25 mai 2010
Une technologie a fait progressivement parler
d'elle ces dernières décennies: la pile à combustible
à hydrogène. Cette technologie possède de nombreux
avantages mais les coûts et les développements techniques
encore à réaliser freinent fortement son utilisation par
le grand public. La société de conseil et d'aide à
la décision ALCIMED a étudié la façon dont
la pile à combustible à hydrogène tente de se faire
une place sur le marché mais, au vu des freins actuels, le marché
de l'automobile, marché ne semble atteignable qu'à l'horizon
2030. Présentation.
La pile possède avant tout un intérêt
environnemental: les sous-produits engendrés sont totalement non-polluants
(eau et chaleur). En plus de ces qualités environnementales, plusieurs
autres atouts avaient été mis en évidence. Tout d'abord,
la diversité des sources de production de ce gaz permet d'envisager
une stabilité plus importante des prix que pour les carburants traditionnels.
De plus, l'hydrogène constitue un vecteur énergétique
stockable, contrairement à l'électricité.
Mais ce n'est pas tout: la pile à hydrogène
est silencieuse et délivre un courant de très bonne qualité.
Tel n'est pas le cas de nombreux groupes électrogènes, qui
font, en outre, fréquemment l'objet de vols. De plus, l'autodécharge
et les temps de recharge des batteries, qui peuvent être contraignants,
sont évités avec la pile. Quant aux énergies solaire
et éolienne, il va de soi que la dépendance aux conditions
climatiques reste un réel inconvénient, ce qui n'est pas
le cas avec la pile.
Plusieurs types de piles à combustible
existent. Le carburant peut être stocké sous forme d'hydrogène,
ou encore sous forme de méthanol ou d'éthanol,... reformé
sur place pour produire de l'hydrogène. Nous nous consacrerons ici
plus spécifiquement aux piles utilisant directement de l'hydrogène.
Les associations et le programme H2E
Pour soutenir le développement de la
technologie ainsi que la mise en place et la consolidation de la filière
hydrogène, de nombreuses associations se sont créées:
en Europe, le FCH (Fuel Cells & Hydrogen), dont la commission européenne
est membre et la EHA (European Hydrogen Association), aux Etats-Unis, la
NHA (National Hydrogen Association). Elles se sont notamment fixé
pour objectif de contribuer au développement de la technologie et
à l'accélération de sa commercialisation. Ces objectifs
sont poursuivis à travers le financement de projets de recherche,
de démonstrateurs, par le lancement d'appels à projets, ou
par des actions de communication auprès du public.
Parmi les projets soutenus, le programme Horizon
Hydrogène Energie (H2E) s'est vu accorder en octobre 2008 un financement
de 67,6 millions € par la Commission Européenne. Ce programme
représente un investissement total de près de 200 millions
€ sur 7 ans. Il rassemble une vingtaine d'industriels, PME et des
laboratoires de recherche publics français. L'objectif est de construire
et de consolider la filière hydrogène-énergie. Les
actions se porteront à la fois sur le développement de technologies
(notamment de production et de stockage de l'hydrogène), sur le
cadre règlementaire et sur des interventions auprès du grand
public.
Une technologie qui fait rêver les constructeurs automobiles
La pile à hydrogène apparaît
comme une solution très intéressante pour les utilisateurs
et les constructeurs automobiles : la technologie rend envisageable l'idée
d'une voiture totalement non polluante. «Le secteur automobile
constitue un objectif très attractif pour les gaziers et les fabricants
de piles à combustible à hydrogène puisqu'il représente
un défi technologique à relever, mais surtout un important
marché à conquérir. Pourtant, des coûts encore
trop élevés, un stockage encore trop encombrant ainsi qu'une
difficile acceptation du public face à ce nouveau mode de fonctionnement,
ne font de l'automobile un marché envisageable qu'à long
terme», précise Jean-Philippe Tridant-Bel, directeur de
l'activité Energie et Environnement d'ALCIMED.
Les applications actuelles de la pile à hydrogène
C'est pourquoi, avant de se lancer sur le
marché de l'automobile, les promoteurs de la pile à combustible
s'intéressent à d'autres applications d'alimentation électrique:
* parmi les applications stationnaires: les systèmes
de secours électriques et l'alimentation d'équipements en
sites isolés;
|
suite:
* au sein des applications portables: les générateurs
électriques portables et l'alimentation de matériel militaire,
d'ordinateurs ou de téléphones portables;
* et parmi les transports: les véhicules
spéciaux (les chariots élévateurs, les équipements
d'aéroport...) et les «mini transports» destinés
au grand public (voitures de golf, fauteuils roulants, scooters...).
