Good Planet .info – 10/06/2009
Selon les estimations, 50 à 500 millions
de personnes pourraient migrer d'ici à 2050 sous l'effet des inondations,
de la dégradation des sols, des catastrophes naturelles, de la déforestation,
de la construction de grands barrages ou d'accidents industriels. Pourtant,
le statut de ces personnes, appelées aussi réfugiés
de l'environnement ou éco-réfugiés, n'est pas
encore reconnu dans le droit international.
Le Programme des Nations Unies pour l'environnement
(PNUE) définit les réfugiés environnementaux comme
des «personnes forcées à quitter leurs habitations
d'une façon temporaire ou permanente, à cause d'une dégradation
nette de leur environnement (d'origine humaine ou naturelle) qui bouleverse
gravement leur cadre de vie et/ou qui déséquilibre sérieusement
leur qualité de vie».
Historique
D'ores et déjà, des millions
de personnes ont été déplacées pour des raisons
liées à l'environnement. Les inondations de 1998 en Chine
ont donné lieu à des millions de sans abris, la catastrophe
de Tchernobyl a occasionné le déplacement de plus de 100.000
personnes. Les sécheresses d'Afrique ont fait fuir des centaines
de milliers de personnes dans les pays voisins. Les barrages représentent
une cause importante de déplacement: on estime que 40 à 80
millions de personnes ont été déplacées par
la création des réservoirs depuis les dernières cinquante
années et plus d'un million par le barrage des Trois-Gorges en Chine.
[voir dossier "barrages"]
Il ne s'agit pas donc d'un phénomène
marginal. Selon la Banque Mondiale, le nombre total de ces éco-réfugiés
s'élevait en 1995 à 25 millions, alors que l'on comptait
la même année 27 millions de réfugiés fuyant
l'oppression politique, les persécutions religieuses et les problèmes
ethniques.
Crises à venir
Le réchauffement climatique et les
atteintes croissantes à notre environnement devraient donner lieu
à une augmentation considérable du nombre de réfugiés
environnementaux dans les années à venir. Les estimations
divergent. Le nombre de réfugiés écologiques pourrait
doubler de 1995 à 2010 [voir débat]
et avec le réchauffement climatique global, il pourrait même
dépasser les 200 millions de personnes, selon certaines prévisions.
Le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental
sur l'évolution du climat) prévoit que «les effets
de l'évolution climatique retomberont de manière disproportionnée
sur les pays en développement et les pauvres vivant dans tous les
pays, en exacerbant les inégalités concernant l'état
de santé et l'accès à une nourriture adéquate,
une eau propre et d'autres ressources». Les conséquences
des changements climatiques telles que les perturbations du système
des moussons, l'augmentation des sécheresses et la montée
du niveau de la mer pousseront un nombre croissant de personnes sur les
routes de l'exil.
Diversité des cas
Il est important de noter que tous les réfugiés
ne franchiront pas les océans pour trouver un asile dans les pays
d'accueil par manque de moyens financiers. Certains migrants ne se déplacent
que de quelques centaines de kilomètres et certains restent à
l'intérieur de leur pays, souvent dans des conditions précaires.
Ce sont alors des déplacés.
Montée des eaux
Une grande partie de l'humanité vit
sur les littoraux. Les conséquences de l'augmentation du niveau
des mers pourraient être catastrophiques pour ces populations. Au
Bangladesh, la moitié de la population vit dans des zones situées
à moins de 5 mètres au-dessus du niveau de la mer. Différents
scénarii prévoient qu'environ 20% de son territoire s'enfoncera
sous les eaux et 20 à 40 millions d'habitants seront déplacés.
En Afrique, la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques
(CCNUCC) estime que «près de 30% des infrastructures côtières
seraient à risque», et le nombre d'Africains menacés
par les inondations «passera de 1 million en 1990 à 70
millions en 2080». Les pays les plus pauvres ne sont pas les
seuls concernés. En effet, New York, Londres ou Shanghai, par exemple,
sont des villes côtières menacées par la montée
des eaux.
Tuvalu
L'état de Tuvalu est composé
de neuf atolls coralliens, dont le point culminant est situé à
5 mètres de hauteur. Peuplée d'une dizaine de milliers d'habitants,
Tuvalu est menacé par la montée des eaux. Selon les experts,
elle pourrait disparaître d'ici 2050.
Les représentants de Tuvalu ont commencé
à envisager l'émigration de leurs habitants. Ils ont demandé
des visas à l'Australie, qui les a refusés, et à la
Nouvelle-Zélande, qui a accepté d'accueillir certains tuvaliens
sous réserve de certaines conditions [voir débat].
Dans un accord appelé Pacific Access Category (PAC), signé
en 2001, 75 résidents de Tuvalu and Kiribati, et 250 des îles
Tonga peuvent chaque année recevoir une carte de résident.
L'exemple très médiatique de
Tuvalu a contribué grandement à populariser le concept de
réfugiés climatiques. Il a aussi posé la question
de responsabilité. En effet, les petits Etats insulaires du Pacifique
ne produisent qu'une quantité minime de gaz à effet de serre
or ils sont les premiers à pâtir du réchauffement climatique,
conséquence de ces pollutions. Et un pays voisin comme l'Australie,
l'un des plus gros émetteurs de CO2, n'endosse aucune
responsabilité vis-à-vis de ces demandeurs d'asile écologique.
Il a refusé de signer le PAC.
Statut juridique
Actuellement, les réfugiés écologiques
ne sont pas reconnu par le droit international. En effet, on considère
en général qu'ils ne répondent pas aux critères
de la convention de Genève de 1951 – qui considère que les
réfugiés fuient la violence ou la persécution. Cela
étant, résumer ces migrations au seul paramètre écologique
peut être réducteur: les causes sont souvent multiples et
font intervenir à la fois des facteurs économiques et sociaux.
