Les véhicules électriques
(VE) ont reçu de nombreuses aides l'an dernier aux Etats-Unis, avec
notamment un investissement fédéral de 2,4 milliards de dollars
[1].
Cependant un déploiement des véhicules électriques
à grande échelle nécessite la mise en place d'une
infrastructure, en particulier pour recharger les batteries. Plusieurs
questions viennent alors à l'esprit: Quelle est la taille optimale
de l'infrastructure? On peut imaginer que les particuliers auront une station
de recharge dans leur garage, mais ils auront aussi besoin d'une station
sur le lieu de travail ; qui devra payer pour l'installation? Les entreprises
seront-elles prêts à financer de tels systèmes? La
distance moyenne parcourue par jour aux Etats-Unis est d'environ 65 kilomètres
(40 miles) par conducteur. Et puis, comment faire lorsqu'on part en vacances?
Des stations de recharge seront nécessaires sur la route mais il
reste à connaître le nombre à installer, leur propriétaire,
le modèle économique et financier à appliquer, notamment
pour payer l'électricité. Comme le solaire, l'industrie de
l'automobile, les réseaux intelligents, les infrastructures destinées
aux véhicules électriques auront sûrement besoin de
financements importants. Le transport est une industrie lourde et mature
que l'on ne peut changer du jour au lendemain.
Informer le consommateur, certes, mais pas seulement...
Si des VE ont été développés
depuis longtemps, seulement quelques personnes en ont possédés
ou en possèdent une. Les informations disponibles sur le sujet restent
limitées. Les constructeurs automobiles ont remarqué que
les gens apprécient le concept de voiture électrique, mais
n'ont aucune idée de leur fonctionnement, prix, autonomie ou façon
de les recharger. Le déploiement des VE passera donc par une formation
et une sensibilisation des clients potentiels. Dans le même temps
les constructeurs automobiles devront également répondre
aux attentes des clients, ce qui implique le besoin d'une nouvelle infrastructure
efficace.
En effet, comme dans les stations essence
actuelles, le temps passé devra être le plus court possible.
Un véhicule nécessitant entre 6 à 12 heures de recharge
pour seulement une à deux heures de conduite ne pourra jamais toucher
un large public. Les voitures représentent en effet le moyen de
transport associé à la liberté de déplacement,
elles doivent permettre une grande mobilité. Pour séduire
les conducteurs, les véhicules électriques devront donc pouvoir
se recharger dans des conditions similaires à celles des stations
essence actuelles.
Actuellement deux solutions existent pour
réduire ce temps de recharge. La première est le "chargement
rapide". Plusieurs constructeurs automobiles misent sur cette technologie
[2].
Combiné à une infrastructure de points de recharge, ce type
de solution technologique répondrait aux problèmes d'autonomie.
Cependant ceci pourrait conduire à des pics élevés
de demande en électricité. Typiquement une voiture électrique
équipée d'une batterie d'une capacité de 25kWh a besoin
d'un accès à une puissance de 3.125W pendant 8 heures. Si
cette même batterie doit être rechargée en seulement
10 minutes, ceci nécessite une puissance de sortie de 155 kW. Il
est clair que pour de telles recharges rapides, même si elles ne
sont utilisées que par une faible quantité de véhicules,
l'ajout de capacités et la gestion de l'énergie deviendront
obligatoires.
La seconde est de troquer une batterie vide
contre une autre fraîchement rechargée. Better Place, la société
à la tête du marché, a fait la démonstration
il y a 3 mois d'une station capable d'effectuer l'échange en 60
secondes [3]. Cependant, ce système de batteries échangeables
n'apparaît pas aux yeux de tous les constructeurs automobiles comme
une solution économique et efficace. En effet, ils ne voient l'intérêt
de devoir homogénéiser leurs voitures et de faire en sorte
que les stations de recharge aient en stock une grande variété
de batteries coûteuses.
Quel rôle devront jouer les opérateurs électriques?
Fournissant l'électricité, les
opérateurs auront un rôle important à jouer dans le
déploiement des véhicules électriques. Cependant ce
rôle aux Etats-Unis devrait dépendre en grande partie de chaque
état et de chaque opérateur. Par exemple en Californie les
"investor-owned utilities (IOU)", c'est à dire les opérateurs
privés, représentent environ 75% de la production totale
d'électricité de l'état. La réglementation
leur impose de suivre un modèle découplé ("decoupling")
[4],
dissociant leurs bénéfices de leurs ventes d'énergie.
Ceci signifie qu'elles ne gagneront pas plus d'argent en vendant davantage
d'électricité destinée aux VE. Cependant, construire
plus d'infrastructures et les posséder pour en tirer du chiffre
d'affaires leur permettraient d'augmenter leur contrôle sur le réseau
et d'obtenir de plus amples financement de la part des institutions californiennes.
