Quelques degrés en plus,
et c'est tout qui se dérègle... Telle est en tout cas l'analyse
d'experts européens qui ont examiné l'impact possible du
changement climatique sur la sécurité. Ce rapport sera remis
aux dirigeants européens.
Les dirigeants européens recevront,
la semaine prochaine à Bruxelles, un rapport alarmiste sur les risques
de sécurité qu'entraînent dans le monde les changements
climatiques.
Ce rapport, rédigé conjointement
par une dizaine de personnes sous l'autorité du Haut représentant
Javier Solana et de la Commission européenne, inspiré de
travaux scientifiques déjà parus, estime notamment que même
si les émissions de gaz descendaient en 2050 à la moitié
du niveau de 1990, une hausse de la température de deux degrés
"sera difficile à éviter" et "posera de sérieux
risques de sécurité".
Ce rapport est "une référence,
qui doit aider à prendre conscience" des risques majeurs que
pourrait connaître la planète et aider les Européens
à prévenir ces dangers, estime une personne qui a participé
à la rédaction de ce rapport de sept pages, intitulé
"Climat change and international security". "Ce qui est vraiment
critique, c'est la façon dont les gouvernements européens
vont réagir au changement climatique", ajoute-t-elle.
Les menaces potentielles
Les analystes européens estiment que
sept menaces sont à prendre en considération:
1) Des conflits liés à la raréfaction
des terres arables, de l'eau et des stocks de poisson;
2) Des dommages à l'économie
mondiale du fait que la montée des eaux pourrait endommager les
mégavilles qui sont installées en bord de mer. "Les côtes
Est de la Chine et de l'Inde de même que la région des Caraïbes
et l'Amérique centrale pourraient être particulièrement
affectées";
3) Davantage de disputes territoriales sur
terre et sur mer;
4) Des mouvements de migration, notamment
vers l'Europe;
5) Des tensions ethniques et religieuses,
de la radicalisation, dans les pays confrontés à ces pénuries;
6) L'accroissement des conflits liés
à la raréfaction des réserves de pétrole et
de gaz;
7) Du ressentiment à l'égard
des pays pollueurs, en ce compris les nouveaux venus, la Chine et l'Inde. |
Les zones à risques
L'Europe, selon le rapport, ne risque pas d'être
engloutie sous les eaux, mais dépend largement de ses voisins, en
ce qui concerne l'énergie, les pressions migratoires et, dans certains
cas, l'eau.
Les analystes européens identifient
six régions à risques:
1) L'Afrique est le continent le plus
vulnérable. "En Afrique du Nord et au Sahel, la sécheresse
croissante, la rareté de l'eau et la surutilisation des terres pourraient
dégrader les sols et conduire à une perte de 75% de la terre
arable, irriguée", estime le rapport;
2) Le Moyen-Orient est déjà
sous stress en ce qui concerne ses réserves d'eau. Grosso modo deux
tiers du monde arabe dépend de sources extérieures à
ses frontières. L'approvisionnement en eau d'Israël pourrait
baisser de 60% au cours du siècle;
3) L'Asie du Sud pourrait connaître
de gros dégâts à cause de la montée des eaux.
Près de 40% de la population - soit presque deux milliards de personnes
- vit à 60 km des côtes. La perte de la productivité
agricole qui en résultera pourrait rendre difficile la fourniture
de vivres à une population qui grandit vite;
4) L'Asie centrale est déjà
en proie à des difficultés en raison des pénuries
d'eau (agriculture, barrages hydroélectriques). "Les glaciers
au Tadjikistan ont perdu un tiers de leur superficie durant la seconde
moitié du XXe siècle seulement, tandis que le
Kirghizistan a perdu près de mille glaciers en 40 ans", relève
le rapport;
5) L'Amérique latine et les
Caraïbes
sont confrontées à la désertification et aux ouragans;
6) La fonte des glaces dans l'Arctique
ouvre de nouvelles voies navigables et facilite l'exploration pétrolière
dans des régions autrefois inaccessibles. Là aussi, l'enjeu
est considérable. |