BOGOTA (AFP)
Les grandes villes du continent latino-américain
sont au bord de l'asphyxie, victimes de leur croissance chaotique et des
lobbies de transporteurs, en dépit de mesures parfois radicales,
comme l'interdiction de circuler deux jours par semaine proposée
récemment à Bogota.
La mairie de Bogota, sept millions d'habitants,
1,4 million de voitures, a annoncé dimanche son intention d'interdire
complètement à partir du 6 février la circulation
des véhicules particuliers, deux jours par semaine, entre 06H00
du matin et 20H00, pour éviter une paralysie de la capitale colombienne.
Le maire de gauche Samuel Moreno a assuré
que cette mesure était incontournable, en raison de la construction
de 130 km de voies en partie réservées au transport collectif,
mais le débat suscité est si vif qu'il n'a pas encore signé
le texte d'application.
Aux quatre coins du continent sud-américain,
où 77% de la population est urbaine, les villes ont explosé
sans plan d'urbanisme ni coordination des transports, notamment en raison
de la puissance des lobbies de transporteurs privés qui se mènent
une concurrence féroce et sont opposés à toute régulation.
Ils "représentent des votes",
explique Bernardo Baranda Sepulveda, directeur pour le Mexique de l'Institut
des politiques pour le transport et de développement.
"Les villes les plus problématiques
sont Mexico et Sao Paulo", avec respectivement 20 et 17,5 millions
d'habitants, précise pour sa part Jose Brakarz, expert en développement
urbain à la Banque interaméricaine de développement
(BID).
Contrairement aux métropoles américaines,
les villes sud-américaines restent très centralisées,
ajoute-t-il, ce qui entraîne des gigantesques migrations quotidiennes
entre la périphérie et le centre. |
A Mexico, qui fut dans les années
1980 la ville la plus polluée du monde selon l'Organisation mondiale
de la santé, le temps moyen pour un seul déplacement varie
entre une heure et une heure quarante-cinq.
A Sao Paulo, des records d'embouteillages
- jusqu'à trois heures de suite - sont battus régulièrement,
tandis qu'à Caracas, où 62% des véhicules sont privés,
les experts estiment que chaque automobiliste passe deux à trois
heures par jour dans sa voiture.
Partout, les plus pauvres sont les plus touchés
par la perte en temps et en argent, faute de subvention des transports
collectifs, qui facturent au prix coûtant et absorbent jusqu'à
20% des revenus familiaux.
Le risque, c'est l'asphyxie, ajoute Jose Brakarz
en notant que ces villes ont cessé de croître: "c'est comme
pour le corps humain, il faut permettre au sang de circuler, mettre en
relation les gens et les activités", sinon, la productivité
baisse.
Face à ce danger, des initiatives plus
ou moins réussies se multiplient.
Dans la capitale vénézuélienne,
un nouveau plan, "Caracas en mouvement" est en préparation,
avec des restrictions de circulation qui toucheront 81 avenues.
Mexico applique déjà une interdiction
de circuler, variant en fonction du numéro de plaque, un jour par
semaine.
Buenos Aires a pour sa part mis en
place en 2008 un plan de réorganisation du trafic, qui prévoit
la multiplication de parc-mètres, amendes et policiers.
Plusieurs villes, comme Curitiba (Brésil),
Bogota, Santiago du Chili ou Mexico, développent les couloirs
réservés aux bus, moins coûteux à réaliser
que de nouvelles lignes de métro.
Santiago, a tenté un nouveau système
de transport public, le "Transantiago", en février 2007.
La moitié des 8.000 bus, parfois antédéluviens, ont
été retirés de la circulation, les routes changées
et l'usage du métro encouragé. Mais le système a échoué,
au point de provoquer un remaniement gouvernemental et un retour en arrière,
avec une nouvelle hausse à 6.500 du nombre de bus.
"Il faudra encore attendre dix ans pour
une amélioration et les villes qui n'investiront pas vont suffoquer",
conclut Jose Brakarz. |