Les poubelles du progrès technique
Grégoire Comhaire
16/03/2010
La masse de déchets
électroniques explose à travers le monde. Avec des conséquences
potentiellement désastreuses.
* Dossier:
notre planète
On les nomme DEEE, ou "déchets d'équipements
électriques et électroniques". Dans une autre vie, ils
ont été ordinateur, GSM, Ipod ou télévision.
Une fois obsolètes ou hors d'usage, ils s'accumulent à un
rythme vertigineux, au point de poser de sérieux problèmes
dans certains pays, et d'alerter les plus hautes instances internationales.
Selon un rapport du Programme des Nations
Unies pour l'Environnement (PNUE), présenté à Bali
le 22 février dernier, la masse de déchets électroniques
augmenterait de 40 millions de tonnes chaque année dans le monde.
Une hausse particulièrement forte dans des pays comme l'Inde (+500%)
ou la Chine (+400%), confrontés à la fois à une très
forte augmentation de la consommation de produits tels que les ordinateurs
et les téléphones portables, et à un afflux massif
de DEEE, en provenance d'Europe et des Etats-Unis.
Malgré la convention de Bâle,
qui limite fortement l'exportation de déchets dangereux, et une
directive européenne de 2002 fixant des objectifs de collecte et
de valorisation des DEEE dans tous les états-membres, des millions
de tonnes d'appareils usagés se retrouvent chaque année dans
les décharges d'Afrique de l'ouest, ou d'Asie du sud. Des décharges,
où ces appareils sont souvent désossés à la
main et brûlés, afin d'en récupérer les métaux
précieux et de les revendre, avec des conséquences désastreuses
pour la santé publique et l'environnement. Car s'ils contiennent
des éléments potentiellement monnayables sur le marché,
les déchets électroniques recèlent également
de nombreuses substances extrêmement toxiques (plomb, mercure, cadmium,
phtalates ), auxquelles sont directement exposés les travailleurs
de ces décharges et les habitants des environs.
L'organisation environnementale Greenpeace
estime aujourd'hui qu'un tiers des DEEE collectés en Europe et aux
Etats-Unis aboutissent in fine, de manière légale ou illégale,
dans les pays du sud. Des régions du monde où les ventes
de laptops, téléviseurs et téléphones portables
qui augmentent considérablement ces dernières années,
laissent également présager un accroissement considérable
de déchets dans les prochaines années. "Si aucune politique
n'est lancée pour collecter et recycler ces équipements,
de nombreux pays vont se retrouver avec des montagnes de déchets
dangereux, avec des répercussions graves pour l'environnement et
la santé publique" s'inquiète ainsi le PNUE dans son
rapport.
En Belgique, le système Recupel a été
mis en place en 2001 pour organiser la collecte et le recyclage des DEEE.
A chaque achat d'appareil électrique ou électronique, le
consommateur paye ainsi une cotisation à Recupel pour financer la
collecte, le traitement et le recyclage de cet appareil, une fois arrivé
en fin de vie.
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Les citoyens sont donc invités à
se débarrasser de leurs appareils usagés dans les parcs à
conteneurs ou chez l'ancien commerçant qui le reprend parfois à
l'achat d'un nouvel appareil. "Nous pouvons garantir que l'ensemble
des appareils déposés dans les parcs à conteneurs
ou dans les points de collecte, seront collectés par des collecteurs
agréés et recyclés chez des recycleurs agréés"
explique Katrien Verfaillie, porte-parole de Recupel.
Le problème résiderait donc
dans le fait que tous les utilisateurs ne feraient pas forcément
la démarche de déposer leur matériel usagé
dans le circuit de collecte de Recupel. "Et à l'heure actuelle,
il existe très peu de connaissances et très peu de contrôle
sur les filières d'exportations de déchets vers l'étranger"
poursuit Katrien Verfaillie. Difficile dès lors d'en connaître
l'origine et de chercher à les limiter.
Face à ce constat d'impuissance, et
à cet amoncellement de déchets électroniques qui débarquent
chaque année en Afrique, en Chine ou en Inde, Greenpeace préconise
d'agir en amont. L'organisation s'attelle ainsi depuis plusieurs années
à faire pression sur les principaux fabricants d'appareil électroniques,
pour les inciter à retirer de leurs produits une série de
substances particulièrement nocives tel que les retardateurs de
flamme au brome (BFR).
Des substances dites "bioaccumulables", parce
qu'elle sont capables de se concentrer dans les tissus des organismes vivants,
et que plusieurs géants de l'électroniques tels que Apple,
Nokia ou Sony Ericsson ont déjà décidé de bannir
de leurs appareils.
"Le recyclage est une activité très
rentable!"
16/03/2010
Le recyclage des déchets électriques
et électroniques (DEEE) représente un potentiel économique
important pour les pays confrontés à une hausse importante
de ces déchets. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder vers
Hoboken, en région anversoise, où se trouve la plus importante
installation au monde pour la récupération de métaux
précieux à partir de déchets électroniques.
Chaque année, ce sont près de
30.000 tonnes de DEEE qui passent par cette usine, propriété
de la société Umicore, qui en extrait quelque 17 métaux
différents, dont 7 métaux précieux. "C'est une
activité très rentable" explique Bart Crols, chargé
de communication de Umicore. "A titre indicatif, on peut extraire 1 kg
d'or et 10 kg d'argent à partir de 50.000 GSM."
Umicore, qui a participé à l'élaboration
du rapport du PNUE présenté à Bali, estime que le
potentiel de développement de ce type d'activités est énorme
dans les pays émergents. "Dans un pays comme l'Inde, l'urgence
est évidemment d'organiser des circuits de collecte de DEEE",
poursuit Bart Crols. "Mais nous sommes déjà en train de
chercher des partenariats pour développer des activités de
recyclage sur place."
Les équipements électroniques
actuels renferment jusqu'à 60 composants différents. Ils
consomment 3% de l'or et de l'argent récoltés chaque année,
13% du palladium et 15% du cobalt, indique le rapport du PNUE. En plus
d'éviter un désastre sanitaire et environnemental, les experts
des Nations unies estiment que le développement rapide de structures
de recyclage de DEEE dans les pays en développement permettrait
de créer de nombreux emplois. "Le développement de ce
secteur offre également un potentiel de réduction des gaz
à effet de serre, puisqu'il aboutit à la récupération
d'un nombre important de minerais", souligne enfin Bart Crols. |