EDITORIAL Pour prévisible qu'il ait été,
l'échec de Copenhague est extrêmement brutal. L'impératif
commun de réduire les émissions de gaz à effet de
serre s'avère insuffisant pour engager des politiques volontaristes
et, en particulier, rompre avec les stratégies énergétiques
du passé. Les solutions bien établies, d'abord la maîtrise
de la demande, puis le développement des énergies renouvelables,
semblent encore perçues comme des fardeaux par la plupart de nos
dirigeants politiques qui n'ont pas pris pleine conscience que ces orientations
sont au contraire bénéfiques. Elles contribuent pourtant
à la sécurité énergétique, réduisent
les impacts environnementaux locaux et bénéficient à
l'économie, en plus d'être indispensables à la lutte
contre le changement climatique.
(suite)
|
suite:
Enfin, aucune des énergies dont est issue l'électricité n'est sans inconvénient, local ou global, même si les degrés de nuisances et de risques couvrent un très large éventail: accidents majeurs, prolifération, matières dangereuses et déchets pour le nucléaire, pollution de l'air et émissions de CO2 et de méthane pour les combustibles fossiles, déforestation, dégâts à la biodiversité et concurrence avec les besoins alimentaires pour les plantations énergétiques, déplacements de population et dégâts environnementaux pour les grands barrages, problèmes paysagers pour les éoliennes, etc. Il faut bien sûr tenir compte aussi de l'impact des ouvrages du réseau de transport de l'électricité. L'impossibilité de stocker massivement l'électricité impose en outre d'intégrer pleinement le fait que le facteur dimensionnant du système est la puissance appelée, c'est-à-dire l'énergie consommée à un instant donné et pas seulement sa consommation cumulée sur une certaine durée. La répartition de la consommation a en effet des répercussions importantes sur le plan économique ou environnemental, comme le montre l'exemple du chauffage électrique, qui «pèse» 2,5 fois plus en puissance instantanée (36 % au moment du record de consommation sur le réseau français) qu'en consommation cumulée en moyenne sur l'année (14%). Les conséquences sociales de ces spécificités sont également lourdes. La très forte centralisation du système et la tension sur les usages crée une grande vulnérabilité de la société française au risque d'une panne géante sur le réseau, qu'elle ait pour origine des difficultés de fonctionnement du parc nucléaire français comme on l'observe en ce début d'hiver, des aléas naturels, une cause accidentelle ou un acte malveillant. De plus, le développement massif des usages non pertinents de l'électricité favorise et entretient parmi les ménages les plus pauvres un phénomène très préoccupant de précarité énergétique. Enfin, la réflexion sur le système électrique doit porter sur son évolution à long terme. Si l'on ne peut pas compter dans un proche avenir sur les énergies renouvelables (à l'exception de l'hydraulique et de l'éolien à court-moyen terme) pour produire des quantités suffisantes d'électricité bon marché, c'est bien dans une transition vers ces formes de production qu'il faut s'orienter à long terme. Le développement des technologies d'information associées aux réseaux fait émerger la vision des «smart grid», systèmes électriques intelligents organisés autour d'un pilotage beaucoup plus décentralisé des usages et de moyens de production locaux. Cette vision doit être adoptée dès aujourd'hui dans les choix qui structureront le système à moyen et long terme. Le dimensionnement, l'organisation et l'évolution du système électrique sont donc des questions majeures, qui doivent d'abord être abordées par une réflexion sur la demande. Devant l'importance sociale, économique et environnementale qui s'attache à un usage à bon escient de ce vecteur énergétique noble, rare et durablement onéreux, il a donc paru important et utile à Global Chance et négaWatt de consacrer un numéro des cahiers de Global Chance à la question de l'électricité, mais en choisissant délibérément de se consacrer à la demande d'électricité plutôt qu'à sa production. L'enjeu, en Europe et en France, d'un bon usage de l'électricité (au sens de sa rationalité, de son économie et de ses impacts environnementaux), justifie pleinement cette approche dans un contexte de tension croissante sur les approvisionnements énergétiques et sur les questions d'environnement à court et moyen terme, et donc des prix, avec leurs conséquences sur l'activité économique, le revenu des ménages et les inégalités sociales. Il serait en effet paradoxal et totalement contradictoire de s'engager, comme l'a décidé l'Union Européenne, dans une politique vigoureuse d'efficacité énergétique dans tous les secteurs d'activité et donc de diminuer les consommations d'énergie à service rendu égal ou supérieur, et d'exempter l'électricité de cet effort indispensable de sobriété et d'efficacité énergétiques. C'est d'autant plus nécessaire que le discours et les politiques des pouvoirs publics français comme des entreprises du secteur s'appuient sur des conventions dépassées et des chiffres biaisés qui ne reflètent ni la réalité physique, ni la vérité économique et environnementale, pour tenter de justifier un développement tous azimuts et sans entrave de la production et des usages de l'électricité. C'est parce que nos deux associations sont hautement conscientes du rôle irremplaçable que l'électricité peut et doit jouer dans la construction d'un système énergétique harmonieux, soucieux d'égalité de traitement et de sécurité, économiquement efficace, respectueux de l'environnement, qu'il nous paraît urgent de sortir du gâchis actuel et de mettre en avant les enjeux, les conditions et les conséquences d'une utilisation intelligente et respectueuse de l'environnement de l'électricité en France dans les décennies qui viennent. Global Chance et négaWatt
|