Comme beaucoup d'entre vous, j'ai bu les paroles, lu, et rencontré Hermann Scheer, dans la plupart des conférences photovoltaïques européennes EUPVSEC où il avait le privilège de faire le discours "politique d'ouverture". Son topo était toujours très attendu par la communauté photovoltaïque mondiale: tel un prophète haranguant les participants, par la puissance du verbe et l'originalité de sa pensée, il nous donnait toujours la force et la motivation pour continuer, surtout dans les pires moments de régression. Au-delà de l'Allemagne, il est sûrement l'Européen qui a le plus contribué à transformer le paysage énergétique de l'Europe d'aujourd'hui. Une de ses dernières oeuvres porte sur les nécessaires changements de mentalité et d'infrastructures qui prendront sûrement plus d'un demi-siècle pour nous faire passer du monde des énergies "stock" au nouveau paradigme des énergies "flux". C'est une très grande perte pour la communauté. Nous lui disons un grand merci pour l'oeuvre politique accomplie et adressons nos sincères condoléances à sa famille et à ses proches. AR
Décès d’Hermann Scheer Attachant et entier, Hermann Scheer était surtout un esprit libre, frondeur, qui ne ménageait pas son propre camp, ce qui lui a aussi valu des critiques. II restera la figure qui a entraîné l’Allemagne vers la sortie du nucléaire. Membre du Bundestag depuis 1980, originaire du Bade Wurtemberg voisin de la Suisse, Hermann Scheer avait fait adopter en 2000 la loi EEG qui promeut les énergies propres: solaire, éolienne, biomasse, texte connu sous l’acronyme EEG. Cette loi a tout changé en Allemagne et elle a plus tard inspiré d'autres Etats. C'est sous le gouvernement de gauche SPD-Verts du tandem Schröder-Fischer que cet original passionné a eu la marge de manoeuvre pour propulser son pays dans l’ère solaire. Plus tard, la loi EEG n’a pas été remise en cause par la chancelière Angela Merkel, issue du camp conservateur et ellemême sensible à l'écologie. Depuis Avril 2000, cette loi oblige les fournisseurs d'électricité à acheter le courant produit par les privés, ménages et entreprises, à un prix garanti pendant 20 ans et très supérieur au tarif usuel de vente du courant. Pour les installations mises en service en 2010 et plus tard, le montant garanti est de 0.39 € /kWh. L’effet se lit dans le paysage allemand: en ville ou à la campagne, les toits sont couverts de panneaux solaires comme nulle part ailleurs en Europe. Le plus bel héritage que Hermann Scheer laisse à son pays. François Modoux,
Le Temps, Samedi 16 Octobre 2010 (suite)
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suite:
Merci à Alain de me donner l’occasion de vous écrire à tous. C’est avec une immense tristesse comme vous tous que j’ai appris la mort d’Hermann. D’abord j’ai eu tellement de mal à y croire tellement Hermann débordait de vitalité. La mort l’a pris par surprise. Comme dit un poète de son pays: «La mort est grande, Nous lui appartenons, Bouche ouverte. Lorsqu’au coeur de la vie nous nous croyons, Elle ose tout à coup Pleurer en nous». Hermann a été le père fondateur d’IRENA; c’est par sa vision et ses efforts pour constituer un lobby pro IRENA dans les différentes régions du monde que le projet a été porté et mené à terme, relayé ensuite par le gouvernement de l’Allemagne. Nous avons tous une dette immense envers lui. Nous et les générations à venir. J’ai peu ou prou l’âge de sa fille dont il m’a souvent parlé et avec lui j’avais le sentiment de m’inscrire dans une logique de filiation. Il avait en outre toujours soutenu la cause de femmes et défendait mon objectif de parité. Je repense à mon premier déjeuner avec lui à Paris, à nos rencontres à Berlin dans les cafés d’Unter den Linden, à sa dernière visite à Abu Dhabi ce printemps 2010, aux photos de lui que nous avons prises dans les locaux d’IRENA (en PJ) où il était venu nous aider à réfléchir au plan stratégique de l’agence. Et à notre dernière conversation téléphonique où il m’avait parlé du plan de son tout dernier livre qu’il était en train de rédiger. Nous avions évoqué la situation d’IRENA -son bébé - avec ses difficultés financières, le conflit entre Bonn et Abu Dhabi et les clivages entre les Etats membres. En Orient on dit que les morts continuent de vivre dans le coeur des vivants. Qu’il en soit ainsi pour Hermann. La mort d’Hermann est arrivée alors que suite aux pressions du pays hôte sur le gouvernement français je m’apprête à quitter mes fonctions de DG d’IRENA à la fin du mois. Il savait que cela finirait ainsi. Nous avions souvent évoqué les innombrables pressions dont j’avais fait l’objet – à un moment je ne pouvais même plus le joindre sur son portable - et comment en juin 2009 à Sharm el Sheikh ce même pays avait exigé que je retire ma candidature en indiquant qu’il tenait tous les votes et que je ne pourrais jamais être élue. J’avais résisté et gagné. Ce ne fut qu’un sursis. Je suis très inquiète pour l’avenir de l’agence. Mais je sais aussi qu’il existe pour moi d’autres voies pour poursuivre le combat qu’Hermann avait engagé. Bien à vous tous, Hélène Pelosse
Paix à son âme et que la Terre
lui soit légère...
«Ecoute plus souvent MAK
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