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DEVELOPPEMENT
Sénégal: de "l'énergie propre" avec des ordures et une vieille centrale
ADIT, septembre 2008

     Aménager une vieille centrale à vapeur et exploiter 475.000 tonnes d'ordures produites par an à Dakar pour produire de l'électricité, c'est ce que veulent faire des Sénégalais: deux projets sur plus de vingt élaborés dans ce pays pour obtenir de "l'énergie propre".
     Pour y arriver, on peut "utiliser des énergies perdues", dit à l'AFP Massamba Thioye, spécialiste des questions d'énergie et d'environnement, portant lunettes rondes et boubou blanc empesé.
     Son exemple, c'est la centrale à vapeur de la Société nationale d'électricité (Sénélec) à Bel-Air (centre-est de Dakar).
     Cette infrastructure, d'une puissance totale de 86,2 mégawatts, "est la plus ancienne du système national", selon la Sénélec.
     Elle dispose notamment d'"une turbine à gaz à cycle ouvert" de 35 MW, mise en service en 1999 et que M. Thioye rêve de voir aménagée pour fabriquer de l'électricité écologique.
     "Ceci permettrait de produire 12 MW supplémentaires que la Sénélec peut remettre dans son réseau, ce qui réduirait les "délestages" qu'on vit actuellement", affirme-t-il, évoquant les coupures de courant récurrentes dans le pays.
     Dotée d'équipements vétustes pour la plupart et en proie aux effets de la flambée du prix du pétrole, la Sénélec peine à couvrir sa propre production (293,8 MW) et à payer les sociétés privées qui la fournissent (218,3 MW) sur son réseau interconnecté.
     Pour obtenir du courant supplémentaire avec la turbine à gaz de Bel-Air, deux options existent.
     "La première (...) consiste à placer une chaudière au niveau des fumées chaudes, récupérer la chaleur et produire de l'électricité additionnelle", pour "environ 12 millions de dollars", explique l'expert.
     Seconde possibilité: "installer simplement une chaudière sur le courant de gaz chaud, récupérer la chaleur pour produire de la vapeur, que la Sénélec pourrait vendre aux sociétés qui sont à côté d'elle. Il faudra compter (...) moins de 3 millions de dollars", ajoute-t-il, révélant s'activer pour obtenir des moyens dans ce sens.
     Un autre projet "d'énergie propre" au Sénégal est celui de la récupération de méthane, sur la décharge à ciel ouvert de Mbeubeuss (27 km de Dakar), que défend Massamba Ndour, de la Direction nationale de l'Environnement.
     Il s'agit de recueillir le gaz qui se dégage des détritus, en utilisant notamment des tuyaux en plastique, sur ce site de 76 hectares recevant chaque année 475.000 tonnes d'ordures.
     L'initiative, "à un stade très avancé", vise à réduire les émissions de dioxyde de carbone (CO2) du pays de près de 1,5 million de tonnes équivalent CO2 (tCO2eq) en dix ans, précise M. Ndour.
     Elle est l'un des 21 projets présentés par le ministère sénégalais de l'Environnement, en marge d'un "forum du carbone en Afrique" (Africa Carbon Forum, 3-5 septembre) à Dakar.
     Tous ces programmes entrent dans le cadre du Mécanisme de développement propre (MDP), opérationnel depuis 2006, cherchant à diminuer les émissions de gaz à effet de serre dans le monde à l'horizon 2012.
     Grâce aux projets MDP, le Sénégal peut "capter des ressources additionnelles", affirme Massamba Thioye, également co-auteur d'un rapport intitulé "Projets énergétiques propres pour le développement de l'Afrique subsaharienne", publié lundi par la Banque mondiale.
     Selon lui, l'Afrique subsaharienne a un fort potentiel --actuellement sous-exploité-- pour attirer l'argent généré par le "marché du carbone" où, comme en bourse, s'échangent des droits d'émission de CO2.
     Les transactions portent sur des milliers de tCO2eq, à environ 12 € le "certificat de réduction d'émission" pour une tCO2eq, explique-t-il, ce qui représente "des flux financiers énormes".