Le pic spectaculaire qu'a connu
le baril de pétrole en 2007 et 2008 a accéléré
les efforts de recherche en vue du développement de nouveaux biocarburants.
Différentes filières comme l'huile (palme, tournesol...),
l'alcool (betterave, maïs) et le biogaz (boues, lisiers) se développent
actuellement. Cependant, ces biocarburants dits de "première génération"
présentent un inconvénient de taille, car ils sont en compétition
directe avec les cultures destinées à l'alimentation et ne
sont pas sans impact sur la biodiversité des écosystèmes.
Une nouvelle filière de biocarburants dits de "deuxième génération" est en plein développement autour de nouvelles sources de biomasse à base de lignocellulose (paille, peuplier, et résidus lignocellulosiques issus des industries de l'agriculture, de la sylviculture et du bois). Cette filière offre des perspectives intéressantes avec de meilleurs rendements et conditions environnementales. Parmi les développements en cours, les industriels se tournent de plus en plus vers une filière de biocarburants de "troisième génération" à base de microalgues, et présentée comme la source de biomasse capable d'offrir les meilleurs rendements. Les microalgues sont des organismes microscopiques riches en lipides et se développent par photosynthèse en eau douce ou en eau de mer selon les espèces. Elles présentent à l'échelle du laboratoire des avantages très attractifs qui en ont fait un véritable «or vert»: * les rendements en lipides seraient 30 fois supérieurs aux cultures oléagineuses telles que le tournesol ou le colza, * leur culture en photobioréacteurs n'a pas d'impact sur l'environnement (non utilisation de pesticides) et permet de recycler les nutriments nécessaires à leur croissance (phosphore et azote), * enfin, le problème des surfaces cultivables disparaît puisque ces organismes se développent dans l'eau. Les microalgues sont considérées comme la filière d'avenir par de nombreuses start-up américaines en pleine croissance. La plus connue d'entre elles est GreenFuel Tech qui développe des procédés pour la production de microalgues. L'engouement a même gagné les pétroliers comme Chevron et Shell. Récemment, Boeing a commencé une collaboration avec Virgin Fuels et General Electric pour développer un nouveau biocarburant à base de microalgues. La France participe également à cette ruée vers l'or vert avec le projet SHAMASH dirigé par Olivier Bernard, chercheur à l'INRIA. Les microalgues peuvent intervenir dans la production de trois types d'énergie: l'hydrogène, les biocarburants ou les biogaz. Mais quelles sont les performances réelles des micro-algues et quel est le degré de maturité de chacune de ces filières? - Sous certaines conditions de stress (manque de soufre ou d'oxygène), les microalgues peuvent produire de l'hydrogène. Actuellement, moins de 3% de l'énergie lumineuse totale est transformée en hydrogène. Pour être rentable, cette voie nécessite un rendement de 10%, et la production d'hydrogène à partir de microalgues pourrait y contribuer. Les chercheurs comptent sur des mutations génétiques pour créer des microalgues plus efficaces. Par exemple, en France, le laboratoire de bioénergétique et biotechnologie des bactéries et microalgues du CEA travaille actuellement sur ce sujet. (suite)
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- La production de biocarburants par les microalgues est la voie la plus médiatisée, mais elle compte encore de nombreux défis à relever. L'un des premiers challenges consiste à identifier les microalgues les plus riches en lipides parmi les quelques millions d'espèces existantes. Dans des conditions de stress en azote, la production lipidique peut atteindre 75% pour la Botryococcus braunii. Cependant, stresser les algues ralentit leur croissance. Un autre défi à prendre en compte est l'optimisation de l'extraction des lipides qui demeure une étape encore trop négligée. Les techniques de pressage sont en effet inefficaces; l'extraction de l'huile est réalisée à l'hexane, ce qui n'est compétitif ni au niveau économique ni au niveau environnemental. Des recherches sur l'extraction sont actuellement en cours: la société Valcobio, un des partenaires du projet SHAMASH travaille sur des techniques d'extraction sans produits chimiques. Enfin, les rendements de production des algues sont encore trop faibles à l'échelle industrielle. «Pour devenir compétitive, la production d'algues devrait être de 100 g par m2 par jour, soit trois fois supérieure aux rendements actuels» estime Nadia BOUKHETAIA, consultante au sein de la Business Unit Chimie, Matériaux et Energie. - Le dernier type d'énergie que peuvent produire les microalgues est le biogaz. Celles-ci se révèlent particulièrement adaptées à cette application. Après fermentation dans un digesteur, elles génèrent un biogaz composé de 70 à 80% de méthane, les autres gaz étant du CO2 et du N2. Cette technologie datant des années 40 a été développée par le Professeur William J. Oswald de l'Université de Berkeley en Californie. Elle a cependant été abandonnée dans les années 80 au profit des biocarburants plus à la mode et est réétudiée depuis une dizaine d'années. En effet, cette filière est actuellement la voie de production d'énergie à partir de microalgues la plus simple et la plus rentable à court terme. Elle peut être particulièrement efficace lorsqu'elle est associée à d'autres procédés. Si cette technologie est associée à une centrale thermique, les microalgues séquestrent le CO2 et utilisent la chaleur produite pour leur croissance. Le biogaz produit est alors directement réinjecté dans les brûleurs de la centrale. Cette technologie peut aussi être associée à une station d'épuration où les microalgues utilisent les nutriments comme l'azote et le phosphore pour leur croissance. Qu'il s'agisse de la production hydrogène, de biocarburants, ou de biogaz à partir de microalgues, un certain nombre de défis restent à relever qui nécessitent encore des travaux de recherche et développement importants. "L'industrialisation de l'énergie à partir de microalgues ne pourra se faire qu'à condition que de nombreuses compétences collaborent pour lever les barrières existantes : génie génétique, phycologie, biochimie, pétrochimie. Les experts mondiaux sont peu nombreux et les savoir-faire ont tendance à se disperser. Il est nécessaire qu'en Europe, des collaborations fortes entre industriels et chercheurs de ces différents domaines voient le jour comme aux Etats-Unis pour participer à la ruée vers l'or vert", conclut Vincent PESSEY, Responsable de Missions de la Business Unit Chimie, Matériaux et Energie. |