Les lacs et les rivières
rejettent des quantités monstres de gaz carbonique dans l'atmosphère.
Personne ne l'avait encore soupçonné!
La mesure clé dans l'étude des
changements climatiques, c'est le bilan de carbone. On découvre
à présent une faille énorme dans cette équation
que les scientifiques pensaient maîtriser. Sur les six gigatonnes
de gaz carbonique produites chaque année par les activités
humaines, environ la moitié finit dans l'atmosphère, le reste
étant absorbé par les océans ou, sur la terre ferme,
par les végétaux. Le rôle des lacs et des rivières
dans tout ça? Négligeable, a-t-on toujours cru: des «gouttières»
qui acheminent une partie du carbone jusqu'à la mer.
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On ne devra pas pour autant réviser
le bilan planétaire de carbone à la hausse, mais la contribution
des différents écosystèmes à ce total devra
être réévaluée. Autrement dit, la tarte demeure
la même, mais elle sera découpée différemment.
À plus petite échelle, cependant, c'est une autre histoire.
On risque de sérieusement sous-estimer le bilan de carbone d'une
région si on le calcule à partir de mesures terrestres, en
faisant abstraction du carbone rejeté par les plans d'eau. Dans
une région comprenant autant de lacs que le nord du Québec,
par exemple, on pourrait passer à côté d'une somme
considérable d'émissions de gaz carbonique!
Yves Prairie et ses collègues états-uniens, suédois, finlandais, néerlandais et espagnols sont arrivés à ces conclusions en examinant les chiffres disponibles dans la littérature scientifique et en refaisant les calculs. L'équipe a eu droit à d'autres surprises depuis la publication de ses travaux dans la revue Ecosystems. «On a recalculé la surface occupée par les eaux intérieures sur la planète. On est passé d'environ 2,5 millions km2 à près de 4 millions km2, simplement en tenant compte de tous les petits lacs. Cela gonfle d'autant plus leur apport au cycle du carbone.» Prochaine étape: raffiner les mesures pour les différents types de plan d'eau, des grands lacs salés jusqu'aux… étangs agricoles! Ces derniers, eux aussi longtemps négligés à cause de leur petite taille, s'avèrent finalement de gros «mangeurs» de carbone. «Ils en accumulent des quantités faramineuses, entre autres parce que ce sont des eaux stagnantes qui reçoivent énormément de matière organique.» Et dire qu'on appelle ça de l'eau douce... |