Par Jean Etienne, Futura-Sciences
Alors que le phénomène de disparition
des abeilles semblait épargner le Japon, c'est un effondrement de
50% du nombre de colonies qui vient d'y être constaté.
Au-delà du miel
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Des statistiques imprécises
Paradoxalement, un article publié le 7 mai dernier dans la revue Current Biology par le chercheur argentin Marcelo Aizen et son collègue canadien Lawrence Harden, rédigé sur la base des statistiques de l'Organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO), fait état d'une augmentation de 45% du nombre de colonies d'abeilles à l'échelon mondial. Comment expliquer une telle différence? Il existerait, selon les chercheurs, une évolution très contrastée des populations apicoles au niveau mondial, les réductions – très réelles – constatées aux Etats-Unis et en Europe étant compensées par une hausse importante en Chine, en Argentine et au Canada. «Les tendances enregistrées aux Etats-Unis et en Europe ont été très médiatisées, mais la réalité est hétérogène. Le déclin des abeilles n'est pas un phénomène mondial, et on ne peut pas parler de crise de la pollinisation au niveau global», a expliqué Marcelo Aizen au journal Le Monde, soulignant que cela ne contredit pas l'existence de «véritables problèmes biologiques dans certains pays, mais souligne que les solutions devraient être trouvées au niveau local et non global». Bernard Vaissière, directeur du laboratoire de pollinisation et écologie des abeilles à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) d'Avignon, et qui s'était déjà exprimé dans Futura-Sciences sur le déclin des populations d'abeilles, relativise cet avis et remet en cause la précision des statistiques de la FAO: «Il faut avoir conscience des limites des statistiques de la FAO, qui reposent sur les données fournies par les pays, a-t-il expliqué dans Le Monde. Or, même au niveau national, nous avons le plus grand mal à disposer de données fiables ». Il cite en exemple celui d'apiculteurs perdant brusquement une partie de leur cheptel. Habituellement, afin de subir le moins de pertes de revenus possible, ils remplacent rapidement les colonies mortes. Si le recensement est effectué après ce remplacement, les pertes ne sont pas enregistrées. Il met aussi en cause la façon dont les différents pays communiquent leurs chiffres, parfois avec quelques corrections. Et de citer l'exemple de la Chine, qui surévalue systématiquement les données en matière de pêche. La perspective d'une future crise de la pollinisation n'est toutefois pas écartée. Car même si la population d'abeilles a augmenté depuis 1961 au niveau global, ce qui reste à démontrer, la part des cultures dépendant exclusivement des abeilles pour la pollinisation a augmenté de 300% dans la même période. Dans l'entretien qu'il avait accordé à Futura-Science, Bernard Vaissière citait une étude internationale sur l'importance de la pollinisation par les insectes dans l'agriculture mondiale, un sujet imparfaitement connu. «Seules 25% des cultures n'en dépendent pas du tout (principalement les céréales comme le blé, le maïs et le riz), nous expliquait-il. Au total, c'est 35% de la production mondiale de nourriture qui provient de cultures dépendant de la pollinisation par les insectes. » |