Pour éviter
le désastre climatique, des mesures radicales s'imposent: c'est
ce qu'ont affirmé les scientifiques et les urbanistes réunis
fin mai à New York à l'occasion du "World Science Summit**",
soutenu par le Crédit Suisse.
Le physicien Steven
Chu, directeur du Lawrence Berkeley National Laboratory, ne mâche
pas ses mots: "Si nous n'inversons pas la tendance d'ici à 2050,
la production alimentaire diminuera de 20% aux Etats-Unis. Il y aura alors
trop peu de neige sur les montagnes pour irriguer les champs californiens.
L'Amérique aura faim." Selon Steven Chu, Prix Nobel, le dépérissement
des forêts et l'inondation des côtes ne sont pas de la fiction.
"Pour éviter la catastrophe climatique, il faudra une technologie
révolutionnaire." Steven Chu était le premier intervenant
de la table ronde "Radical Science for a Warming Planet". Il a décrit
l'état d'esprit des chercheurs, qui réfléchissent
sans cesse à des projets innovants.
Plantes de synthèse à l'étude
Steven Chu a expliqué
comment les nanotechnologies permettaient de créer de nouvelles
piles solaires. Il a présenté des herbes génétiquement
modifiées fournissant des sucres plus complexes, et donc des biocarburants
de qualité supérieure à ceux tirés du maïs
ou de la canne à sucre. Il a ensuite évoqué des plantes
de synthèse capables de produire de l'énergie via la photosynthèse.
Zhenhua Xie, le ministre
chinois de l'environnement, partage cette opinion. "La croissance
fulgurante du pays n'est pas durable", a-t-il déclaré,
ajoutant que si la Chine ne réagissait pas, le boom économique
causerait des dommages irréparables. Le gouvernement chinois a donc
chargé la société d'ingénierie britannique
Arup de construire une ville
écologique modèle, Dongtan, sur une île proche
de Shanghai. Peter Head, directeur d'Arup, a présenté le
projet et expliqué pourquoi toutes les villes du monde devraient
s'inspirer de Dongtan. "Il y a cent ans, chaque être humain disposait
de huit hectares de terres, contre deux aujourd'hui, et nous faisons comme
si de rien n'était." |
Des cultures en plein cœur des villes
Pas encore assez près,
estime Dickson Despommier. "Pour pouvoir nourrir trois milliards d'hommes
supplémentaires d'ici à 2050, il nous faudra la surface du
Brésil", a annoncé ce professeur de sciences environnementales
à l'Université Columbia. Près de 80% des surfaces
agricoles mondiales étant déjà cultivées, il
propose de faire pousser choux et pommes de terre en plein cœur des villes.
"Il faut produire les aliments là où les gens vivent.
C'est possible, et c'est une nécessité absolue. La nature
ne pourra se rétablir que si nous la laissons tranquille."
Bureaux, logements et… serres
Depuis huit ans, Dickson
Despommier planche avec ses étudiants sur un curieux concept : l'agriculture
verticale. Des gratte-ciel de verre abriteront des bureaux, des logements
et des serres. Les eaux usées urbaines serviront à irriguer
les plantations. Des piles solaires fourniront l'énergie nécessaire
à ces fermes verticales. Il espère pouvoir construire une
première tour à Incheon, près de Séoul, pour
y cultiver du riz et des fraises, mais aussi élever des poulets
et des crevettes.
Tous les intervenants
sont d'accord sur un point: l'impulsion de ces projets révolutionnaires
ne vient pas de l'Etat, mais surtout du secteur privé. "Les investisseurs
ont réalisé qu'avec des idées radicales, ils pouvaient
sauver la planète en gagnant de l'argent", a résumé
Peter Head.
** Fin mai, le "World Science Summit“ parrainé
par le Credit Suisse s’est tenu dans les prestigieux locaux de l’Université
Columbia, à New York. Le débat sur le réchauffement
climatique a rassemblé d’éminents intervenants: Steven Chu,
directeur du Lawrence Berkeley National Laboratory, Prix Nobel de physique;
Peter Head, directeur de la société britannique Arup; Dickson
Despommier, professeur à l’Université Columbia; Andy Karsner,
sous-secrétaire du DOE aux énergies renouvelables; Walter
Isaacson, président et CEO de l’Aspen Institute. |