L'hydrogène
est l'un des carburants du futur. Cependant, son stockage pour alimenter
des voitures ou des ordinateurs portables de façon fiable et efficace
reste un problème important à résoudre. D'après
des chercheurs de l'Université Rice, certains fullerènes
permettraient d'atteindre ce but. La densité de l'hydrogène
stockée dans un buckminsterfullerène approcherait alors celle
régnant au cœur de Jupiter!
Imaginons que l'on veuille
remplacer l'essence de nos voitures par de l'hydrogène, quelles
sont les performances à atteindre? Il faut savoir qu'un gramme d'hydrogène
gazeux suffirait pour déplacer une automobile de taille moyenne
sur une distance de 100 mètres. Mais dans les conditions de température
et de pression ordinaires, un tel gramme occupe 22,4 litres!
Un rapide calcul montre
que pour effectuer un trajet de 400 à 500 kilomètres, il
faudrait disposer de 4 à 5 kg d'hydrogène, soit presque 100.000
litres pour une seule voiture dans les conditions normales de température
et de pression.
La solution qui vient
à l'esprit est de stocker cet hydrogène sous forme liquide,
donc à une température inférieure à 20 K, ou
bien sous forme gazeuse, mais à des pressions de plusieurs centaines
d'atmosphères. Aucune de ces options n'est vraiment idéale...
Il existe pourtant une
troisième possibilité, et c'est celle que Boris Yakobson
et ses collègues Olga V. Pupysheva et Amir A. Farajian ont étudié
plus en détail sur ordinateur, à l'aide d'une simulation
de dynamique moléculaire.
On savait déjà
depuis longtemps que les molécules de buckminsterfullerène
(en anglais buckyball), à soixante atomes de carbone (découvertes
d'ailleurs à l'Université de Rice, là où Yakobson
enseigne), pouvaient stocker de 23 à 25 molécules d'hydrogène.
On pouvait donc imaginer un stockage facile et sûr de l'hydrogène,
sous forme d'une poudre, en le piégeant dans ces grosses molécules
à peu près sphériques.
Il restait encore à
savoir si l'on pouvait entasser plus de 25 molécules d'hydrogène
dans ces grosses molécules en C60, une condition indispensable
pour détrôner les moteurs à essence de nos voitures.
En l'absence de données expérimentales, les simulations numériques
ont montré, à la grande surprise des chercheurs, que cela
était non seulement possible mais que la relation entre la taille
du fullerène considéré et le nombre de molécules
d'hydrogène stockées était extrapolable à d'autres
cages moléculaires que les C60. |
De l'hydrogène métallique comme
au cœur de Jupiter?
Ainsi, les chercheurs
ont découvert une relation générale entre la pression
interne du gaz à l'intérieur de la cage moléculaire
et son volume, quel que soit le rayon de la cage.
Dans le cas des buckminsterfullerènes,
il semblerait que l'hydrogène cesse d'exister sous forme moléculaire
lorsque l'on dépasse 20 atomes d'hydrogène environ et que
des liaisons covalentes avec les atomes de carbone se forment.
Des atomes d'hydrogène entassés
dans des fullerènes. La pression est telle que l'hydrogène
devrait presque se présenter sous forme métallique comme
il semble l'être au centre de Jupiter (vue d'artiste). Crédit
: Rice University
On peut alors grimper
jusqu'à 58 atomes dans une seule molécule de C60
et à plus de 800 dans un fullerène C720. Ce qui
stupéfie les chercheurs c'est que, si l'on calcule la pression atteinte
dans ces cages moléculaires, on trouve que l'on s'approche de près
de celle à laquelle l'hydrogène devient métallique,
c'est-à-dire précisément ce qui se passe vers le centre
de Jupiter et de Saturne! Une preuve de plus des remarquables propriétés
de résistance mécanique des fullerènes et plus généralement
des molécules parentes que sont les nanotubes.
Il reste cependant deux
étapes cruciales à franchir avant de disposer de voitures
roulant à l'hydrogène. Ces résultats théoriques
doivent d'abord être vérifiés expérimentalement.
Il faut ensuite, et surtout, trouver le moyen d'injecter des molécules
d'hydrogène dans des fullerènes et de les libérer
à volonté. Ensuite, il faudra passer du stade de prototype
de laboratoire à celui de la production à l'échelle
industrielle.
Représentation d'une simulation d'un
C60. Crédit : Dr. Pupysheva
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