmoins leur coût de fonctionnement en limite l'implantation
aux pays disposant d'importants moyens financiers. Qui plus est n'oublions
pas que la source d'énergie utilisée qu'est le pétrole
augmente la pollution atmosphérique de notre planète.
Pour les populations plus isolées des
solutions viables ont déjà été proposées.
C'est le cas notamment d'un genre de toile ombrière en polypropylène
capable de récolter les 2/3 de l'humidité des brouillards,
une quantité suffisante pour s'alimenter et même recréer
un écosystème. L'humidité de l'air représente
en effet plus de six fois le contenu de tous les cours d'eau de la planète.
Dans de nombreux pays on revient à des méthodes ancestrales
que sont le captage de l'eau de pluie, ou encore le système des
qanâts utilisés par les Perses et qui sont à l'origine
de leur richesse agraire durant l'antiquité.
A défaut de revenir à des méthodes
ancestrales ou de s'appuyer, une fois n'est pas coutume, sur la science
ou la technologie pour résoudre les problèmes que nous-mêmes,
notre société créons depuis des siècles n'existe-t-il
aucune autre alternative?
Ne serait-il pas plus judicieux, plus réaliste,
plus efficace, plus pragmatique d'utiliser ces différences avec
le reste du règne animal dont nous n'avons de cesse de nous vanter,
de nous targuer? Ne devrions nous pas simplement, humblement regarder l'histoire
de ces civilisations disparues pour des erreurs semblables et en tirer
des leçons? Ne devrions nous pas nous comporter en êtres humains
que nous nous revendiquons et utiliser ce que nous nommons l'intelligence
ou encore la cognition? Ne devrions nous pas faire preuve tout simplement
de bon sens?
Mais est-ce réellement le chemin que
prend la communauté internationale en favorisant la création
du nouveau marché de l'or bleu?
En effet, lors du dernier Forum Mondial de
l'Eau à Istanbul en mars dernier, la version finale du projet de
déclaration, négocié depuis de longs mois, stipule
que l'accès à l'eau potable et à l'assainissement
est un "besoin humain fondamental", et non pas un "droit". Légalement,
un besoin humain n'a aucune valeur ce qui permet d'en faire désormais
une marchandise soumise aux lois de l'offre et de la demande. Comment parler
de droits de l'Homme si on ne parle pas de droit à l'accès
à l'eau? De leur côté les entreprises privées
intéressées par le marché de l'eau soutiennent activement
ce programme qui leur ouvre des possibilités de profit énormes.
Il s'agit d'une part des sociétés transnationales de distribution
d'eau, que nous connaissons également très bien en Nouvelle
Calédonie, Suez et Veolia, d'autre part quatre multinationales qui
se partagent le marché de l'eau en bouteille: Nestlé, Danone,
Coca-Cola et PepsiCo.
D'autres sociétés se réjouissent
d'ores et déjà du réchauffement climatique qui leur
permet de récupérer les icebergs du Groenland dérivant
en eau internationale afin d'embouteiller cette eau gratuite.
N'est-ce pas là, une fois de plus,
sacrifier sur la table du sacro saint libéralisme des millions de
vies humaines ?
D'ici 2050 il y aura près de 9 milliards
d'habitants sur terre, et une augmentation d'environ 80% de notre consommation
actuelle, comment ferons nous alors pour subvenir à nos besoins
en eau? Les scientifiques prévoient que les îles du Pacifique
seront parmi les premières terres de la planète touchées
par la sécheresse suite au réchauffement climatique. Et nous,
êtres humains, calédoniens, citoyens, quelle réponse
apportons-nous à ce problème? Que faisons-nous au quotidien
pour préserver cette ressource? Quelle politique de gestion de cette
ressource renouvelable proposons-nous pour le pays et les générations
futures?
L'eau c'est le sang de la Terre, quand les
dernières larmes de Gaïa seront asséchées nous
n'aurons dés lors plus que nos propres yeux pour pleurer la fin
de l'humanité.
Arnaud FUENTES
citoyen de la Terre
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