Le Dr. Chu classe ces obstacles
en quatre catégories. La première concerne la principale
source d'hydrogène (H2) aujourd'hui disponible, produit
à partir de gaz naturel. Cette option met à mal la revendication
de zéro émission souvent attachée aux piles à
combustible. En pratique, cela signifie zéro émission par
les tuyaux d'échappement. Quant à zéro émission
en tout, on est loin du compte.
Cela vaut pourtant le coup de réfléchir
aux autres utilisations possibles du gaz naturel. Nous pourrions le comprimer
et le brûler dans un moteur à combustion interne modifié.
L'idée n'est pas aussi folle que certains le suggèrent dans
la mesure où elle peut réduire la consommation pétrolière
et réduire les émissions de 15 à 20% par rapport à
une voiture conventionnelle, sur la base de well-to-wheels (du
puits à la roue), sur un cycle de vie. Nous pourrions aussi
utiliser le procédé Fischer-Tropsch pour transformer le gaz
naturel en diesel synthétique de première qualité,
mais la réduction des émissions serait moindre car l'efficacité
supérieure d'un moteur diesel est largement compensée par
l'énergie perdue dans la synthèse du carburant.
Le problème du stockage de l'hydrogène
Nous pourrions également produire
de l'hydrogène, ce qui, comme le relève le Dr Chu, suppose
de gaspiller près d'un tiers de l'énergie originelle dans
le gaz lorsque l'hydrogène est comprimé. Cette dernière
solution est pourtant la seule, en dépit du coût énergétique
élevé payé lors de la production d'hydrogène,
qui permet de réduire de moitié les émissions au cours
d'un cycle de vie complet du véhicule, dans la mesure où
produire de l'électricité dans une pile à combustible
est de loin plus efficace que brûler du carburant dans un moteur
à combustion interne. Ce n'est pas parfait mais c'est loin d'être
catastrophique, et aucun miracle n'est requis pour fabriquer de l'hydrogène.
Le défi n°2 concerne le
stockage de l'hydrogène et là, c'est une autre paire de manches.
Je ne suis pas très enthousiaste à l'idée de transporter
du gaz comprimé à 5.000 ou 10.000 PSI dans une voiture où
se trouve ma famille, et cette peur n'a rien d'irrationnel. De plus, je
ne pense pas que le Dr Chu ait entièrement raison lorsqu'il dit
que «l'hydrogène comprimé est le meilleur mécanisme».
ECD, une entreprise dans laquelle mon ancien
employeur avait investi, possède une technologie de stockage d'hydrogène
sous forme d'hydrures métalliques et on trouve aujourd'hui des canettes
qui utilisent cette technologie. L'avantage de ce système, c'est
qu'il ne demande pas une pression élevée. Le désavantage,
c'est que ces hydrures sont lourds, un inconvénient partagé
par les batteries NiMh (nickel métal hydrure) utilisées dans
la Toyota Prius et d'autres hybrides non rechargeables. Aucun de ces systèmes
ne stocke l'énergie à une densité équivalente
à l'essence, pas plus d'ailleurs que les batteries Lithium-ion.
Le défi de la distribution
Le troisième défi concerne
la distribution et il est pour le coup décourageant. Transporter
l'hydrogène dans des camions citernes tube-trailers convient parfaitement
pour des stations de ravitaillement d'essai, mais ne peut être étendu
à des millions de voitures. Cela peut être évité,
car les reformers qui extraient l'hydrogène du gaz naturel peuvent
être construits à l'échelle d'une station service qui
tire sa matière première des conduites de gaz locales.
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Installer un tel équipement dans des
milliers d'endroits peut sembler une tâche gigantesque, mais la même
chose est vraie de l'installation de pompes à E85 dans 10% des stations
services, contre 2.000 aujourd'hui. Pour moi, une distribution efficace
de l'hydrogène en termes de coût relève de l'ingénierie
et de l'économie, non de la science.
Reste le seul point dans la liste du Dr Chu
qui puisse effectivement rentrer dans la catégorie de miracle, défi
n°4: ramener le prix d'une pile à combustible à un
niveau comparable à celui d'un moteur à combustion interne,
ou du moins à un prix qui ne soit pas inabordable pour une voiture
à pile à combustible. Les piles à combustible coûtent
encore aujourd'hui plus de 1.000 $/kW, ce qui signifie que les seules piles
à combustible pour une voiture coûteraient plus cher qu'une
voiture de luxe aujourd'hui.
L'hydrogène n'est qu'un vecteur d'énergie
Les prévisions selon lesquelles ce
prix tomberait plus ou moins au niveau des 35 $/kW auxquels revient aujourd'hui
une voiture restent toutes théoriques et s'appuient principalement
sur une analogie avec la courbe d'apprentissage dans les autres industries.
Etant donné l'état actuel de l'industrie automobile, les
fabricants seront déjà suffisamment à la lutte, ne
serait-ce que pour absorber le coût initial élevé pour
produire des voitures hybrides rechargeables sur une petite échelle,
sans endurer des pertes de dizaines de milliers de dollars comme pour la
Honda FCX Clarity. Sans innovation majeure, un tel investissement relèverait
pour le coup véritablement du miracle.
Qu'un ou plusieurs miracles soient nécessaires
pour que les voitures à pile à combustible deviennent une
réalité, je ne peux qu'être d'accord avec le Dr Chu
lorsqu'il conclut que leur commercialisation n'est ni imminente ni tenue
pour assurée. Il est important de rappeler que l'hydrogène
n'est qu'un vecteur d'énergie, comme l'électricité,
et non pas une source d'énergie comme le pétrole ou les biocarburants.
Les voitures à batterie électrique,
y compris les hybrides rechargeables, constituent aujourd'hui une valeur
sûre. Pour les battre, les piles à combustible pour automobiles
doivent coûter moins cher qu'une batterie avec une autonomie de 400-480
km, car sous tous les autres aspects, une voiture à pile à
combustible est une voiture électrique.
Toutefois, nous devons garder en tête
qu'une valeur sûre n'est pas toujours la bonne solution. Réduire
la R&D fédérale pour les piles à combustible pour
permettre de donner la priorité à d'autres options intelligentes
à plus brève échéance semble prudent, à
condition de ne pas abandonner totalement l'option des piles et de ne pas
nous laisser dépasser par d'autres dans la compétition.
Par Geoffrey Styles, gérant de GSW Strategy
Group, LLC, une firme de consultants sur l'énergie et les stratégies
environnementales. Il a également un blog: Energy Outlook.
http://energyoutlook.blogspot.com/
Lire l'interview de Stephen Chu dans Technology review
http://beta.technologyreview.com/ |