Sciences
23/06/2009
En 1979, dans le sillage du choc pétrolier,
la France se mobilise pour de nouvelles énergies et va jusqu'à
instaurer «un jour du Soleil» qui restera sans lendemain.
Par NICOLAS CHEVASSUS AU LOUIS
Il y a tout juste trente ans, le 23 juin 1979,
la France célèbre la première - et dernière
- édition du «jour du Soleil». Les prix du pétrole
flambent à nouveau depuis la Révolution iranienne et le gouvernement
de Valéry Giscard d'Estaing est décidé à diminuer
la dépendance nationale à l'égard du pétrole
du Moyen-Orient.
Voici donc l'énergie solaire officiellement chargée,
lors du Conseil interministériel du 14 février 1979, de couvrir
5% des besoins énergétiques du pays en 2000; et un «jour
du Soleil» institué pour démontrer, à coups
de colloques, de démonstrations et d'animations, que l'énergie
solaire n'est plus une lubie d'écologiste, mais un enjeu stratégique.
Modestes objectifs
Du solaire, certes, mais lequel? Le Commissariat
à l'énergie solaire (Comes), que le gouvernement a créé
en 1978, a fait ses calculs. En l'an 2000, il faudra que le pays produise
16 MTEP (millions de tonnes d'équivalent pétrole) à
partir des différentes formes d'énergie solaire (entendu
alors au sens large, c'est-à-dire tout ce que l'on appelle aujourd'hui
les renouvelables, sauf l'hydroélectrique et la géothermie),
réparties grosso modo en trois tiers: un pour le bois combustible,
un pour les déchets agricoles et un pour le chauffage solaire.
Le photovoltaïque se voit attribuer un
objectif pour le moins modeste: 0,25 MTEP en 2000. Il est encore trop onéreux,
alors que les panneaux solaires restent des dispositifs high-tech dérivés
des engins spatiaux. Plus humble encore, la cible à atteindre pour
l'éolien est de 0,05 MTEP! Cette fois, la critique est inverse,
la technologie est jugée trop ancienne pour représenter l'avenir.
L'effort de recherche, on préfère le consacrer aux centrales
solaires thermiques, dans lesquelles une turbine est actionnée par
un fluide chauffé par les rayons du soleil concentrés grâce
à des miroirs montés sur des tours (les héliostats).
La France dispose depuis l'après-guerre
du four solaire de Mont-Louis dans les Pyrénées-Orientales,
une des plus spectaculaires installations au monde en la matière.
Et le gouvernement se voit déjà exporter dans les pays du
Sud des centrales solaires, politiquement moins sensibles que les centrales
nucléaires dont il entreprend alors de couvrir le pays.
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Reconversion
Ces beaux projets tournent cependant vite
court, malgré des réalisations comme la reconversion du four
solaire d'Odeillo, dans les Pyrénées-Orientales, en producteur
d'électricité de 1983 à 1986 sous le nom de Thémis.
Il sera par la suite utilisé comme... instrument d'astrophysique!
Les technologies déjà au point que le gouvernement souhaitait
développer, comme le chauffage solaire direct (eau chaude) et la
valorisation des déchets agricoles, ne séduisent pas le public
ni les industriels, faute d'incitations fiscales attractives. Et la recherche
sur les technologies d'avenir démarre très lentement par
manque de financement. Seule une très calculée similitude
linguistique pouvait faire croire que le Comes disposerait des mêmes
moyens que le tout puissant Commissariat à l'énergie atomique,
et son projet le plus ambitieux accumule les déconvenues.
Contrechoc
Détruite par une tempête qui emporte ses gigantesques
héliostats, la centrale solaire expérimentale de Targasonne,
dans les Pyrénées-Orientales, n'ouvre ainsi en 1983 qu'avec
une puissance réduite de moitié, pour être fermée
définitivement trois ans plus tard. Le contrechoc pétrolier
de 1986 enterre alors pour près de quinze ans l'effort national
en matière d'énergie solaire.
Et pourtant, l'objectif affiché des
5% de la consommation énergétique assuré par le solaire
en 2000 a été tenu. Pourquoi? Parce que les experts du Comes
avaient considérablement surestimé - 350 MTEP attendus, soit
100 de trop - la consommation énergétique en l'an 2000,
notamment parce qu'ils n'avaient pas prévu que la fringale énergétique
de l'industrie allait cesser de progresser.
Résultat: une légère
augmentation de l'utilisation du bois combustible - en partie due aux grandes
tempêtes qui ont ravagé les forêts de l'est du pays
dans les années 1990 - a suffi à faire progresser en pourcentage
la part de l'énergie solaire, sans que les efforts du Comes, intégré
en 1982 à ce qui est aujourd'hui l'Agence de l'environnement et
de la maîtrise de l'énergie (Ademe), y soient pour grand-chose.
Morale
de l'histoire, encore et toujours applicable aujourd'hui: l'énergie
solaire, c'est bien; la sobriété énergétique,
c'est mieux.
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