L'Etat
encourage de plus en plus les Français à produire leur propre
énergie solaire. Les aides des collectivités se multiplient,
et il est même possible de revendre son énergie à un
fournisseur. Mais, au-delà du prix, ce sont les difficultés
rencontrées par les particuliers qui pourraient les décourager.
La filière semble avoir du mal à répondre à
la demande, et les délais s'allongent.
Une progression annuelle
de 40%. C'est l'évolution impressionnante du secteur du solaire
photovoltaïque en France. Malgré cet essor, la recherche française
dans ce domaine est à la traine, et des scientifiques ont appelé
le gouvernement à maintenir et renforcer son action en faveur d'une
généralisation du photovoltaïque*. Au contraire, on
pourrait croire que le solaire est victime de son succès, et ce
au détriment du consommateur. Complexité administrative,
délais d'installation et de raccordement au réseau, manque
d'expertise... Pour le particulier, le passage au photovoltaïque fait
parfois office de parcours du combattant. Malgré les aides financières
nombreuses, ces obstacles pourraient décourager les aspirants aux
énergies renouvelables.
Tout est fait pour pousser
les Français propriétaires de leur logement à s'équiper
en installations solaires. Le «Plan Soleil», mis en place en
1999 par l'ADEME, a permis de relancer la croissance du solaire thermique,
qui permet de chauffer bâtiments et eau. Pour améliorer la
qualité des prestations d'installation des équipements, l'ADEME
a également fondé Qualisol. Aujourd'hui géré
par l'association Qualit'EnR, qui réunit syndicats, industriels
et installateurs, Qualisol est une marque (et non un label, au sens strict)
accordée aux installateurs qui répondent à des critères
précis. En plus d'auditer les installateurs tous les trois ans,
l'organisme forme les formateurs qui les conseillent.
Assurer la qualité et satisfaire la
demande
Devant l'explosion de
la demande, de plus en plus de chauffagistes s'improvisent professionnels
des énergies renouvelables. «L'installateur-chauffagiste
lambda pense tout savoir sur le solaire, mais ce n'est pas vrai»
affirme André Joffre, président de Qualit'EnR. D'autant plus
que le domaine est en constante évolution, et que les innovations
techniques se multiplient. Outre l'aspect pratique de la mise en place
des équipements, il y a la part d'expertise. «90% des clients
ne savent pas quelle est la consommation énergétique de leur
logement» déplore Jean-Gérard Ploteau, installateur
à Montreuil. «La qualité du conseil est essentielle,
sinon le consommateur risque de se faire avoir».
Parmi les méthodes
d'encouragement, la plus plébiscitée reste le crédit
d'impôts «en faveur du développement durable et des
économies d'énergie». Créé par la
loi de finances de 2005, il permet pour un ménage de réduire
le poids de l'investissement dans les équipements solaires. En pratique,
l'installation
d'un système solaire thermique est rentabilisée en 7 à
13 ans, ce qui est relativement long. Cette durée passe à
10 à 15 ans pour le solaire photovoltaïque, qui permet,
lui, de produire de l'électricité, et non de la chaleur.
En plus du crédit d'impôts, un nombre croissant de collectivités
territoriales accordent des aides aux particuliers. |
Mais
l'intérêt principal du photovoltaïque reste la vente
de l'électricité produite à un réseau:
EDF, Enercoop, etc. L'énergie fournie au réseau en métropole
est payée 30 centimes € par kWh; lorsque les panneaux photovoltaïques
sont intégrés dans la construction (toit, mur, etc), ce prix
est majoré de 25 centimes. En théorie, l'avantage de raccorder
son système photovoltaïque au réseau est d'éviter
les frais, plutôt élevés, liés au stockage de
l'énergie dans des batteries au plomb.
Parcours du combattant
L'offre est donc alléchante,
mais la route vers le solaire est sinueuse. Pour commencer, il faut obtenir
un permis de construire ou une autorisation de travaux de la municipalité,
puis lancer les démarches pour obtenir les subventions. Mais c'est
le raccordement au réseau qui pose le plus d'embûches. Le
réseau Energi'c de l'association Consommation, logement et cadre
de vie (CLCV) dresse un constat plutôt décourageant. «Comptez
au total 5 à 6 mois, plus en période de vacances»
annonce l'organisation. Il faut en effet établir un contrat d'achat
avec EDF, en passant par la Direction de la demande et des marchés
énergétiques (DIDEME) au ministère de l'Industrie,
et par la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et
de l'environnement (DRIRE).
En attendant d'obtenir
tous les documents administratifs, «il est interdit de faire fonctionner
son installation en autoconsommation» explique le CLCV. C'est
ensuite l'ERDF (Electricité réseau distribution France) qui
délivre le contrat de raccordement. Le plus dur reste à venir:
l'attente pour les travaux de raccordement proprement dits. Les techniciens
ne se déplacent souvent que plusieurs mois après la demande.
«On estime que, dans certaines régions de France, l'attente
est de près de deux ans, contre six mois en Allemagne par exemple»
explique Wolfgang Palz, président pour l'Europe du Conseil mondial
pour les énergies renouvelables (World Council for Renewable Energy).
Aujourd'hui, la France produit 46.000 MWc** d'énergie photovoltaïque,
dont la moitié est renvoyée vers le réseau. 100 MWc
sont par ailleurs en attente de raccordement.
Pour atteindre les objectifs
prévus par le Grenelle, en l'occurrence une multiplication par 100
(!) de la production d'énergie solaire d'ici 2020, la France doit
passer la vitesse supérieure. De nombreux projets de centrales au
sol et sur les toitures sont en cours, mais le retard est conséquent.
En comparaison avec l'Allemagne, où le secteur du photovoltaïque
représente 30.000 emplois directs ou indirects, les 3.000 postes
français font pâle figure. Les difficultés des particuliers
prouvent que, ici encore, la population a réagi plus rapidement
que les administrations.
* «Appel
des scientifiques pour une accélération du développement
de l'énergie solaire photovoltaïque à l'échelle
mondiale» à l'initiative de Daniel Lincot, directeur
de recherche au CNRS, et de l'Observatoire des énergies renouvelables
(Observ'ER)
** Wc: watt crête, unité définissant
la puissance normalisée d'un panneau photovoltaïque, correspondant
à la puissance délivrée sous un éclairement
solaire normalisé de 1.000 W/m. |