Ainsi les distributeurs pourraient vouloir par la suite les louer à
d'autres compagnies ou aux particuliers. Garder un contrôle sur la
distribution est essentiel dans le cas des VE car les opérateurs
doivent réduire au maximum les pics de consommation sur le réseau,
donc par conséquent réduire la concentration des points de
recharges par quartier.
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De plus, la consommation d'un VE représente
deux fois celle d'une maison ordinaire. Pour les opérateurs cette
demande supplémentaire d'électricité peut affecter
le réseau pendant les périodes de pics de consommation. Les
consommateurs verront également de leur côté des effets
sensibles sur leur facture d'électricité. Ils devront changer
leur attitude de consommation notamment grâce à l'accès
à de nouveaux programmes de gestion de leur consommation pendant
les heures creuses, soit en dehors des pics. Certains opérateurs
comme Pacific Gas and Electric (PG&E) ont déjà planifié
d'appliquer le modèle "Time of Use" pour les propriétaires
de voitures électriques [5].
Vehicle to Grid, un nouveau mode de stockage
Appelé "vehicle-to-grid" (V2G),
ce concept permet de tirer avantage des capacités électriques
des batteries des VE pendant les après midis chaudes lorsque la
demande est la plus élevée et la consommation la plus chère
pour éviter des coupures de courant à grande échelle.
PG&E est devenu il y a trois ans le premier opérateur à
démontrer publiquement [6] la possibilité d'utiliser
cette possibilité pour alimenter la maison et les commerces en électricité.
Cependant ce modèle est complexe et
plusieurs problèmes doivent être résolus avant une
utilisation à grande échelle. En effet, la quantité
d'électricité disponible est susceptible de fluctuer énormément
au cours de la journée. A cela s'ajoute le morcellement de la capacité
de stockage, la gestion devenant alors très difficile. De plus les
stations devront être capables de supporter des flux d'électricité
bi-directionnels, à savoir un premier sens pour recharger la batterie
et un second pour redistribuer l'électricité sur le réseau.
Aujourd'hui les technologies traditionnelles utilisées sont conçues
pour supporter seulement un seul sens, celui destiné à la
recharge des batteries. Durant la conférence TechConnect à
Anaheim la semaine dernière, des experts sur le sujet ont affirmé
ne pas s'attendre à une large utilisation de ce modèle avant
2020.
VE et leur infrastructure: Paradoxe de l'oeuf ou de la poule?
Du VE ou de l'infrastructure, lequel devrait
être construit et déployé en premier? C'est une question
récurrente lors des discussions sur la pénétration
des VE. Cependant une chose est sûre: l'arrivée des VE est
programmée sur le marché d'ici la fin de l'année avec
notamment la Nissan Leaf et la Chevrolet Volt [7]. Les infrastructures
devront donc être prêtes pour accompagner l'arrivée
de ces premiers VE.
De plus, les voitures "plug-in-hybrids",
c'est-à-dire à la fois hybrides et rechargeables sur le réseau,
devraient être également rapidement faire leur apparition
sur le marché. La Karma de la Compagnie Fisker Automotives est prévue
pour le début de l'année prochaine. Les Plug-in-hybrids ont
une batterie plus petite qu'une voiture entièrement électrique
(5-25 kWh à comparer avec 10-50 kWh). Elles sont équipées
à la fois d'un moteur électrique et d'un moteur à
essence et pourraient conduire vers une meilleure transition entre l'état
actuel et le déploiement à grande échelle des VE.
- [1] "President Obama Announces $2.4 Billion in Grants
to Accelerate the Manufacturing and Deployment of the Next Generation of
U.S. Batteries and Electric Vehicles": 5/08/09 - ADIT-1
- [2] "Electric-Car Firms Push Alternative to Project Better Place's
Idea" 13/05/08 - ADIT-2
- [3]" Swapping batteries into electric Tokyo taxis in under a minute
with Shai Agassi": 27/04/10 - ADIT-3
- [4] le "decoupling": http://en.wikipedia.org/
- [5] "Vers une tarification de la facture électrique en
temps réel en Californie?": bulletins-électroniques -
18/06/10 - ADIT-4
- [6] "Pacific Gas and Electric Company Energizes Silicon Valley
With Vehicle-to-Grid Technology" 9/04/07 - ADIT-5
- [7] "L.A. gets wired with new electric-car charging stations":
27/06/10 - greenspace ADIT-6
- [8]" Fisker Misses Deadline, Won't Start Selling Karma Plug-in
Hybrids Until 2011": Gas2.0- 28/06/10 - ADIT-7
- "California invests in EV infrastructure"25/06/10
- sgvtribuen.com - http://www.sgvtribune.com/
- ADIT-8
- "California utility prepares for surge in plug-in electric cars":
USA today - 16/03/09 - ADIT-9
- Conférence TechConnect World 2010: http://www.techconnectworld.com/
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