Le gel annuel de la toundra de
nombreuses régions arctiques libère chaque automne de grandes
quantités de méthane. C'est ce que révèle une
étude menée en collaboration par le Centre National de Recherche
Environnementale de l'Université d'Aarhus et les Universités
de Copenhague et Lund (Suède), récemment publiée dans
la revue Nature.
Dans les zones humides, la décomposition bactérienne de matériaux organiques génère chaque année des quantités considérables de méthane, gaz à fort effet de serre. Ce phénomène est directement lié à la température du sol et est donc, en haute latitude, concentré sur les mois d'été. Mais depuis plusieurs décennies, les scientifiques observent avec perplexité une hausse automnale du taux de méthane dans l'atmosphère des régions arctiques. Les émissions liées à la décomposition organique disparaissant à l'approche de l'hiver, cette hausse est restée longtemps inexpliquée. Une équipe de recherche a pu surveiller ces quelques derniers étés les émissions de méthane de la toundra du Nord-Est du Groenland. En 2007, grâce à l'année polaire internationale, leur mission d'observation a été prolongée de deux mois. Et conformément à leurs prévisions, ils ont pu observer un pic d'émission de méthane en juillet puis une baisse accompagnant celle de la température jusqu'à atteindre une activité quasiment nulle début septembre. Au cours de l'été, chaque mètre carré de sol humide avait ainsi produit 4,5 mg de méthane. Mais ce que les scientifiques ne s'attendaient pas à observer, c'est un regain des émissions de gaz à la mi-septembre. Pendant deux des quelques semaines qu'a duré cette seconde période d'activité, les émissions dépassaient même celles atteintes au plus fort de l'été. "En fait, la quantité totale de gaz libéré en septembre et octobre 2007 est équivalente à celle des trois mois d'été" explique Charlotte Sigsgaard, du Service de Géographie et Géologie de l'Université d'Aarhus. |
Pour l'équipe de recherche, ce phénomène
est déclenché par le gel des sols. Au Groenland, seuls les
30 à 50 cm les plus proches de la surface dégèlent
chaque année et la toundra repose sur une couche imperméable
gelée en permanence (pergélisol). A l'automne, le gel engendre
une dilatation par le haut du sol de la toundra. Le méthane produit
au cours de l'été et resté bloqué au-dessus
du pergélisol se retrouve alors pressurisé et finit par profiter
des fractures creusées par le gel pour s'échapper dans l'atmosphère.
Environ 880.000 km2 de zones humides arctiques sont sans doute le théâtre d'un phénomène similaire et émettraient donc chaque automne 4 millions de tonnes de méthane. Cette quantité ne bouleverse pas l'estimation globale du taux d'émission annuel de méthane, mais est suffisante pour remettre en cause les modèles de répartition sur l'année de ces émissions. Les résultats de cette étude soulignent par ailleurs la nécessité de ne pas se contenter des mois d'été pour l'observation des écosystèmes arctiques. Pour en savoir plus, contacts:
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