Ces marchés précurseurs vont
permettre aux promoteurs de multiplier les expériences et de consolider
les connaissances sur une technologie encore récente sur le marché.
Ce déploiement leur permettra ainsi d'apporter les améliorations
techniques nécessaires à l'utilisation de la pile à
combustible à hydrogène dans les voitures, tout en diminuant
les coûts. Le développement des piles à hydrogène
sur ces marchés est également un moyen indispensable de sensibiliser
le public à la technologie et aux contraintes liées au stockage
de l'hydrogène (en termes d'encombrement et de sécurité).
Des offres sont d'ores et déjà
disponibles sur le marché. Sur les applications stationnaires, des
piles sont en vente pour le secours de systèmes critiques nécessitant
une alimentation électrique de remplacement en cas de défaillance
du réseau. C'est le cas pour des systèmes informatiques ou
les télécommunications. Des générateurs électriques
à hydrogène portables existent pour les campings cars.
Ces dix dernières années, le
secteur des transports a vu se mettre en place de nombreux projets et démonstrateurs.
Des piles sont déjà disponibles pour des vélos, des
scooters, des fauteuils roulants, des bus... Des programmes se mettent
en place par exemple l'aéroport de Munich a lancé en 1997
un programme visant à utiliser de l'hydrogène dans certains
de ses bus et chariots élévateurs: voir la fiche
- pdf - de l'association française de l'hydrogène).
D'autres projets permettent de sensibiliser le public à la nouvelle
filière qui se met en place. Le projet
Hychain lancé en 2006 en Europe en est un exemple. L'objectif
est de permettre à des utilisateurs de tester des scooters, tricycles,
fauteuils roulants, petits véhicules utilitaires et minibus alimentés
par une pile à hydrogène.
Parmi les fabricants, on compte notamment
les canadiens Ballard et Hydrogenics, les américains Plug Power
et IdaTech, ainsi qu'Axane en France, filiale du groupe Air Liquide. En
1994, le premier prototype de Daimler Chrysler a démontré
la viabilité technologique de la pile à combustible dans
le domaine automobile. Depuis, les constructeurs automobiles tels que BMW,
Mercedes, Volkswagen, Ford et General Motors ont chacun lancé des
prototypes dans ce domaine. Récemment, Toyota a présenté
son prototype 5 FCHV-Adv lors du salon de Genève.
Les freins au développement et au déploiement de la
technologie
Malgré la multiplication des démonstrateurs,
des développements techniques sont encore attendus concernant le
stockage de l'hydrogène et la durée de vie des membranes
utilisées dans les cellules électrochimiques. Ces améliorations
sont indispensables, d'autant plus que les technologies concurrentes, telles
que les batteries lithium-ions, font elles-mêmes l'objet d'innovations
continues. Par ailleurs, son coût reste aujourd'hui très élevé.
D'une part, la membrane et le catalyseur en platine nécessaires
à la pile sont très onéreux ; d'autre part, la production
et la distribution d'hydrogène sont coûteuses. Enfin, un des
obstacles que la pile devra affronter, et non des moindres, reste la sécurité.
En effet, si certains constructeurs assurent que leurs équipements
sont parfaitement sécurisés, c'est avant tout la confiance
des utilisateurs qu'il faudra acquérir.
De l'hydrogène dans nos voitures en 2030?
Si les obstacles à l'entrée
de la technologie sur le marché existent, nombreux sont les efforts
mis sur la pile à hydrogène. D'après le FCH, le but
est d'introduire la pile dans l'automobile d'ici 2015-2020. Mais le chemin
semble actuellement difficile à suivre. Il faudra attendre 2030
pour commercialiser des voitures à hydrogène. «La
pile à combustible alimentée en hydrogène doit donc
avant tout se faire une place auprès des autres technologies sur
les marchés déjà identifiés, avant de pouvoir
se lancer sur le marché de l'automobile», explique Alexandre
Graët, consultant au sein de la BU Chimie et Matériaux d'Alcimed.
La question reste alors en suspens: la pile réussira-t-elle
à s'imposer sous les carrosseries automobiles et surtout dans combien
de temps? |