Un climat de défiance Gilles Toussaint Mis en ligne le 27/10/2010
* Edito: Et pourtant, elle chauffe
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3 Les racines. La mouvance sceptique est particulièrement active aux Etats-Unis, où elle a développé une stratégie de communication très élaborée, observe l'historienne des sciences Naomi Oreskes (auteur du livre "Marchands de doute"). Objectif de la manœuvre : entretenir la confusion en exploitant les marges d'incertitude de la science climatique. Selon elle, les racines de ce mouvement remontent à la fin de la guerre froide. Après la chute du mur de Berlin, un groupe de scientifiques conservateurs issus du projet Manhattan et rassemblés autour de l'éminent physicien Frédéric Seitz voit dans la montée en puissance de l'écologie une nouvelle menace, à savoir un mouvement cryptocommuniste qui doit être combattu. En 2004, afin de voir si, comme l'affirment les sceptiques, le consensus sur le réchauffement n'était que de façade, cette chercheuse s'était livrée à un exercice instructif, passant en revue 928 articles traitant du changement climatique global publiés entre 1993 et 2003 dans des revues soumises au processus de révision par les pairs. Résultats des courses : aucune de ces études ne remettait formellement celui-ci en cause. Une foule de "think tanks" dévoués à la cause sceptique ont ainsi vu le jour outre-Atlantique. Parmi ceux-ci, on peut citer le George C. Marshall Institute, le Heartland Institute (qui soutient le Tea Party) ou encore le Science and Environmental Policy Project, autour desquels gravitent des scientifiques comme le physicien Richard Lindzen ou son collègue Fred Singer. Point commun de ces organisations dans lesquelles on voit souvent réapparaître les mêmes noms : elles défendent une idéologie ultralibérale, voire libertarienne, axée sur la primauté du libre marché et une opposition viscérale à une régulation des pouvoirs publics. Le climat n'est pas leur seul dada : les effets des pluies acides, la nature cancérigène de l'amiante ou du tabac figurent également parmi leurs sujets de contestation. Leur lien financier avec des producteurs d'énergie fossile est une autre caractéristique. Entre 1998 et 2005, Exxon a ainsi déboursé 16 millions de dollars pour soutenir des organisations sceptiques et, comme l'a récemment révélé le "Times", continuerait à le faire. Mise à jour en 2005, la campagne de désinformation (calquée sur celle élaborée en son temps par l'industrie du tabac) organisée par cette entreprise avec certaines complicités au sein de l'administration Bush est, à ce titre, édifiante. Dans les mois qui ont précédé le sommet de Copenhague, le financement du lobbying sur le climat par les entreprises américaines a d'ailleurs explosé, selon le Center for Public Integrity. De tels "think tanks" sont également actifs en Europe. C'est par exemple le cas de la Global Warming Policy Foundation, qui compte notamment au sein de son conseil scientifique le Français Vincent Courtillot, proche de l'ancien ministre Claude Allègre. Ces deux géophysiciens ont entamé un bras de fer très médiatique avec la communauté des spécialistes hexagonaux du climat. Ces derniers leur reprochent tout à la fois leurs prises de position sur un sujet hors de leur champ d'expertise, des propos outranciers mettant en cause leur probité et, plus grave, de colporter des erreurs manifestes allant jusqu'à des graphiques bidouillés. Sous leur insistance, l'Académie des sciences a récemment organisé un débat sur la question climatique, dont les conclusions devraient être rendues publiques sous peu. Enfin, on pourrait encore citer le statisticien danois Bjorn Lomborg qui, après avoir longtemps proclamé que l'alarmisme climatique était exagéré, semble avoir viré sa cuti. Dans son dernier ouvrage, celui-ci reconnaît désormais l'importance du problème et la nécessité de développer des solutions pour y répondre. Controverses climatiques Les polémiques autour des changements climatiques se sont multipliées ces derniers mois. Pour faire le point sur le sujet, l'ULB et Sciences Po Paris organisent conjointement un colloque international ces 27, 28 et 29 octobre 2010. Trois jours de débats auxquels participeront plusieurs orateurs internationaux. Y sera notamment abordée la question des certitudes et incertitudes scientifiques; celle de l'impact de ces controverses sur l'action publique ou encore celle du traitement médiatique du dossier climatique. Ce dernier point fait l'objet d'une table ronde ouverte au public ce mercredi soir à l'ULB (19 h - Auditoire Chavanne): http://controversesclimatiques.eventbrite.com/ |