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suite:
De ce fait, aucune grande organisation internationale,
comme le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés
(UNHCR), ne dispose d'un mandat officiel pour assister ces individus.
Aujourd'hui, certains experts plaident pour
la révision de la convention de Genève de 1951 sur les réfugiés
afin de donner un statut juridique aux éco-réfugiés.
D'autres experts considèrent qu'il
est nécessaire qu'une nouvelle convention, spécifique, sur
les réfugiés écologiques soit adoptée internationalement.
La route vers l'adoption d'une convention
internationale risque d'être longue. Comme le montre l'exemple de
Tuvalu, reconnaître que certaines personnes sont des réfugiés
climatiques implique que l'on reconnait une responsabilité et des
responsables ainsi que des engagements financiers et humains importants
sur le long terme. [voir débat]
Les régions affectées
Les déplacements
de populations ont déjà commencé en Afrique subsaharienne,
dans les Etats insulaires du Pacifique Sud et aussi aux Etats-Unis.
Deux ans après le passage de l'ouragan Katrina (août 2005),
la population de la ville n'atteignait que 68% de son niveau d'avant et
160.000 habitants ne sont pas revenus.
Les principales régions affectées
sont les suivantes:
- Le sud du bassin méditerranéen
et le Sahel: le manque d'eau, la chute des rendements agricoles, la
croissance démographique, la précarité des institutions
politiques intensifieront les crises politiques et la pression migratoire.
Quelques exemples déjà en cours, la salinisation de la moitié
des terres arables irriguées du delta du Nil (Egypte), la sécheresse
au Soudan et au Niger.
- L'Afrique australe: le changement
climatique pourrait y affaiblir davantage le potentiel économique
de pays qui comptent parmi les plus pauvres du monde.
- L'Asie centrale: les tensions sur
l'eau seront exacerbées par le recul des glaciers, fragilisant l'agriculture
et la ressource hydrique, conduisant à des tensions politiques et
sociales et des conflits.
- Le sous-continent indien: un retrait
glaciaire dans l'Himalaya mettra en péril l'approvisionnement en
eau pour des millions de personnes, les modifications de la mousson annuelle
auront une incidence sur l'agriculture et la hausse du niveau des mers,
les cyclones menaceront l'habitat autour du très peuplé golfe
du Bengale.
- La Chine: l'augmentation des vagues
de chaleur et des sécheresses aggraveront la désertification
et la pénurie d'eau dans plusieurs régions du pays, s'ajoutant
à la pollution de l'air, de l'eau et la dégradation des sols.
L'élévation du niveau des mers et les plus fréquents
cyclones tropicaux menaceront la côte est.
- Les Caraïbes et le golfe du Mexique,
avec l'augmentation de la fréquence ou de la force des ouragans,
surtout en Amérique centrale.
- Les Andes et l'Amazonie: le retrait
glaciaire dans les Andes aggravera les problèmes d'eau de la région.
La poursuite de la déforestation amazonienne modifiera radicalement
l'environnement de l'Amérique du Sud.
- L'Alaska: l'augmentation de 2 à
4°C des températures enregistrées au cours des dernières
décennies a pour conséquence de modifier l'état des
sols, obligeant les autochtones à quitter leurs villages comme Newtok,
sur la côte ouest, envahi par un torrent d'eau provenant de la fonte
des glaces, ou Shimaref, atteint par l'érosion des côtes de
l'île avec le dégel du pergélisol.
- les îles du Pacifique sud subissent
déjà les conséquences de l'élévation
du niveau de la mer. En août 2005, Lateu, dans l'archipel de Vanuatu,
fût le premier village déplacé à cause de l'élévation
du niveau de l'océan.
Hors convention
Les réfugiés de l'environnement
ne sont reconnus par aucune convention internationale. Le Parlement belge
a voté en 2007 une résolution demandant que la délégation
belge aux Nations Unies pousse à la reconnaissance internationale
du statut de réfugié environnemental. Des résolutions
similaires ont été déposées au Parlement européen
et au Conseil de l'Europe. Une réflexion s'est amorcée au
sein du Haut Commissariat des Nations Unies aux Réfugiés,
sur une éventuelle révision de la convention de Genève
de 1951. En Australie, une proposition de loi a été introduite
par le parti écologiste, demandant la création d'une nouvelle
catégorie de visas. [Débat]
Les déplacés étant en
général réinstallés dans leur pays, des Etats
établissent des plans nationaux de réduction des risques
de migrations: construction d'îles artificielles aux Maldives, développement
de techniques agricoles moins consommatrices d'eau en Afrique, par exemple.
Le Protocole de Kyoto et la Convention cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques prévoit la création de fonds mondiaux,
encore peu mis en œuvre, visant à financer l'adaptation humaine
aux changements climatiques. |
Les îles Sundarbans
Dans cet archipel de plus de cent îles,
dans le delta du Gange, à cheval sur l'Inde et le Bangladesh, les
habitants, menacés par la montée des eaux, ont commencé
à être déplacés. Les îles disparaissent
les unes après les autres: en trente ans, quatre ont déjà
été rayées de la carte, ce qui représente 6.000
déplacés. D'ici à 2020, 15% des terres auront disparu
et 30.000 familles n'auront d'autre solution que de partir. Dans le golfe
du Bengale, le niveau de la mer augmente chaque année de 3,14 millimètres,
contre une moyenne de 2 millimètres dans les autres océans,
essentiellement parce que le réchauffement climatique fait fondre
les glaciers himalayens, qui augmentent le débit du fleuve se jetant
à la mer, face aux îles. |
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