Par Jeanne Beutter | Reporters
d'espoir | 13/05
Il y a ceux qui trient leurs déchets...
et ceux qui vont jusqu'à les composter. On croyait la pratique réservée
à la campagne ou aux chanceux détenteurs de jardins. Absolument
pas! A Rennes ou à Genève, le compostage urbain est devenu
courant. A son tour, Paris tente le coup.
L'idée
Effet de mode ou prise de conscience, les
particuliers urbains sont de plus en plus nombreux à vouloir faire
de leurs restes de repas un engrais biologique terriblement efficace, disent-ils.
Pas facile quand on habite un petit appartement sans balcon...
Ainsi, à Lyon, Grenoble ou Rennes,
les expériences de compostage collectif se multiplient. Depuis 2006,
l'agglomération
rennaise encourage les habitants d'immeubles à adopter la pratique.
Pour eux, rien de compliqué. Munis
d'un bio-seau pour stocker épluchures, marc de café ou fleurs
fanées, ils n'ont plus qu'à vider leur «collecte»
dans un des composteurs installés par la ville dans les jardins
de l'édifice.
En bois ou en plastique, ces bacs transforment
en humus tous les résidus de cuisine sous l'action combinée
des bactéries et de l'oxygène. Au bout de neuf mois, le compost
ainsi obtenu peut être versé dans les bacs à fleurs
des participants.
Depuis le début de l'opération,
près de 150 sites de compostage ont pris place en pied d'immeubles.
Les enjeux, on les connaît: réduction
des déchets, donc diminution des volumes incinérés
ou enfouis, donc protection de la nature, des ressources naturelles et
de la biodiversité. Mais aussi réduction des coûts
de collecte et de traitement des déchets pour les collectivités
et renforcement du lien social autour d'un projet citoyen.
Comment la mettre en pratique?
Cette année, la ville de Paris tente
elle aussi de relever le défi. Début avril, elle lance un
appel
à projet copropriétés, immeubles ou bailleurs
sont invités à expérimenter le compostage collectif
gratuitement.
Adjoint au maire chargé de la propreté
et de la gestion des déchets, François Dagnaud rappelle :
«Un Parisien produit plus de 350
kg de déchets par an. Avec le compostage, ce chiffre pourrait diminuer
de 20%.»
L'accompagnement, la clé du succès
Tout d'abord, un cabinet spécialisé
réalisera chez les volontaires un audit pour évaluer la faisabilité
du projet, car il faut remplir certaines conditions:
* Seules les habitations munies d'un espace vert
pourront tenter leur chance. Il faut bien avoir un peu de place pour installer
les composteurs de 600 litres...
* L'accord du syndic ou du bailleur est indispensable.
* Il faut réunir au minimum quinze résidents
motivés.
* Parmi les participants, un référent
devra être désigné et veillera au bon fonctionnement
du procédé.
Une fois ces conditions réunies, le
processus s'enclenche. La Direction de la propreté et de l'eau de
Paris fournit le composteur, les bio-sceaux et le mélangeur (car
il faut mélanger une fois de temps en temps). Le cabinet assure
ensuite la formation des participants et garantit un accompagnement personnalisé
de neuf mois.
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suite:
Jean-Jacques Fasquel, maître-composteur
et pionnier de la pratique à Paris, salue le passage à l'acte
de la ville:
«Paris tire les enseignements des
expériences précédentes et offre donc un accompagnement
technique. C'est essentiel pour que l'opération se pérennise.»
Mais attention, prévient Bertrand Bohain,
délégué général du Cercle national du
recyclage:
«Il faut veiller à composter
dans les règles. Mal entretenu, le compost peut dégager du
méthane, un gaz vingt fois plus polluant que le CO2.»
Le compostage serait-il rentable?
S'il se démocratise, le compostage
urbain conserve son niveau expérimental en France, alors qu'il est
généralisé en Suisse.
Les plus grandes agglomérations, comme
Genève, ont même opté pour la collecte en porte-à-porte,
au même titre que les déchets ultimes. Ils partent pour la
plupart en usine de méthanisation pour produire de l'électricité
et du chauffage. Le reste sert à la production de compost. En 2008,
Genève annonçait avoir collecté 3.370 tonnes chez
80.000 foyers...
François Dagnaud précise:
«Ici, l'ambition de Paris est de
faciliter la mise en pratique du compostage chez les particuliers. Pour
le moment, nous n'envisageons pas de systématiser le tri des déchets
organiques et de les collecter.»
Ce n'est effectivement plus le même
investissement... Et pour cause : d'après l'expérience rennaise,
sur une moyenne de quinze familles volontaires par site, le compostage
collectif permettrait d'alléger la facture des collectivités
d'une tonne et demie de déchets par an et par site.
A 150 € le traitement de la tonne de
déchets ménagers, le gouvernement pourrait y voir une mesure
de rigueur...
Ce que je peux faire
Pour les Parisiens: si vous et vos voisins
remplissez les conditions susmentionnées, alors portez-vous volontaires
auprès de la mairie de Paris. Téléchargez le dossier
de candidature, imprimez-le et renvoyez-le par courrier.
Pour les habitants de province, le mieux est
de se renseigner auprès de sa municipalité. Si elle ne favorise
pas ce type de pratique, elle saura sûrement vous orienter vers certaines
associations qui s'en chargent. C'est le cas par exemple à Lyon
avec Les Compostiers.
A lire aussi sur Rue89 et sur Eco89:
* Pourquoi
ne pas racheter les canettes ramassées dans la rue?
* Et
si on développait le tri sélectif des journaux gratuits?
* Et
si on luttait contre la prolifération des emballages?
Ailleurs sur le Web:
* Le blog CompoSt'ory
* L'appel
à projet pour le compostage de la mairie de Paris |