WASHINGTON, AFP
Les manchots empereurs, popularisés
par le film "La marche de l'empereur" en 2005, risquent l'extinction
d'ici la fin du siècle, du moins dans certains de leurs habitats,
en raison du réchauffement de la planète, selon une étude
publiée mardi aux Etats-Unis.
Si le changement climatique continue de faire
fondre les glaces dans l'Antarctique au rythme prévu dans le dernier
rapport du Groupe inter-gouvernemental d'experts sur le changement climatique
(GIEC), la population d'une grande colonie de manchots empereurs en Terre
Adélie va probablement passer de 3.000 aujourd'hui à seulement
400 couples capables de se reproduire, estiment ces chercheurs.
Selon les différents modèles
mathématiques utilisés par ces scientifiques et basés
sur des données historiques remontant aux années 60, il y
a au moins 40% de probabilités que cette population connaisse une
diminution drastique de 95%, voire davantage.
Une telle baisse du nombre des manchots dans
ces zones les mettraient en grand danger d'extinction, estime Stéphanie
Jenouvrier de l'institut de recherche américain Woods Hole Oceanographic
Institution et l'une des cinq co-auteurs de cette étude parue dans
la dernière édition des Annales de l'Académie nationale
américaine des sciences (PNAS) datée du 26 janvier.
Cette étude s'est concentrée
sur les fluctuations climatiques qui réduisent la superficie des
glaces, explique Hal Caswell, un autre co-auteur.
La banquise joue un rôle essentiel dans
l'écosystème antarctique. C'est l'endroit où les manchots
empereurs se reproduisent, se nourrissent et muent mais aussi le lieu où
se développent les krills, de petits crustacés qui vivent
sur les algues.
Les krills sont une importante source de nourriture
pour les poissons, les phoques, les baleines et les manchots.
Une fluctuation de température suivie
par une forte réduction de la superficie de la banquise dans les
années 70 en Terre Adélie a entraîné une réduction
d'environ 50% de la population des manchots empereurs, rappellent les auteurs
de l'étude.
Ces fluctuations deviendront de plus en plus
fréquentes avec le réchauffement du climat au cours des cent
prochaines années.
Lors des cinquante dernières années,
le changement climatique a été plus prononcé dans
la péninsule antarctique où se trouve la Terre Adélie.
Dans les prochaines décennies, la Mer
de Ross, où le volume de glace a augmenté ces dernières
années, pourrait bien être le dernier sanctuaire antarctique
des manchots empereurs, selon les auteurs de cette étude.
Les manchots empereurs verront-ils
le 22ème siècle?
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La réduction drastique de la banquise
antarctique, telle qu'elle est prévue par le Giec, devrait conduire
à l'horizon 2100 à la quasi-disparition des colonies de manchots
empereurs qui peuplent la Terre Adélie. C'est ce qu'affirme une
équipe franco-américaine.
Le film de Luc Jacquet, La marche de l'empereur,
a popularisé l'image de ces centaines de manchots empereurs crapahutant
sur la banquise dans une météo dantesque pour rejoindre la
mer libre tandis que leurs conjoints patientent sur la partie continentale
avec leur progéniture. |
Cette longue marche, qui nous paraît
extraordinairement pénible, sera dans les prochaines décennies
de plus en plus courte. En effet, la banquise, cette glace flottante prolongeant
le continent, devrait se réduire à mesure que la température
globale de l'atmosphère augmente. Les projections du Giec (Groupe
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) vont dans
ce sens.
Les prévisions pour cette région
du monde sont cependant difficiles car les mécanismes à l'œuvre,
riches de rétroactions, sont complexes. La réduction de la
couverture glaciaire en Antarctique est bien constatée mais la compréhension
des phénomènes en jeu manque encore. Il semblait jusque-là
que seule sa partie occidentale, là ou se trouve la Péninsule
Antarctique, voyait monter sa température moyenne alors que l'ensemble
du continent, l'Antarctide, avait au contraire tendance à se refroidir.
Mais une récente publication, sur la foi de cinquante années
de relèvements, montre que le réchauffement affecte l'ensemble
du continent antarctique.
Une réduction de la surface de la banquise,
du côté de la Terre Adélie, où vivent les manchots
empereurs (Aptenodytes forsteri), facilitera-t-elle la vie de ces oiseaux?
La réponse est non, bien au contraire. En 2004, déjà,
une équipe sud-africaine démontrait que la diminution de
la surface de la banquise menaçait les manchots et d'autres espèces.
Le pack de glace favorise en effet la production d'algues dont se nourrissent
les milliards de petits crustacés collectivement appelés
krill, lesquels forment le plat de résistance des manchots (et de
bien d'autres animaux).
Il reste peu de temps, sans doute, pour s'adapter...
Henri Weimerskirch, du Centre
d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC), et Stéphanie Jenouvrier
(Woods Hole Oceanographic Institution) viennent avec leurs collègues
d'avancer des indications plus précises. Ces chercheurs se sont
appuyés sur les prévisions découlant du modèle
climatique basé sur le scénario dit «business as
usual» (on fait comme avant), ou A1B, qui prévoit une
augmentation médiane (par rapport aux autres scénarios) du
taux de dioxyde de carbone (CO2), avec 720 ppm (parties par
million) en 2100.
Ces biologistes ont pris en compte les données
sur les populations de manchots empereurs observées entre 1962 et
2005. Entre 1972 et 1981, par exemple, la banquise avait régressé
d'environ 11% et, sur la même période, le nombre de manchots
avait diminué de moitié.
Publiée dans les Pnas (Proceedings
of the National Academy of Sciences), l'étude conclut que les populations
de manchots empereurs devraient fortement décliner au cours du siècle.
Plus précisément, la probabilité d'une quasi-extinction,
c'est-à-dire d'une réduction de 95% des effectifs, est d'au
moins 36% à l'horizon 2100. Dans ce cas, la population passerait
de quelque 6.000 couples en 1962 à environ 400.
Pour éviter l'extinction, concluent
les chercheurs, les manchots devront donc s'adapter, soit en déménageant
soit en modifiant le calendrier de la reproduction et de la croissance
des jeunes. Toutefois, ajoutent-ils, pour une espèce présentant
une longue durée de vie (on ne la connaît pas exactement
mais elle semble supérieure à trente ans), une adaptation
de ce genre en un délai aussi court est peu probable.
Voir aussi:
Emperor penguins face extinction
http://news.bbc.co.uk/2/hi/science/nature/7851276.stm |