Chassés par l'expansion pétrolière
de leurs tranquilles bourgades de pêcheurs sur le Nil, des villageois
dans le sud du Soudan accusent la raffinerie toute neuve de les contraindre
à l'exil, de ravager l'environnement et de propager des maladies.
Les écologistes renchérissent:
l'arrivée dans l'Etat d'Unity, en 2006, de la Société
pétrolière du Nil blanc (WNPOC), filiale du groupe indonésien
Petronas, menace les marais du Sud, la plus grande superficie au monde
de marécages.
Les villageois affirment avoir été
chassés par milliers, pour faire place à l'industrie du pétrole
brut dans le sud et le centre du pays.
"Depuis 2006, 27 adultes et trois enfants
sont morts, empoisonnés par l'eau contaminée par le pétrole",
accuse Paul Bol Ruoth, administrateur du comté de Koch, à
70 km de la capitale de l'Etat, Bentiu.
Les tentatives pour obtenir un commentaire
de la WNPOC sont restées vaines, mais les autorités locales
confirment qu'un millier d'habitants des environs souffrent de maladies
non identifiées et que la compagnie pétrolière n'a
versé des indemnités que pour trois cas de décès.
Malgré les sanctions internationales,
à l'initiative des Etats-Unis, pour pousser le Soudan à stopper
l'effusion de sang dans la région du Darfour, l'investissement direct
étranger dans le pays n'a cessé de progresser. Il a atteint
2,3 milliards de dollars en 2006, sept ans seulement après le début
des exportations de brut, et à l'initiative des économies
asiatiques aux grands besoins énergétiques, Chine et Malaisie
en tête.
"La compagnie (WNPOC) n'a aucun droit.
Ce sont les habitants qui ont le droit sur leur terre parce que qu'ils
ont besoin de pâturages et d'eau potable", affirme Paul Bol Ruoth. |
"Depuis que l'eau est contaminée,
nous avons perdu plusieurs vaches et chèvres", ajoute un vieil
homme, qui ne veut pas révéler son nom aux journalistes de
passage.
"On a besoin d'aide", poursuit-il en
désignant les fumées s'échappant de la raffinerie
Thar Jath, qui porte le nom de l'ancien village évacué par
la population et situé au coeur des marais, partiellement drainés.
Les villageois peuvent être impressionnés
par les nouvelles routes et les câbles électriques, mais ils
ont vu peu d'amélioration de leurs conditions de vie.
"Le développement qui nous est promis
ne nous intéresse pas. Tout ce que nous voulons, c'est notre vieux
et sain environnement", dit Peter Riek Gieng, 25 ans et au chômage.
Selon une ONG présente localement,
Signe
d'espoir, la teneur très élevée en nitrates dans
l'eau en raison des techniques d'extraction du brut "peut avoir de graves
effets, notamment sur les enfants".
"Les enfants de moins de six mois qui boivent
cette eau peuvent devenir très malades, voire mourir", affirme
dans un communiqué le directeur de l'ONG, Reimund Reubelt.
"Nous voyons aussi une catastrophe écologique
naissante pour les marais les plus vastes au monde. Pour assurer la santé
publique, le gouvernement doit améliorer la qualité de l'eau
et, en même temps, empêcher une catastrophe environnementale",
ajoute-t-il.
Dans le village de Riek, où les habitants
ont été relogés après avoir cédé
la place à la raffinerie distante de 6,5 km, des enfants jouent
autour d'un puits abandonné en raison de son eau polluée.
Un employé de la raffinerie dit avoir
vu d'autres travailleurs pétroliers jeter des déchets dans
un puits à proximité, qui, en saison des pluies, devrait
déborder et polluer les terres du village.
"Si le gouvernement ne nous entend pas,
on va faire comme au Nigeria", menace un villageois, Martin Luang,
en référence à la vague d'enlèvements de travailleurs
du secteur pétrolier qui a lieu dans le sud du Nigeria. |